Entrepôt d'OS trompe-l'ennui et remotivants.

Dans mes heures perdues, je m’amuse à me remémorer les souvenirs les plus forts que j’eus avec mon frère. Mon cher frère qui porte le même nom que mon fils ainé. Fred. Cette grande âme nous a quittés il y a déjà vingt ans. Je me souviendrais toujours de ce soir de mai, chaud et lourd. Le soir où le Seigneur des Ténèbres avait été réduit à néant par Harry Potter…

- Je ne rentrerais pas ce soir, Papa, me lança Fred en saisissant sa cape au porte manteau. Rendez-vous avec Hannah… Enfin, tu comprends.

Le sourire de mon fils était le même que le mien. Le même que mon frère. Je lui fis un clin d’œil et regarda la porte d’entrée se refermer sur ce grand dadais roux au teint plus hâlée que moi. Roxanne, ma fille, dormait ce soir-là chez une de ses amies, une Serpentard aux cheveux d’un blond argenté. Elle avait une ressemblance frappante avec Fleur, ma belle-sœur. Du moins, quand elle était plus jeune…

Cette évocation me rappela un souvenir que je partageais avec Fred.


Poudlard avait toujours été une école renommée dans le monde de la sorcellerie. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle l’école avait été choisie pour accueillir le Tournois des Trois Sorciers. Fred et moi avions, depuis l’âge de 8 ans, une envie folle de participer à ce tournoi légendaire. Et notre rêve allait enfin se réaliser…

Assis sur le banc qui bordait la table des Gryffondor, Fred à ma gauche et Lee Jordan en face de nous, nous écoutions avec attention – et c’était bien pour la première fois – le discours du professeur Dumbledore sur ce tournois. Il laissa en vitesse la place aux élèves de Durmstang qui arrivèrent violemment dans la Grande Salle dont le ciel était parsemé d’étoiles.

- Pincez-moi, les gars ! s’exclama Lee, les yeux exorbités.

Sans même se mettre d’accord, moi et mon frère le pinçâmes en même temps sur chacune de ses deux mains cuivrées. Il étouffa un cri de douleur, semi-amusé, semi-exaspéré. C’est alors que je me rendis compte que Lee avait eu raison de vouloir être pincé.

Le cortège des sportifs idiots de Durmstrang était fermé par… Viktor Krum, le célèbre joueur de Quidditch.

- Whaw… soufflâmes d’une même voix Fred et moi.

Avec bien du mal, je détachai mon regard de ce dieu du terrain pour jeter un coup d’œil à mon jeune frère, Ronald. J’ai bien cru que sa mâchoire allait tomber dans son assiette en argent. J’échangeai un regard complice avec Fred, nous promettant sans même en souffler mot de le charrier avec ce regard on ne peut plus… explicite.

- Et maintenant, veuillez accueillir l’académie Beauxbâtons ! tonna la voix amplifiée de notre directeur.

Aussitôt, les portes s’ouvrirent une nouvelle fois sur des… déesses. N’ayant pas de petite amie en vue, je me délectai de ses demoiselles en tuniques bleues. Une d’entre-elles attira mon attention – et par conséquent celle de mon frère.

- Alerte aux Vélanes enragés ! signalai-je.

Des cheveux argentés, un regard de braise, une silhouette gracile aux formes… avantageuses, pour rester décent. A la coupe du monde de Quidditch, nous avions vu de vraies Vélanes amenées par l’équipe bulgare. Cette jeune femme aurait pu en être une si un aura plus lumineux se dégageait d’elle.

- Ferme les yeux, Lee, ce n’est pas bon pour ton cœur, des gazelles comme ça, fit Fred d’un ton compatissant.

Lee ne sembla même pas avoir percuté qu’on lui avait parlé.

- Tu baves sur Angelina, Lee…

Ce fut Angelina Johnson qui réagit la première. Elle se retourna et regarda Lee comme s’il était le dernier des ahuris.

- Il n’a quand même pas… commença-t-elle, menaçante.
- Juste un peu, confirmai-je. Mais c’est tombé dans tes cheveux, ça ne se voit presque pas.

Angelina me fusilla du regard avant de nous sourire à mon frère et moi. Nous reportâmes notre attention sur la demoiselle mi-Vélane.

- Tu crois qu’elle l’a payé cher, sa perruque peroxydée ? demanda Fred, indécis.
- Surement moins cher que son mascara, répliquai-je sans la lâcher du regard. Regarde un peu ça… On pourrait nager le crawl dans son fond de teint !

Bien sûr, nous apprîmes par la suite que la beauté de Fleur était aussi naturelle que son caractère de gamine capricieuse.

- Arrêtez les gars… Elle est superbe !
- Tu as les genoux trempés, Lee… avertit mon sosie d’un ton las.

Notre ami lança un coup d’œil sur ses genoux, eut un petit rire et repartit dans sa contemplation des demoiselles qui étaient à présent de dos. Leur directrice était une femme d’une grande beauté au teint olivâtre. Grande beauté mais aussi grande taille. Si je montai sur les épaules de Fred en étant debout, je n’étais même pas sûr de la dépasser.

- Regarde ses chaussures… marmonnai-je à voix basse.
- Attends, je regarde autre chose, là.

Je suivis le regarde de Fred et compris qu’il regardait bien au dessus des chaussures. Cela me fit sourire.

- Même maman ne met pas de telles horreurs ! fit-il à mi-voix.
- La tante Muriel non-plus, remarque.

Lee nous lança un regard amusé. Il n’avait pas le même humour que nous mais savait être vraiment distrayant. Surtout pendant les batailles explosives au fond du cachot de Rogue.

Les demoiselles de Beauxbâtons s’inclinèrent. En même temps, Fred et moi portâmes les mains à notre bouche pour émettre un sifflement appréciateur quand nous croisâmes le regard courroucé du professeur McGonagall qui semblait avoir une envie folle de donner nos tripes aux hiboux de la volière.

Abandonnant notre idée, nous regardâmes les jeunes femmes s’asseoir dans la Grande Salle. Notamment à la table des Serdaigle. Nous vîmes la presque-Vélane jeter un coup d’œil à notre table. En même temps, moi et mon frère se redressâmes, abordant notre plus charmant sourire espiègle. Elle nous regarda puis, dans un lancé de cheveux olympique se détourna de nous pour aller s’asseoir aux côtés de Cho Chang, l’attrapeuse de l’équipe de Serdaigle.

- Bah, elle n’aime pas les rouquins. Et je la comprends, les gars, avoua Lee du même ton compatissant qu’avait employé Fred quelques instants auparavant.

Lee esquissa un large sourire. Vexés, Fred et moi commençâmes notre tirade désobligeante dont notre ami s’attendait.

- Les blondes ne savent pas apprécier la vraie valeur des choses, dit mon frère d’un ton solennel.
- Je suis d’accord avec vous, mon cher Frédéric, approuvai-je, une main sur le cœur.
- Qu’elle s’étouffe avec un bout de poulet.
- Tout en finesse, bien sûr, fis-je d’un ton courtois et singulièrement aristocratique, le petit doigt en l’air.

Fred jeta un coup d’œil à Angie qui nous écoutait avec son amie, riant joyeusement.

- Mais le pire, mon cher George… Ce serait que…

Il se pencha à mon oreille et fit d’un ton théâtral, assez fort pour que les autres entendent :

- … Une tache de mayonnaise sur sa robe !

Je poussai un cri aigu typiquement féminin, la main devant la bouche. Toutes les personnes qui avaient pu nous entendre éclatèrent de rire, regardant la moitié de Vélane qui demandait à Ron, rouge jusqu’au sommet du crâne, un plat.

- Le petit Ronny à sa maman à l’air d’apprécier les blondes, en tout cas…
- Ça change de la tante Muriel, pas vrai Ron ! lança Fred, haussant la voix.

Ronald nous lança un regard qu’il voulait assassin mais son air habituellement rêveur en démenti aussitôt.
Pendant tout le reste du banquet, nous lançâmes des vannes sur la personne qui allait devenir notre belle-sœur quelques années plus tard. Sans aveu aucun, j’étais persuadée que nous étions un peu amoureux d’elle. De cette petite précieuse à la longue crinière argent. De ce rire cristallin qui retourne l’estomac dès qu’il effleure le tympan. De ces dents d’une blancheur parfaite. De ses yeux bleus pâles, comme un ciel azur sous une fine nappe de brouillard…


- Je vais me coucher, George… m’informa Angelina, ma femme.
- Je te rejoins dans deux minutes.

Je décochai un petit sourire en coin qu’elle me rendit. Comme quand nous étions jeunes.

Me levant de mon fauteuil cramoisi dont les cousins portaient les marques de mon corps, je me dirigeai vers l’armoire boisée du salon. Je l’ouvris d’un coup sec et vis, face à moi, la Pensine en pierre. Elle appartenait à la famille Johnson, léguée à leur fille unique. Je plaçai l’extrémité de ma baguette contre ma tempe - contre mes cheveux gris-roux - et la reculai, laissant un long filament argenté s’extirper de mon crâne. Délicatement, je déposai mon précieux souvenir dans la Pensine. Dès demain, je le rangerai avec les autres…


George Weasley ferma la porte de l’armoire et monta rejoindre sa femme. La lumière du couloir s’éteignit quelques secondes après la fin des craquements de l’escalier. Seule la Pensine continuait à diffuser son aura nacrée. Au fond de celle-ci, une substance ni liquide, ni solide tournoyait, dans un rythme lent et régulier. Par moment, le souvenir fraichement recueilli remontait à la surface, laissant l’image de deux jeunes hommes roux éclater d’un rire silencieux. Puis il redescendait dans les profondeurs secrètes de la Pensine, flottant inlassablement dans ces eaux mystérieuses.
Si Fred Weasley avait été là, il aurait sans aucun doute dit : « Regarde George ! Même dans la Pensine, c’est toujours moi le plus beau ! ».