J'aurais du rester un libertin.

Après avoir quitté les cuisines, Sirius n'avait pas traîné. D'une démarche mécanique, dénuée de sa grâce et de sa prestance habituelle, il retraversa le couloir et une fois dans le grand hall, il grimpa machinalement les marches et continua directement jusqu'aux escaliers magiques. En quelques minutes seulement, il fut dans le couloir qui menait à sa salle commune. Ses pas résonnaient entre les murs de pierre grises et froides, parsemés de tapisseries et de tableaux généralement joyeux et bruyant. Mais sur son passage, les conversations s'éteignaient et les personnages dans les cadres le suivait des yeux d'un air stupéfait et presque ... désolé. Sirius Black ne souriait pas. Il n'exprimait même rien. Il marchait sans savoir où il allait, légèrement vouté sur lui même, les mains dans les poches. Tout son éclat avait subitement disparut et n'importe qui l'aurait vu en ce moment aurait dit qu'il ne s'agissait pas du célèbre Maraudeur. A vrai dire, il n'y pensait même plus lui-même. Qui était-il ? Que faisait-il ici ? Ou allait-il ? Autant de question qu'il ne se posait même pas, ne connaissant pas la réponse.

Il avait rompu avec Cassie et c'était la seule chose qui résonnait dans son esprit, autrement vide. Aucune émotion, aucun sentiment. Pas de rage, pas de désespoir, pas de soulagement, rien. Rien que le néant. Une simple phrase qui tourbillonnait sans cesse entre ses tempes, écho d'une vérité tellement ... C'était indescriptible. A chaque mot répété, il mourait un peu plus, imperceptiblement, sans même s'en rendre compte. Il ne percuta même pas que le tableau de la grosse dame pivota sans qu'il ait à dire le mot de passe. Il ne remarqua rien. Ni le silence qui régnait dans la salle aux couleurs chaleureuses des Lions, ni le feu dans la cheminée. Rien. Il se laissa tomber sur un fauteuil, comme une marionnette dont un joueur inconnu manipulait chaque membre. Là, il ne bougea plus. Les bras sur les accoudoirs, le dos contre le dossier, légèrement affaissé sur lui-même, il fixait sans les voir les flammes dans la cheminée.

Il avait rompu avec Cassie.

Lily était tranquillement installée à faire ses devoirs en compagnie d'une camarade lorsque Sirius entra dans la Salle Commune. Elle n'eut besoin que d'un coup d'oeil pour savoir que quelque chose n'allait pas. Rien que sa démarche montrait à quel point son abattement était grand ... Loin de sa prestance habituelle, il passa le trou du portrait et se dirigea vers l'un de ses fauteuils favoris. Tout chez lui donnait l'impression d'un pantin aux fils détendus et Lily ne fut même pas surprise de remarquer que l'ensemble des Gryffondor s'étaient tus. Sirius Black, le grand et fier Sirius Black, celui qui avait renié seize ans d'éducation et affichait son exubérance sans aucun complexe, ce même Sirius qui était passé du libertin le plus débauché au petit-ami heureux en ménage ... n'était visiblement plus rien. L'air hagard, les yeux vides de toute lueur malicieuse, il se laissa tomber dans son fauteuil et fixa le feu d'un regard morne. A vrai dire, il ne semblait même plus avoir conscience du monde extérieur et un poids invisible le faisait courber les épaules.

Sans un mot, Lily quitta la table à laquelle elle s'était installée, oubliant totalement les importantes révisions qu'elle devait faire, et se glissa jusqu'à son meilleur ami. Elle sentait le regard de toute la salle braqué sur sa nuque mais elle s'en moquait. Tout ce qui comptait en cet instant, c'était le fait que Sirius n'avait plus rien d'un être vivant. S'asseyant sur l'accoudoir du fauteuil où il se trouvait, elle ne fit rien d'autre que de lui prendre la main et de la serrer entre ses doigts frais. Elle ne disait rien, espèrant qu'il réagirait un tant soit peu à son geste. Et même si ce n'était pas le cas, elle ne souhaitait pas l'abrutir de questions. Il semblait avoir besoin de calme, de silence. Et d'intimité, pensa-t-elle en lançant un regard noir par-dessus son épaule.

Tous les élèves présents avaient le regard fixé sur eux, avides de savoir ce qui avait pu se passer pour que leur camarade se retrouve dans cet état. Affichant une grimace dégoûtée, Lily leur fit signe de déguerpir. Ce qu'ils se précipitèrent de faire lorsqu'elle mima le geste de prendre sa baguette magique ; tous connaissaient les colères de la préfète et personne ne souhaitait se frotter à elle.
Une fois qu'ils furent seuls, Lily s'agenouilla devant Sirius et le fixa longuement, en silence. Elle attendait qu'il parle, qu'il fasse un geste, qu'il lui montre par n'importe quel moyen qu'il était encore en vie.

Il avait rompu avec Cassie. Simplement parce qu'il avait été franc avec elle. Il aurait pu lui dissimuler ses baisers avec Elana, ne rien dire au sujet de cette dernière, faire comme si de rien était. Oh, il en aurait été capable. Mais il n'avait pas voulu. Quelque part, c'était presque comme s'il avait cherché cette rupture. Il avait embrassé Elana et la sensation n'avait pas été désagréable. Il appréciait de plus en plus la belle brune mais au fond de lui, il savait parfaitement que cet amour était improbable, ridicule, en plus d'être impossible et interdit. Il n'en aurait pas voulu, de toute manière. Il aimait déjà trop Cassandra pour cela. Et le pire, c'est qu'il l'aimait encore. Il avait pratiquement provoqué une rupture dans l'espoir qu'une fois séparé, il parviendrait à surmonter le choc, la douleur, le manque, l'absence et tout le reste, afin de redevenir ce qu'il était. Un libertin.

Alors qu'il repensait à tout ce qu'il avait laissé de côté pour être avec Cassie, il se sentit pris d'une vague de dégoût pour lui-même, pour ce qu'il avait été. Non, il ne pourrait plus être un séducteur sans pitié alors qu'il aimait encore. Il serait incapable de passer de corps en corps en brisant les coeurs derrière lui, sans foi ni loi. Pas alors qu'il éprouvait pour Cassie un amour dévastateur, encore intact. Bon sang comment en était-il arrivé là ? Il ne savait même plus. Il ne voulait pas savoir. Il s'en foutait totalement. Cassandra n'était plus sienne et il se retrouvait libre. Mais vide. Il lui avait tout donné, tout laissé en partant. Il n'avait même pas été foutu de se préserver. Ni d'éviter le désastre, d'ailleurs ...

Une main fraîche s'empara de la sienne mais il ne se sentait pas capable de bouger. Il n'était plus capable de rien, d'ailleurs. Pourtant, il le faudrait. Remus lui avait rappelé que sa transformation aurait lieu bientôt et Sirius avait promis d'être là, comme toujours. Il était chargé de le rappeler à James et Peter, d'ailleurs. Il lui faudrait affronter le monde, il ne pourrait pas simplement s'enfermer dans son esprit vide. Il lui faudrait afficher un visage humain et vivant. Cette idée seule suffit à le décourager. Il n'aspirait qu'à être seul avec lui même. Mieux encore, il voulait dormir. Il désirait par dessus tout se plonger dans un profond sommeil, sans rêve. Une mort artificielle durant laquelle la douleur s'estomperait toute seule, lui laissant la possibilité d'une nouvelle vie au réveil. Un recommencement. Mais c'était totalement exclus. Il savait parfaitement que les souffrances forgeaient l'âme. Il était même le mieux placé pour le savoir. Physique comme mentale, la torture rendait toujours plus fort, jusqu'à ce qu'elle détruise. Et malheureusement, il était encore assez lucide pour savoir qu'on ne mourrait pas d'une rupture amoureuse.

Soudain, un déplacement d'air lui apprit qu'on bougeait, derrière lui. Il ne sursauta pas, à peine conscient de ce qui se passait. Il remarqua juste, d'une manière presque absente, qu'il n'avait pas été seul durant ses méditations moroses. Et cette constatation n'eut aucun effet. Il s'en fichait. Tellement. Mais il sentait encore cette présence fraîche et douce autour de sa main. Il lui faudrait lever la tête, à un moment, afin de voir qui c'était. Son esprit atrophié et amorphe n'analysait plus rien et il ne pu ainsi pas déduire qui était la personne qui lui serrait gentiment les doigts. Il n'eut même pas l'idée de se fier au parfum. Il ne faisait rien. Son regard gris clair était fixé sur le feu, qu'il ne voyait pas. Aussi ne réagit-t-il pas lorsqu'une personne vint se poster devant lui, obstruant son champ de vision. Mais il ne regardait rien, il n'était conscient de rien. Il n'avait pas perçu les mouvements autour de lui. Il ne captait pas non plus le silence.

Il était si vide ... Il ferma les yeux et soupira profondément. Il fallait à tout prix qu'il se sorte de cette léthargie douloureuse. Il fallait qu'il bouge, qu'il réagisse, qu'il parle. Qu'il se lève et qu'il aille boire un coup. Un alcool fort ou un simple verre d'eau, qu'importe. Il devait aller voler, faire un tour dans les sommets du château en balais, se vider la tête. L'expression ne lui arracha même pas un sourire. Pourtant, elle était des plus comiques. Il désirait se vider la tête, rien de plus compliqué étant donné qu'elle était déjà dépourvue du moindre poids.

Il ouvrit les yeux et marmonna :

- J'aurai du rester un libertin.

Il n'en pensait rien, mais dans son raisonnement, s'il n'avait pas fait l'erreur de tomber amoureux, il n'en serait pas là aujourd'hui.

Sirius ne réagit même pas à son contact, ce qui inquièta un peu plus la préfète. Il n'avait pas pour habitude d'être aussi léthargique, même lorsqu'il n'allait pas bien. A bien y réfléchir, il donnait l'impression d'avoir reçu un baiser de Détraqueur et Lily frissonna en imaginant la situation. Sirius Black sans âme, c'était un peu comme un Soleil sans chaleur ou un mirage dans le désert. Cela avait l'apparence de la réalité mais la consistance du songe. Du cauchemar, plutôt.
Elle aurait voulu le secouer, le sortir de cet état affligeant, mais n'osait pas le brusquer, de peur qu'il se brise. Il paraissait brisé et aurait pu s'envoler au moindre souffle. Elle attendrait. Ce serait douloureux mais elle ne voulait pas prendre le risque de le voir soufflé comme un simple fétu de paille par son insistance. De toute manière, elle garderait sûrement en tête cette image d'un Sirius prostré, le regard vide, suffisamment longtemps pour ne pas avoir besoin d'en rajouter.

Un mouvement, faible et tellement fugace qu'elle crut avoir rêvé, lui fit relever la tête. Sirius avait fermé les yeux. Et laissa échapper un long soupir. Ce n'était guère rassurant mais ça avait le mérite de le ramener à la vie aux yeux de Lily. S'il pouvait exprimer autant de douleur et de doute dans un seul souffle, c'est qu'il avait encore toute sa tête, son coeur, son âme. Il n'était plus qu'un corps détruit et cauchemardesque ; il était juste un ami meurtri au plus profond de lui. Un nouveau battement de paupières et ses merveilleux yeux gris ré-apparurent, un peu moins vides qu'auparavant.

- J'aurai du rester un libertin.

S'il n'avait pas été dans un tel état, Lily aurait sûrement ri. Souri, au moins. Mais pour l'instant, le coeur n'y était guère. Et elle commençait à se faire une idée de ce qu'il s'était passé. Cassandra avait rompu. Ou lui, peu importait. Ce n'était pas la première fois qu'ils avaient un différent et que Sirius se trouvait amoché mais, aux vues de son comportement, il était évident que cette fois-ci était la bonne. Et que la scène avait du être violente.

- Sirius, murmura-t-elle avec douceur.

D'un geste instinctif, elle se mit à caresser la main de Sirius avec son pouce, signe d'une présence qu'elle espèrait rassurante. Un peu.

- Même si tu souffres, tu ne dois pas regretter ton choix. Tu as pris une décision que tu jugeais bonne, ne t'enfermes pas dans des hypothèses sur ce qui aurait pu se passer si tu ne l'avais pas fait.

Elle était consciente du fait qu'il n'était probablement pas en état d'analyser ses paroles, encore moins de se montrer objectif par rapport à la situation. Mais elle ne voyait guère comment lui venir en aide, il n'y avait rien d'autre à faire que d'être auprès de lui et de tenter de le rassurer, de le raisonner jusqu'à ce qu'il remonte la pente.

- Tu n'es pas tout seul, Sirius. Je suis là.

Une voix surgit de nulle part, douce et familière :

- Sirius ...

Il cligna des yeux et baissa un peu la tête, croisant alors le regard de Lily Evans. Elle lui caressait la main avec tendresse, étrange présence presque irréelle. Incapable de penser clairement, il ne répondit pas. Mais il faut croire qu'elle n'attendait rien de tel car elle reprit, toujours aussi douce :

- Même si tu souffres, tu ne dois pas regretter ton choix. Tu as pris une décision que tu jugeais bonne, ne t'enfermes pas dans des hypothèses sur ce qui aurait pu se passer si tu ne l'avais pas fait.

Il cligna une fois de plus des yeux, tout en se demandant de quoi parlait la belle rousse. Elle évoquait une décision qu'il aurait prit et qui serait la bonne, mais il ne voyait vraiment pas à quoi son amie faisait allusion. Embrasser Elana n'avait rien d'une idée de génie. L'avouer à Cassandra non plus, tout bien réfléchis. Sa meilleure amie lui parlait d'un choix qu'elle pensait tranché, mais Sirius n'avait rien décidé du tout. Il n'avait pas choisi de tomber amoureux de Cassandra, pas plus qu'il n'avait choisi d'avoir un faible pour Elana, au point de l'embrasser. Et l'aveu qu'il avait fait à sa ... son ex petite amie, n'était pas non plus un choix, à proprement parler. Juste une conséquence logique de ce qui s'était passé. Avec son caractère franc et honnête, il n'aurait pas supporté un non-dit.

- Tu n'es pas tout seul, Sirius. Je suis là.

Il inspira profondément, ne voulant pas blesser sa meilleure amie. Mais il se sentait terriblement seul, actuellement. Et il n'avait pas réellement envie que l'on vienne combler sa solitude. Il savait parfaitement que Lily s'en faisait pour lui, il devait ressembler à un cadavre, une loque ambulante, mais il aurait aimé ne pas tomber sur elle, à vrai dire. Il l'aimait beaucoup, toujours aussi fort que la première fois qu'il avait croisé son regard vert mousse étincelant de malice, mais en cet instant précis il aurait voulu être seul. Totalement.

- Merci, Lily-Jolie ...

Il avait à peine murmuré ces mots. Ils n'avaient été qu'un souffle bref et léger qui s'était échappé de ses lèvres entrouvertes. Décidément, il était bien plus mal en point que ce qu'il pensait. Au prix d'un sérieux effort, il se redressa et attrapa la main de la jeune femme, la tirant doucement vers le haut pour qu'elle se lève. Il la fit s'asseoir sur ses genoux et passa les bras autour d'elle, l'enlaçant simplement, d'un geste parfaitement naturel. Puis, il enfouit la tête dans ses beaux cheveux roux qui sentaient bon l'automne et ne bougea plus. Il inspira longuement le parfum nature de la jeune femme, sans rien dire, s'efforçant de ne pas pleurer et de ne pas bouger. Ainsi enlacés dans le fauteuil, ils restaient immobiles, leurs corps seulement agités par leurs respirations profondes et posées.

Puis, Sirius se recula, le visage inexpressif mais les yeux brillants d'une infinie tristesse. Il murmura d'un ton rauque :

- J'ai embrassé Elana ... Et je l'ai avoué à Cassandra. Je crois que c'est terminé, entre nous. J'aurais vraiment du rester un libertin ...

La dernière phrase avait un accent cynique et blasé, étincelle fugitive de son caractère autrefois flamboyant. Il se laissa aller dans le fauteuil, entraînant la belle rousse contre lui. Puis, il ferma les yeux et marmonna :

- La vie d'un homme amoureux est un bordel sentimental. Un foutu bordel sentimental.

Jamais une phrase n'avait sonné aussi juste, à ses oreilles.

Sirius inspira profondément et Lily le sentit distant, froid même. Comme s'il ne souhaitait aucune aide et préférait se morfondre dans son coin. Ce n'était guère étonnant chez quelqu'un d'aussi extrême que son ami. Il passait de la joie la plus exubérante à la tristesse la plus profonde avec l'aisance d'un comédien et il était complexe de modifier son humeur. Pourtant, Lily refusa de le laisser tranquille. Elle était plus têtue que lui et le connaissait sur le bout des doigts. Il avait beau espérer la solitude, elle ne lui serait nullement bénéfique.

- Merci, Lily-Jolie ...

Ces mots n'avaient été qu'un simple murmure, douloureux, mais elle ne se démonta pas pour autant. Au contraire, elle se réjouit de voir qu'il semblait avoir repris contact avec la réalité et qu'il était capable de suivre une conversation. Cela ne l'empêcherait certainement pas de se vautrer dans ses sombres pensées mais, au moins, elle pourrait le distraire durant quelques instants. Et tâcher de lui faire prendre conscience de l'inutilité de se morfondre en pareille circonstance.
Sans qu'elle s'y attende, la main de Sirius s'empara de la sienne et l'attira vers lui, la forçant à se lever pour finalement s'asseoir sur les genoux de son meilleur ami. Passant ses bras autour de sa taille, il plongea le visage dans ses cheveux et inspira doucement son parfum. Dans un mouvement familier, elle porta la main à son dos et le caressa lentement afin de le rassurer, de le consoler un peu. Finalement, Sirius se recula, sans pour autant la relâcher et Lily choisit de ne pas cesser son geste.

- J'ai embrassé Elana.

Lily eut un temps d'arrêt, la main suspendue entre le fauteuil et le dos de son camarade. Avait-elle seulement bien entendu ? Rien que le prénom de son amie dans la bouche de Sirius ... Inconcevable. Alors associé à un tel verbe ? Il était clair qu'elle avait rêvé et qu'il était temps qu'elle s'accorde une véritable nuit de sommeil. Elle voulut rire de sa stupidité mais, déjà, Sirius reprenait :

- Et je l'ai avoué à Cassandra, poursuivit le jeune homme. Je crois que c'est terminé, entre nous. J'aurais vraiment du rester un libertin ...

Finalement, il avait peut-être réellement prononcé une phrase aussi stupéfiante. Inconsciemment, Lily reprit sa caresse tandis qu'elle réflechissait. L'idée que la Serpentard ait pu laisser quelqu'un l'approcher au point de l'embrasser était déroutante. D'ailleurs, Elana aurait certainement saigné à blanc celui qui aurait osé agir de la sorte. Encore plus sûrement s'il s'agissait de Sirius Black, son défouloir personnel. Mais il était également évident que le Maraudeur n'irait jamais se vanter d'un tel exploit, lui qui fronçait ostensiblement le nez dès que son ennemie était dans les parages. Hormis en mettant cela sur le compte de l'alcool ... Mais non, puisque Sirius l'avait avoué à sa petite-amie. Il avait beau être connu pour sa franchise, il n'aurait sûrement pas pris le risque de perdre Cassandra pour un bête baiser dû à un trop fort taux d'alcoolémie.
Lily était indéniablement perdue.

- La vie d'un homme amoureux est un bordel sentimental. Un foutu bordel sentimental.

Alors qu'elle réflechissait, Sirius s'était enfoncé dans le fauteuil, l'entraînant à sa suite, et avait fermé les yeux. La préfète posa une main douce sur son visage pour le forcer à ouvrir les yeux et fixa son regard au sien.

- Tu es amoureux d'Elana, Sirius ?

La question était risible et jamais elle n'aurait cru avoir à la poser. Elle aurait d'ailleurs ri au nez de quiconque prononçant une pareille ineptie. Cependant, elle ne voyait guère d'autre explication au geste fou de son meilleur ami. Et si Elana ne l'avait pas repoussé ...
Lily poussa un soupir exténué. Décidemment, ses amis avaient le don de lui compliquer l'existence. Mais il était indéniable qu'elle adorait cela.

La main de Lily vint se poser sur sa joue et elle le força délicatement à tourner la tête vers elle. Obéissant, il ouvrit les yeux et planta son regard vide dans celui de sa meilleure amie, laquelle semblait totalement incrédule et perdue. Il aurait rit, autrefois, d'une telle situation. Lily Evans n'était que très rarement, pour ne pas dire jamais, dépassée. Or, actuellement, elle l'était. Indéniablement. Mais il n'avait pas le coeur à rire. Elle demanda à voix basse :

- Tu es amoureux d'Elana, Sirius ?

Là, il aurait au moins du esquisser un sourire, à défaut d'éclater franchement de rire. Jamais, au grand jamais, il n'aurait pensé devoir un jour répondre à une telle question. Et encore moins répondre ce qu'il allait répondre. Et pourtant ... Comment en était-il arrivé là ? Il se sentait déchiré, brisé de l'intérieur. Écartelé, tiraillé, indécis et malheureux. Dans un souffle, il murmura :

- Je ... Je crois que ... oui.

Il fixait Lily droit dans les yeux et ne rata pas son expression franchement incrédule, complètement ébahie. Légèrement mal à l'aise devant cette mine qu'elle n'avait pas l'habitude de montrer, Sirius poursuivit, toujours en murmurant :

- L'ennui, c'est que je suis encore fou amoureux de Cassie. Je ne pensais pas l'aimer autant. Je ne me serais jamais doutée, lorsque je l'ai embrassée pour la première fois, que nous irions si ... loin. Je suis tombée pour elle, j'ai arrêté d'être le libertin le plus populaire de Poudlard. Je ne voyais qu'elle et je n'aimais qu'elle. Mais elle est jalouse. Il y a eu deux crises. Puissantes. Vraiment.

Il marqua une pause et inspira profondément. Ses idées se mélangeaient, il savait qu'il n'était pas très clair. Mais il était lancé, autant terminer l'histoire.

- Elana était là. Et avec elle, ce n'était pas très compliqué. Les chamailleries habituelles. Les traits d'esprit mêlés d'ironie. Les piques, les vannes ... Je l'ai embrassée dans la forêt interdite, sur un coup de tête. C'était de la provocation, mais le baiser, quoi que fugitif, m'a surpris, je ne m'attendais pas à ressentir une telle ... Hum, comment dire ...

Il fronça les sourcils, ne sachant pas comment décrire ce qu'il avait éprouvé au contact des lèvres de la belle brune. Une sorte de désir, surement. Des battements d'aile de papillon dans le ventre, ténus mais réels. Il esquissa une grimace et reprit :

- Disons que j'me suis soudain senti attiré par elle. Sauf que, tu connais Elana ... Elle a voulu me tuer, après ça. J'ai d'ailleurs la marque de son coutelas, sous mon sort de désillusion. Je ne te la montre pas, elle est repoussante.

Il souffla machinalement vers le haut, repoussant une mèche de ses cheveux mi-long qui lui tombait sur les yeux. Il s'embrouillait, il en était conscient. Mais après tout, c'était peut-être mieux qu'il ne soit pas précis et concis. Lily se débrouillerait bien avec sa meilleure amie, après tout. Elles se connaissaient ...

- Ensuite, lors de la soirée que tu as organisé pour James, j'ai dansé avec elle. Oui, j'ai réussi à la faire danser et tu ne me croiras surement pas mais elle danse comme une reine ... Une vraie professionnelle, je me suis sentit petit, à côté d'elle. Ensuite, alors que nous étions près du buffet et que je cherchais à savoir qui était ton cavalier, qui me disait vaguement quelque chose, elle m'a embrassé, avant de m'entrainer dehors. Je n'y suis pour rien, là.

Il baissa légèrement la tête, sans quitter sa meilleure amie du regard. Il acheva simplement :

- Et c'est tout. Je l'ai avoué à Cassie. Nous avons rompu. Et maintenant ...

Il se tut. Il n'y avait pas de suite à sa phrase.

Un souffle. Rien qu'un souffle, pas même un sourire.

- Je ... Je crois que ... oui.

C'était comme un coup de massue à l'arrière du crâne, une sensation violente et inhibitante. Incapable de se contrôler, Lily écarquilla les yeux et entrouvrit légèrement la bouche sous le coup de la surprise. Elle s'était attendue à tout sauf à un tel aveux. Il aurait très bien pu, non il aurait dû, lui rire au nez, prétendre qu'il s'agissait d'un pari, d'une blague, d'un coup de folie ... N'importe quoi mais pas ce oui, hésitant mais bien réel. Sirius, amoureux d'Elana Wild. Le sang-pur rebelle épris de la fille du Lord Noir. Il n'y avait que dans les romans, dans les films que de pareilles choses arrivaient.

- L'ennui, c'est que je suis encore fou amoureux de Cassie. Je ne pensais pas l'aimer autant. Je ne me serais jamais doutée, lorsque je l'ai embrassée pour la première fois, que nous irions si ... loin. Je suis tombée pour elle, j'ai arrêté d'être le libertin le plus populaire de Poudlard. Je ne voyais qu'elle et je n'aimais qu'elle. Mais elle est jalouse. Il y a eu deux crises. Puissantes. Vraiment.

Là, au moins, elle reconnaissait bien Sirius. Celui qu'elle connaissait depuis des années, qu'elle avait vu grandir et évoluer. Il était d'une complexité alarmante et elle ne s'étonnait même pas qu'il puisse porter des sentiments à deux personnes différentes après avoir été l'un des - plus grands Don Juan que Poudlard ait connu.

- Elana était là. Et avec elle, ce n'était pas très compliqué. Les chamailleries habituelles. Les traits d'esprit mêlés d'ironie. Les piques, les vannes ... Je l'ai embrassée dans la forêt interdite, sur un coup de tête. C'était de la provocation, mais le baiser, quoi que fugitif, m'a surpris, je ne m'attendais pas à ressentir une telle ... Hum, comment dire ...

Elle le vit froncer les sourcils, visiblement à la recherche du terme adéquat pour qualifier ce qu'il avait éprouvé. Et elle était suspendue à ses lèvres, désireuse de mieux comprendre pour pouvoir réagir de la manière la plus appropriée.

- Disons que j'me suis soudain senti attiré par elle. Sauf que, tu connais Elana ...

Lily n'avait guère besoin qu'il précise la nature de la réaction de leur camarade. Il était évident qu'elle avait dû voir rouge et réclamer vengeance. Quitte à le pourchasser durant des années, à le traquer inlassablement pour enfin raviver son honneur dans le sang. A vrai dire, la préfète s'étonnait que son meilleur ami puisse encore se vanter d'un tel exploit ...

- Elle a voulu me tuer, après ça. J'ai d'ailleurs la marque de son coutelas, sous mon sort de désillusion. Je ne te la montre pas, elle est repoussante.

Pour le coup, la rouquine en voulait à son amie. Sirius avait déjà suffisamment de cicatrices et de souffrances à masquer sans qu'elle n'ait besoin d'en rajouter. Même s'il l'avait clairement cherché. Il lui faudrait tâcher d'arranger cela, une autre fois puisque le gryffon ne semblait pas décidé à dévoiler sa nouvelle blessure pour le moment.

- Ensuite, lors de la soirée que tu as organisé pour James, j'ai dansé avec elle. Oui, j'ai réussi à la faire danser et tu ne me croiras surement pas mais elle danse comme une reine ... Une vraie professionnelle, je me suis sentit petit, à côté d'elle. Ensuite, alors que nous étions près du buffet et que je cherchais à savoir qui était ton cavalier, qui me disait vaguement quelque chose, elle m'a embrassé, avant de m'entrainer dehors. Je n'y suis pour rien, là.

Dans un premier temps, le compliment qu'adressa Sirius à son amie la fit sourire. Ils se détestaient, cherchaient continuellement un moyen de rabaisser l'autre ... Et voilà que lui se montrait à présent suffisamment mature pour reconnaître les qualités de la jeune fille. Un progrès incontestable. Puis, lorsqu'elle eut bien analysé l'ensemble des informations, elle ne put s'empêcher de pâlir légèrement. Et de remercier intérieurement la Serpentard de lui avoir sauvé la vie. Il était clair qu'Elana avait embrassé Sirius pour le distraire de son investigation et, ainsi, éviter un scandale. Ainsi qu'une bonne bagarre entre les frères Black. Lily allait devoir penser à remercier son amie et à se montrer plus prudente en compagnie de Regulus. Sans oublier de prier pour que Sirius ne découvre jamais leur relation.

- Et c'est tout. Je l'ai avoué à Cassie. Nous avons rompu. Et maintenant ...

Il avait légèrement baissé la tête, laissant sa phrase en suspent et affichant un air confus. Avec de pareils évènements, il était tout à fait compréhensible qu'il se sente mal, dépassé, dérouté ... Embrasser sa pire ennemie et l'avouer à la première demoiselle qu'il avait aimé, ce n'était pas tellement propice à la bonne humeur.

- Et maintenant ? insista Lily.

Sirius avait toujours été borné et volontaire, s'il éprouvait des sentiments pour Cassandra il chercherait sûrement à la récupérer, à se faire pardonner. Sauf qu'il doutait à présent de son opinion sur Elana, ce qui rendait sa réaction imprévisible.
Voyant qu'il ne répondait pas, la rouquine reprit :

- Ecoute, je doute que Cassandra accepte de revenir auprès de toi si tu ressens quelque chose pour une autre. C'est logique, surtout si elle t'aime et qu'elle est jalouse. Personne n'apprécierait d'être avec quelqu'un en sachant que ses pensées sont pour une personne différente. Peut-être que tu devrais d'abord mettre les choses au clair par rapport à Elana, aux sentiments que tu penses avoir développé à son encontre.

De son côté, elle allait sûrement devoir mener sa petite enquête auprès de sa meilleure amie pour éviter de nouvelles souffrances à Sirius.

- Et si tu dois réaliser que tu n'aimes que Cassie, une pause vous aura sûrement été bénéfique. Ainsi, vous serez tous les deux certains de ce que vous désirez et vous redoublerez d'efforts pour rester ensemble.

Elle lui adressa un sourire encourageant, souhaitant par-dessus tout qu'il retrouve sa bonne humeur. Voir ses yeux s'animer, même un peu.

- Après, si tu penches plutôt pour Elana ... Je te conseille de faire les choses en douceur. Tu as déjà dû le remarquer mais elle est assez farouche alors si tu tiens à la vie, mieux vaut ne pas la brusquer.

Un sourire amusé effleura ses lèvres lorsqu'elle évoqua la jeune fille de cette façon. Si elle avait été là, elle les aurait certainement massacré tous les deux pour oser prétendre la connaître aussi bien. Et pour avoir évoquer sa personne dans son dos. Surtout de cette façon.

- Cesse de te miner, d'accord ? Un peu de temps t'aidera à y voir plus clair.

- Et maintenant ?

Lily insistait. Il savait qu'elle avait raison mais il ne pouvait s'empêcher de trouver qu'elle aurait pu lui épargner ça, ce genre de questions auxquelles il n'avait pas de réponse. Il resta silencieux, préférant éviter de dire n'importe quoi.

- Écoute, je doute que Cassandra accepte de revenir auprès de toi si tu ressens quelque chose pour une autre. C'est logique, surtout si elle t'aime et qu'elle est jalouse. Personne n'apprécierait d'être avec quelqu'un en sachant que ses pensées sont pour une personne différente. Peut-être que tu devrais d'abord mettre les choses au clair par rapport à Elana, aux sentiments que tu penses avoir développé à son encontre.

Mettre les choses au clair. Ce n'était pas compliqué. Il avait rompu avec Cassandra Hamilton, pour laquelle il éprouvait encore des sentiments puissants. Mais il était attiré par Elana Wild, insupportable peste aux manières de reine, sa rivale attitrée depuis leur première année. Il développait pour elle le même genre de sentiment que pour Cassandra, soit un amour puissant et dévastateur. L'avantage avec Elana, c'est que ça relevait du rêve, du miracle, de l'impossible. Il souffrirait donc comme les fervents adorateurs de Dieu. Il vouerait un culte à son idole sans jamais pouvoir l'atteindre. Il ne se brûlerait pas les ailes de la même manière. Bon, il en pâtirait quand même, mais il était certain de pouvoir mieux gérer cette douleur là. Même la jalousie, il était persuadé de pouvoir la contrôlé. Il avait d'ailleurs entendu dire qu'Elana avait une liaison avec un des professeurs de l'école, ce qui n'était pas pour lui plaire mais il n'y pouvait rien. Presque tous les enseignants étaient des mangemorts, quoi de plus normal après tout ... Son regard s'était pourtant obscurci. Par chance, Lily reprit la parole :

- Et si tu dois réaliser que tu n'aimes que Cassie, une pause vous aura sûrement été bénéfique. Ainsi, vous serez tous les deux certains de ce que vous désirez et vous redoublerez d'efforts pour rester ensemble.

Sirius equissa un sourire ironique, profondément amer. Cassandra ne voudrait plus jamais de lui, c'était une certitude. Ce qui le rendait malade dans cette histoire, c'était les promesses inavouées qu'ils s'étaient fait. Il avait juré d'être toujours là pour elle, de ne jamais la blesser. Quelle utopie fabuleuse. Mais il n'était pas entièrement fautif. Depuis quelques temps, elle n'était plus assez présente. Il ne la voyait plus que rarement et leurs contacts étaient difficiles. Et ça, il n'y était pour rien. Il haussa machinalement les épaules, conscient qu'ils étaient tous les deux responsables de la fin de leur histoire.

- Après, si tu penches plutôt pour Elana ... Je te conseille de faire les choses en douceur. Tu as déjà dû le remarquer mais elle est assez farouche alors si tu tiens à la vie, mieux vaut ne pas la brusquer.

Un sourire amusé mais cynique frôla les lèvres du Gryffondor. La remarque était pertinente, il avait déjà failli y laisser sa peau. Seulement il n'était pas certain que la douceur fonctionne, avec une personne de la tempe d'Elana. S'il faisait preuve de délicatesse, elle risquait de s'énerver profondément, plus encore que s'il y allait franco, comme il l'avait déjà fait.

- Cesse de te miner, d'accord ? Un peu de temps t'aidera à y voir plus clair.

Il hocha calmement la tête, soulagé de voir qu'ils arrivaient au terme de la discussion. Ne voulant pas lui laisser la possibilité de relancer le sujet, il demanda d'un ton curieux, fronçant les sourcils :

- Tu as raison. Je vais laisser l'eau couler sous les ponts. Mais dis moi, Lily-Jolie ... Qui était ton cavalier, le soir de la fête donnée en l'honneur de James ? Je suis certain de le connaître et pourtant, je n'arrivais pas à mettre un nom sur lui ...

Il guetta la réaction de la jeune femme, curieux de savoir qui pouvait-être ce mystérieux jeune homme qui lui faisait si galamment la cour, ce soir là. Elana, en l'embrassant, l'avait détourné de l'inconnu mais maintenant qu'il y repensait, il voulait savoir qui c'était.

Sirius hocha lentement la tête, visiblement soulagé que la discussion tire à sa fin. Bien qu'elle aurait aimé poursuivre sur ce sujet, Lily comprenait aisément qu'il ne souhaite pas s'étendre sur quelque chose d'aussi intime et lui laissa donc le temps de relancer la conversation.

- Tu as raison. Je vais laisser l'eau couler sous les ponts. Mais dis moi, Lily-Jolie ... Qui était ton cavalier, le soir de la fête donnée en l'honneur de James ? Je suis certain de le connaître et pourtant, je n'arrivais pas à mettre un nom sur lui ...

Prise de cours, Lily ne put s'empêcher de rougir. Tout à sa surprise de découvrir un Sirius amoureux d'Elana, elle avait complètement oublié qu'il était présent, lui aussi, lors de cette fameuse soirée. Et il avait inévitablement assisté au spectacle que Regulus et elle avaient donné ...

Dans un premier temps, la préfète pensa dire la vérité à son ami. Ils n'avaient pas pour habitude de se montrer cachottiers l'un envers l'autre et elle ne voyait pas le mal qu'il pouvait y avoir à fréquenter un Serpentard. Pourtant, elle renonça bien vite à cette idée lorsqu'elle se souvint de tout le ressentiment que Sirius éprouvait à l'égard de son jeune frère, celui qui avait préféré suivre leurs parents plutôt que de se montrer courageux.

- C'est une excellente question, j'avoue ne pas avoir pensé à la lui poser.

Son mensonge était assez minable mais plutôt plausible aux vues de sa réputation. Voilà longtemps qu'elle avait cessé de s'interroger sur l'identité de ses passades et Sirius pouvait tout à fait se laisser avoir par un tel argument. Pour s'assurer la victoire, elle adressa un sourire amusé mais un brin contrit à son ami, signe qu'elle avait conscience de l'aspect déplacé de son comportement.

A la grande surprise de Sirius, Lily se mit à rougir. Voilà qui était inhabituelle, une Lily Evans rougissante. Il y avait anguille sous roche. Le cavalier devait-être quelqu'un qu'il connaissait, il n'y avait pas d'autre explication. Ce qui confirmait de plus son impression d'avoir déjà vu ce type quelque part. Mais où ... Et qui était-il ? Il s'attendait à ce que sa rousse amie le lui dise mais visiblement, elle n'en avait pas l'intention.

- C'est une excellente question, j'avoue ne pas avoir pensé à la lui poser.

Elle lui adressa un sourire à la fois contrit et faussement innocent, de ces sourires qu'il avait lui aussi l'habitude d'employer lorsqu'il voulait attendrir quelqu'un. Il hésita à insister mais, devant le joli minois de son amie, il ne put que rendre les armes et lui retourner un sourire amusé, un peu résigné. Sur un ton nonchalant et désinvolte, il glissa toutefois :

- Il avait l'air de te plaire, en tout cas.

Il se promit d'en savoir plus. Cet inconnu familier l'intriguait et tournait à l'obsession. Il finirait bien par apprendre de qui il s'agissait. Tient, Elana le savait certainement. Maintenant qu'il y repensait, elle l'avait embrassé lorsqu'il s'était concentré sur le cavalier de sa meilleure amie, l'empêchant ainsi de poursuivre ses investigations visuelles. Et si Elana ne voulait rien dire, ce qui était plus que probable, il demanderait autour de lui, aux demoiselles qui partageaient un peu la vie de Lily. La plupart d'entre elles étaient d'anciennes conquêtes qui ne pensaient qu'à le reconquérir, elles se feraient un plaisir de lui donner des renseignements. Revenant au présent, il déposa un baiser sur la joue de la jolie brune et demanda alors :

- As-tu vu James, ces derniers temps ?

Son meilleur ami n'était plus très visible en ce moment. Il espérait que Lily en saurait plus.

Lily connaissait bien son ami et elle remarqua la légère hésitation dont il fit preuve avant de lui adresser un sourire résigné. Il avait eu envie de poursuivre l'interrogatoire, certainement peu convaincu par ses assertions, et elle ne put s'empêcher de grimacer à l'idée de la réaction qu'il aurait pu avoir en apprennant l'identité de son cavalier. Le simple fait qu'elle ai pu discuter de manière civilisée avec Regulus allait lui paraître suspect, traître. Et vu qu'ils ne s'étaient pas contentés de converser tranquillement ... Lily pria intérieurement pour que personne n'apprenne jamais l'identité de son cavalier et, surtout, pour que cette information ne parvienne jamais aux oreilles de Sirius.

- Il avait l'air de te plaire, en tout cas.

Un sourire amusé effleura les lèvres de la préfète. Les Black faisaient partis des élèves les plus courtisés de l'école et elle ne pouvait pas se targuer d'être en reste. Ils possédaient tous un charisme incroyable auquel personne ne pouvait résister. Pas même devant Bellatrix bien que, dans son cas, l'attrait soit plus morbide qu'admiratif. Et Lily avait fréquenté trois d'entre-eux ... Un score qui avait de quoi rendre plus d'un de ses camarades jaloux.
Comme pour confirmer ses pensées, Sirius lui déposa un baiser sur la joue, la faisant sourire de plus belle. De tous les enfants Black, il était de loin son favori et elle était ravie de le compter dans ses amis les plus proches.

- As-tu vu James, ces derniers temps ?

Son sourire se métamorphosa en grimace. James Potter était certainement l'âme qu'elle avait le plus mutilé au sein de Poudlard et même sa proposition d'amitié avait paru le blesser. Elle ne savait plus comment le prendre, ni quoi penser de lui. Il changeait d'humeur en une poignée de secondes, l'adulait avant de lui parler comme à une inconnue, scandait partout qu'il voulait sortir avec elle et finissait par rejetter jusqu'à son amitié ... De tous les Maraudeurs, il était sans aucun doute le plus instable et le plus incompréhensible.

- Pas depuis la soirée.

Elle voulu ajouter qu'elle craignait de lui avoir fait beaucoup trop de mal mais, consciente de l'aspect présomptueux de sa remarque, elle s'en abstint.

- Mais tu es son meilleur ami, tu dois bien savoir ce qui pousse le grand Potter à se terrer.

Elle lui adressa un sourire joyeux. Cela faisait plusieurs semaines qu'ils n'avaient pas eu l'occasion de discuter et elle était réellement heureuse de le retrouver. D'autant que son air morose disparaissait peu à peu pour laisser place à son habituel sourire de gosse. Prise d'un soudain élan de tendresse, elle posa une main sur sa joue et la caressa doucement.

Le sourire de la belle rousse tomba et une grimace déforma ses traits, l'espace d'un instant. Ce n'est qu'à ce moment là qu'il se rendit compte de sa bêtise. James courrait après Lily Evans depuis leur première année à l'école, raison pour laquelle lui-même n'avait jamais osé se rapprocher de la jeune femme d'une manière autre qu'amicale. Pourtant, il avait aimé Lily. Avec une force incroyable et dévastatrice. Mais aujourd'hui, il ne la voyait plus que comme sa meilleure amie. Il gardait toujours la blessure de cet amour secret au fond de lui, mais elle était acceptable et faisait partie de lui au même titre que les séances de torture qu'il avait subit en étant enfant.

- Pas depuis la soirée.

La fameuse soirée durant laquelle elle avait discuté avec un inconnu trop familier, la soirée où Elana l'avait embrassé avant de le trainer hors de la pièce. Plus il y pensait, plus les deux évènements lui semblaient liés. Il se promit de mener l'enquête auprès de son fan-club, pour une fois qu'il pourrait lui être utile ...

- Mais tu es son meilleur ami, tu dois bien savoir ce qui pousse le grand Potter à se terrer.

Il baissa les yeux et tomba nez à nez avec le sourire joyeux de son amie, qui semblait détendue et heureuse dans ses bras. Elle leva la main pour venir lui caresser la joue et la douceur du geste manqua de le faire déglutir tant c'était proche de ce dont il avait toujours rêvé pendant trois ans. Mais il lui retourna son sourire et hocha simplement la tête, sans faire remarquer que la seule raison qui pouvait pousser James à se cacher, c'était elle. Elle et les souffrances qu'elle lui infligeait sans parfois s'en rendre compte. La fameuse soirée en question lui avait porté un coup, au grand Potter comme elle disait. Il l'avait vu avec l'inconnu et ils discutaient d'une manière bien trop proche pour laisser place au doute. Et James avait serré les dents, endurant simplement le spectacle.

Il murmura d'un ton rêveur :

- Je finirais bien par le trouver, oui. Je dors dans la même pièce que lui, pour commencer.

Puis il soupira et demanda, changeant de sujet du tout au tout sans prévenir :

- Comment as-tu rencontré Elana, Lily ? J'admets avoir un peu de mal à comprendre comment toi et James avez pu vous lier autant avec elle. L'ironie est que je suis ton meilleur ami autant que celui de James, mais jusqu'à il y a peu, je ne pouvais pas supporter de rester plus d'une heure avec Miss Wild ... Et voilà que je ne sais plus ce que je ressens pour elle. D'un compliqué ...

Il fronça les sourcils, de nouveau soucieux.