Il y a là là là si l'on prenait le temps ... [ Remus & Haelya ]

Rapidement, Remus dégagea une de ses mains et se mit à marcher, entrainant Haelya à sa suite et traversant la cour de récréation. Ils la traversèrent sans s'y attarder, accédant au parc par une arche assez richement décorée, du même style que celle qu'elle avait fait explosé quelques semaines plus tôt, le jour de sa rencontre avec Sirius. Le tas de pierre se trouvait cependant derrière elle et sous ses yeux, la neige immaculée du parc recouvrait d'un tapis parfait l'herbe, allant jusqu'au lac et à la forêt.

Enfin, le spectacle était beau quand on ne regardait pas directement à la jonction entre les bâtiments et les terres. Là, la neige avait fondu, rongée par le soleil gourmand, et une immense flaque de gadoue recouvrait le tout. Avant qu'elle ne puisse proposer un autre chemin, Remus, qui avait froncé les sourcils à la vue peu ragoutante, avait tiré sa baguette et d'un mouvement souple, il changea la boue et la neige trempée en une couche brillante et lisse de glace. Haelya arqua un sourcil, ne comprenant pas la manœuvre mais bientôt, le Gryffondor avait jeté un nouveau sort, transformant ses chaussures en patins à glace et pivotant pour en faire de même avec celles d'Haelya.

D'un air malicieux, lui volant un baiser par la même occasion, il déclara :

- Et maintenant, attrape moi si tu peux !

Et aussitôt, il s'était élancé. Pendant plusieurs secondes, Haelya l'avait regardé évolué avant de se rendre compte que ses jambes tremblaient. Ce qu'elle pouvait être gauche, dans ce genre d'exercice. Elle avait une puissance impressionnante pour tous les sorts et avait des pouvoirs qu'aucun ne soupçonnait, mais quand il s'agissait de prouesses physiques, il n'y avait plus personne. Elle était chétive, faible et maladroite, en fin de compte. Seulement, elle le cachait bien, mais là, de toute évidence, cela se verrait. Pressant fermement ses lèvres, elle fit un pas en avant, puis un autre, et un dernier, atteignant la glace et appréhendant presque autant que sa leçon de vol avec son cousin.

Aussi loin qu'elle se souvienne, elle n'avait jamais réellement patinée, préférant rester debout sur le bord du lac gelé derrière la maison de Galway, à regarder les autres s'amuser alors que la neige tombait sur les collines. Elle pouvait encore entendre les cris agacés des garçons perdant leurs palets de jeu et les éclats de rire des ses sœurs qui se chassaient l'une et l'autre pour savoir qui était la plus douée. C'était sans doute Ninaskah, d'ailleurs, parce qu'Haelya la revoyait, et elle était de loin la plus gracieuse. Mais elle, la petite brune famélique, elle regardait, elle observait, elle souriait, se souvenait, prenait des clichés dans sa tête pour se les repasser plus tard... Elle fonctionnait ainsi, et c'était aussi pour ça qu'elle savait pertinemment qu'elle ne ferait pas une bonne Mangemort : elle n'était pas faite pour le terrain, trop fragile et peu entrainée, trop rêveuse et impressionnable. Trop faible pour eux.

Elle prit une profonde inspiration, ses genoux tremblant toujours, et doucement, le plus délicatement et gracieusement possible, elle se lança. Et en effet, c'était gauche. A vrai dire, elle était bien contente que Remus soit partit devant et que ses propres déplacements l'accapare. Il ne pouvait pas la voir, et c'était tant mieux, elle devait avoir l'air ridicule. Lentement, laborieusement, avançant presque en marchant tant elle avait peur de tomber, elle cheminait, suivant du mieux qu'elle le pouvait le jeune homme qui filait à vive allure vers le lac.

Elle finit par prendre un peu plus d'assurance, s'autorisant à aller plus vite mais ne tentant toujours pas le diable. Finalement, elle atteignit le lac, où Remus l'attendait, apparemment surpris par son manque de vitesse. Il avait les joues rosit par le froid et semblait assez amusé par la scène qu'il regardait. De plus en plus, elle se sentait ridicule, mais d'un autre côté, elle n'avait pas le choix : elle voulait être avec lui. Et après tout, c'était peut-être l'occasion d'apprendre...

Utilisant le peu de vitesse qu'elle avait acquis, elle se laissa glisser jusqu'à lui et s'arrêta en passant ses bras autours de son torse. Immédiatement, elle enfoui son visage contre le pull du jeune homme et murmura, la voix un peu heurtée :

- Je crois que c'est un baptême. Ou bien j'étais trop petite pour m'en souvenir la première fois.

Les jambes encore peu sure, elle lâcha Remus, se concentrant pour rester debout et éviter les faux mouvements. Tomber serait certes pathétique, mais surtout douloureux, et elle n'était vraiment pas taillée pour éviter les fractures quelles qu'elles soient.

Un sourire chaleureux vint se peindre sur le visage doux et aimé de Remus, alors qu'il faisait un pas en avant et que délicatement, il s'emparait des mains de la jeune fille. Immédiatement, elle se sentit mieux, plus en confiance, sachant que si elle tombait, il ferait surement tout son possible pour la rattraper avant qu'elle ne s'écrase douloureusement sur la glace. A travers les larges mailles de ses gants de laine, elle sentait la chaleur de ses doigts, de sa peau, et elle en vint à se demander comment il faisait pour ne pas avoir froid, pour être toujours aussi réconfortant et agréablement chaud... Quand elle était glacée comme la surface lisse sous leurs patins, lui s'apparentait plus au soleil, à un feu, à un été indien...

- Allez ma Lune, viens avec moi.

Elle ne put s'empêcher de sourire à sa voix, malgré sa peur et son manque de confiance. Elle avait beau croire en lui, au fait qu'il ne la lâcherait pas, elle savait très bien qu'elle ne pouvait pas se croire elle-même et que son corps pouvait très bien la laisser tomber sans prévenir. Il avançait doucement, et Haelya en était reconnaissante, il faisait attention à elle, à ses peurs et ses angoisses, c'était tellement agréable qu'elle avait subitement envie de faire des efforts, de combattre tout ça et de prendre des initiatives pour agir plus librement... Elle n'avait pas une marge de manœuvre énorme, mais rien ne l'empêchait d'essayer. Bientôt, il lâcha une de ses mains et se retrouva à ses côtés en un mouvement gracieux. Elle enviait un peu son aisance, comme elle avait jalousé la facilité de Sirius a volé, à s'enfuir loin de tout sur son balais.

Elle se concentra sur la glace, avançant doucement. Elle aimait cette image de Remus et d'elle, progressant, évoluant main dans la main. Elle était sans doute trop romantique, à voir ainsi des images partout, mais elle ne voulait pas devoir lutter contre ça, trop heureuse de ce bonheur, de l'avoir dans sa vie, pour elle seule, sans avoir besoin de se cacher. Elle remarqua alors qu'ils ralentissaient, et que le jeune homme ne cherchait plus à accélérer, souriant simplement alors qu'il regardait devant lui.

Prenant son courage à deux mains et resserrant ses doigts dans ceux chauds et rassurants de Remus, elle se décida à avancer, repassant un peu devant lui, sans pour autant briser l'étreinte de leurs phalanges. Elle devait se faire confiance, sachant très bien qu'elle n'irait nulle part si elle ne croyait pas en ses capacités, seulement, elle ne connaissait que très mal ses limites, et appréhendait souvent de les dépasser, de faire quelque chose qui lui serait fatal. Rien n'arriverait de grave ici, mais elle pouvait très bien tomber et se faire mal, ou bien lui faire mal... Secouant doucement la tête, elle chassa ses idées et se retourna, se mordant les lèvres quand elle réalisa qu'elle était toujours debout.

Un sourire satisfait se posa sur ses lèvres, puis se transforma en une expression plus tendre quand elle regarda son petit ami. Dans la manœuvre, ils s'étaient arrêtés, presque au milieu du lac, le château derrière Remus. Elle posa délicatement sa main libre sur l'épaule du garçon et se servit du point d'attache pour se rapprocher. Doucement, elle pencha en avant, allant déposer tendrement ses lèvres dans son cou et se laissant porter par la chaleur de sa peau et la douceur de son odeur. Bientôt, elle voulut se mettre sur la pointe des pieds, oubliant presque qu'elle avait des patins et qu'elle glisserait sans doute à bouger ainsi, mais elle s'en fichait bien, puisqu'elle remontait ses lèvres contre lui, rejoignant rapidement sa bouche et l'embrassant, transporter par la beauté de la scène qu'ils devaient offrir à ceux qui pouvaient bien regarder par les fenêtres de Poudlard.

Ce qui devait arriver arriva et elle sentit une de ses jambes partir sous la pression qu'elle exerçait pour se grandir et pouvoir l'embrasser. Immédiatement, elle fit glisser la main qui était toujours sur son épaule autours de sa nuque, cherchant un appui et ne voulant surtout pas rompre le baiser qui se faisait de moins en moins timide, à mesure que chacun de leur côté, ils l'approfondissaient, en faisant une poésie sans mot, l'hymne à un amour improbable mais bien réel. Elle allait tomber, mais elle s'en fichait, elle aimait, elle se sentait vivante comme jamais.

Dans un mouvement un peu précipité, les bras de Remus se refermèrent autours du corps d'Haelya, la redressant instantanément, rapprochant les deux jeunes gens dans une étreinte qui aussitôt se fit presque douloureuse. Vif et d'une certaine manière brusque, il lui rendit son baiser avec une intensité telle que plus rien n'existait. Elle n'était plus sur le lac gelé, tenant debout par un équilibre précaire. Non, elle était dans ses bras, et il était un royaume entier à lui tout seul. Un endroit chaud et agréable, sans problème, le lieu le plus sur du monde, tant est si bien qu'ici, elle avait l'impression que rien ne la toucherait plus jamais.

Puis il mit fin au baiser et la réalité revint. A nouveau, elle était dans le froid, au milieu du parc, en contre-bas du château. Il souriait et était proche d'elle, et Haelya se força à imaginer un royaume plus grand, qui s'ouvrait aussi quand il lui souriait, quand il la regardait. Il remonta doucement, dans une longue caresse, sa main le long du dos de la Serpentard avant de venir délicatement effleuré son visage.

- M'est avis que tout Poudlard va faire des gorges chaudes de notre étreinte passionnée, ma Lune.

A ces mots, il avait retiré sa main de la joue d'Haelya et montrait l'école, sans pour autant regarder le bâtiment. Son sourire et son regard était toujours pour et sur elle. Sans vraiment y faire attention, elle jeta coup d'œil au château. Lugubre et immense, il s'élevait comme une sentinelle au bout du parc. Il avait raison. Elle se fichait de l'avis de la masse, mais pas de celui des gens qui comptaient. Que diraient les gens ? Sirius, qui était un des meilleurs amis de Remus ? Et Elana ? Elles avaient beau être sœurs, Haelya savait que la jeune femme appréciait Alisse. Et puis, il y avait Aaron. Certes, elle avait tourné la page, mais lui faire mal n'avait pas été une partie de plaisir. Elle regrettait que cela ce soit passé ainsi pour lui. Bien entendu, c'était trop tard, il s'était prit coup sur coup par sa faute et elle n'y pouvait plus rien, mais en rajouter n'était pas une bonne idée. Elle l'avait aimé, il lui avait sauvé la vie, elle n'était pas si ingrate.

Mais elle avait le droit à ça, elle aussi. Elle avait le droit d'être heureuse. C'était légitime, du moins, elle voulait le croire. Remus l'aimait autant qu'elle pouvait être attachée à lui, il la désirait, la faisait sourire et se sentir vivante. Alors peut-être que tout simplement, elle devait fermer les yeux sur ce que les gens pourraient penser. Elle ne s'en souciait pas réellement d'ordinaire, habituée à être une espèce de bête curieuse, alors il fallait surement qu'elle continu ainsi. Si les gens jugeaient, c'était leur problème, et si ils avaient ne serait-ce qu'une once de considération pour elle, ils accepteraient, ne diraient rien sur cette relation. Elle était heureuse, pour la première fois depuis longtemps, et ce n'était pas un bonheur fugace et illusoire qui la laisserait à terre... Remus était bien réel, et il ne la lâchait pas. Délicatement, elle retira sa main de la nuque de son petit ami et alla recouvrir ses doigts avant de les guider à nouveau vers son visage.

- Et c'est un problème parce que ...?

Elle laissa la phrase en suspend, mutine, et le regardant dans les yeux

Il se contenta de sourire, pendant un instant, alors qu'il réfléchissait. Ou faisait mine de réfléchir sachant très bien quoi répondre mais préférant feindre pendant un petit moment. Finalement, il déclara :

- Ma lune ... Les gens heureux sont une plaie pour ce qui ne le sont
pas. Il vaudrait mieux éviter de se montrer outrancier, tout de même ... Non parce que pour le coup, on ne peut voire que nous !

Un sourire plus franc s'était peint sur son visage, et alors qu'il regardait autours d'eux, un rire chaud et sincère le secoua, emplissant instantanément la poitrine d'Haelya. A vrai dire, elle se fichait bien des autres, pour l'heure. Elle avait eut son quota de malheur, de torture, de larmes et de jalousie envers ceux qui ne comprenaient pas parce qu'ils étaient heureux. C'était peut-être un peu égoïste, et surement très dangereux vis à vis de Alisse, mais elle s'en fichait. Elle voulait Remus rien que pour elle, elle était joyeuse, heureuse de vivre, et ce n'était pas de la pudeur, de la bienséance, ou un quelconque respect envers des gens qui n'en auraient pas pour elle si la situation était inversée qui allaient changer ça.

Alors qu'en guise de réponse, elle roulait les yeux, Remus se pencha en avant et lui vola un baiser, avant de retirer ses mains et de reculer, un sourire moqueur aux lèvres. Elle sut que des éclairs de colère amusée traversèrent ses yeux, mais elle n'aimait définitivement pas le voir partir ainsi. Surtout pas quand il lui manquait de l'agilité pour le rattraper. Alors que son corps entier lui criait d'aller combler la distance et de se jeter contre lui le plus vite possible, elle prit son courage à deux mains, et feignant cette assurance qu'elle n'avait pas, elle se mit à avancer, bifurquant à la dernière minute et passant à quelque deux mètres de lui, surprise elle-même par l'audace qu'elle pouvait montrer quant aux patins à glaces. Elle ne savait pas ce qu'elle faisait, mais ce n'était pas grave, tant qu'elle gardait la tête haute. Alors qu'elle glissait, doucement mais étonnement gracieuse, tirant sur l'élastique qui les unissait, s'éloignant de lui, elle fit à nouveau un demi-tour.

Sauf que cette fois, elle ne tenait pas sa main, et sans ce point d'attache, sans cet équilibre qu'il lui assurait, elle fit un faux mouvements, tomba rapidement et se retrouva assisse sur la glace. Elle ne s'était pas fait mal, heureusement, et se contentait de rire, se sentant stupide. Elle riait à sa propre bêtise, mais aussi à son bonheur. Elle se sentait normale, aimée, en sécurité. Elle sentait que cette année à Poudlard ne serait pas si atroce, maintenant qu'elle avait Remus, et qu'elle serait un répit avant ce qui se passerait sans doute en Juillet. Elle devrait les rejoindre, parce qu'elle savait très bien qu'elle n'aurait pas le courage de voir venir sa mort... mais pour le moment, elle ne voulait pas y penser. Elle releva la tête et croisa le regard du jeune homme, qui avançait vers elle, l'air inquiet.

Avant même qu'elle ne puisse réellement comprendre ce qu'il se passait, elle se retrouva dans les airs. Remus avait refermé ses bras autours de son corps frêle et la soulevait, si bien qu'elle se retrouva plus grande que lui, pour une fois. Un sourire vint se poser sur les lèvres d'Haelya, rendues violettes par le froid, alors qu'il attaquait son visage d'un million de baisers délicats. Bientôt, ce fut avec un souffle heurté qu'il revint vers sa bouche, l'embrassant passionnément. Tant qu'en fait, le cœur de l'adolescente jouait un marche militaire, rythme entrainant, un rien saccadé, presque douloureux mais tellement agréable.

Trop tôt cependant, il mit fin au baiser, se redressant et la laissant glisser contre lui jusqu'à ce que, sous ses pieds, elle sente à nouveau la glace brillante du lac. Ce n'est qu'en revenant sur la "terre ferme" qu'elle se rendit compte de l'angle absurde que leurs corps avaient pris quelques secondes auparavant. Se demandant par quel miracle ils étaient restés debout, elle ne se rendit pas immédiatement compte de la fuite de Remus.

Qui n'en était pas réellement une. Bientôt, il saisit ses mains et se mettant à patiner en arrière, il l'entraina à sa suite, se dirigeant vers le bord du lac, vers la neige, s'éloignant visiblement de la glace.

- Mais je ne me moquais pas, tu sais. Je ne faisais que constater ...

L'innocence sur le visage du jeune homme et son ton enfantin firent réagir Haelya dans la foulé. Elle arbora à nouveau une moue boudeuse avant de tirer la langue, comme une petite fille. L'expression fut bientôt remplacée par un large sourire, réplique de celui qu'il portait. Ils devaient avoir l'air ridiculement niais, pathétiquement clichés, mais elle se fichait totalement de ça... Il valait de toute façon mieux avoir l'air stupide et être heureuse, c'était tellement plus agréable à vivre que la noirceur pure et l'aura de chaos destructeur qui l'entourait d'ordinaire. Bien entendu, seul Remus connaissait cette version d'elle, il n'y avait que lui qui pouvait voir la jeune fille heureuse de vivre et insouciante qu'elle devenait. Dès qu'il s'éloignait, la noirceur reprenait le dessus, mais c'était normal, en soi.

Il arriva au bord du lac et sans attendre, Haelya fit un pas en avant, quittant la glace et marchant dans la neige. Il n'y en avait pas beaucoup, peut-être une dizaine de centimètres, juste assez pour former un tapis blanc et immaculé sur tout le parc. Lâchant une des mains du jeune homme, elle tira sa baguette, et à deux reprises, elle murmura :

- Finite !

En le faisant, elle avait pointé leurs pieds respectif, et rapidement, les patins disparurent. Faisant quelques pas en arrière, elle l'attira pour qu'il la suive, tentant de se rappeler la dernière fois qu'elle avait marché dans la neige. Mauvaise idée, le souvenir impliquait une agression de Greyback qui avait faillit mal tourner. Sans l'intervention de Rodolphus et de son oncle Rabastan, elle ne serait surement pas debout à ce moment même. Secouant doucement sa tête, elle resserra ses doigts gantés dans la main de Remus et ralentit le pas, ne voulant rien laisser transparaitre de ce qui la tracassait. Ce n'était rien, de toute façon, puisqu'elle s'en était sortit sans une égratignure... Elle devait passer outre ses souvenirs, ceci était nouveau, point.

Sans vraiment s'en rendre compte, elle avait marché vers la forêt et bientôt, ils se retrouvèrent sous la coupole des arbres, sur un sol sec et terreux, recouvert partiellement recouvert d'aiguille de pins qui craquaient sous leurs pas...

- Je n'étais pas venue ici depuis un moment...

Sa voix n'avait guère été plus qu'un murmure, mais dans le silence autrement parfait des bois, elle avait porté, plus fort que ce qu'elle avait voulu produire, presque parfaitement intelligible... La dernière fois qu'elle était venue ici, elle avait trouvé Alisse penchée sur un animal... Elle se gifla mentalement. Pourquoi diable fallait-il que tous ses souvenirs tournent autours de Magie Noire, de créatures nuisibles et de matières à cauchemars ?

Remus lui jeta un regard amusé avant de demander :

- Et tu viens souvent dans la forêt dite ... interdite ?

Alors qu'elle s'apprêtait à répondre que depuis une mauvaise rencontre, elle avait un peu éviter l'endroit, il se retourna et en un rien de temps, elle se retrouva dans ses bras, face au château. Comme un immense navire un peu lugubre, le bâtiment se détachait du ciel bleu, au milieu de la mer d'huile qu'était le parc immaculé. La vue était magnifique, tellement qu'une certaine nostalgie s'empara d'Haelya alors qu'elle recouvrait les mains de Remus avec les siennes, s'appuyant un peu en arrière, contre lui.

Trop de choses tournaient dans sa tête à cet instant précis, avec en tête de liste le fait que dans 4 mois, elle quitterait cette école et tout ce qu'elle y appréciait. Elle se souvenait parfaitement le scandale qu'elle avait lancé au début, lorsque Bellatrix lui avait annoncé qu'elle suivrait Drago et qu'elle irait à Poudlard. Elle avait refusé avec une virulence impressionnante, ce qui lui avait valu une séance de Doloris particulièrement violente, encore un effort vain de sa mère pour lutter contre son insubordination. Maintenant qu'elle y était, qu'elle pouvait enfin vivre, ou du moins presque, elle ne voulait pas penser à ce qu'il se passerait en Juin, quand elle rentrerait au Manoir Malefoy.

Doucement, d'une voix presque vide mais qui ne manquait cependant pas de sincérité, elle déclara :

- Mine de rien, cet endroit va me manquer, je pense.

Elle releva la tête, se contorsionnant un peu pour croiser le regard de Remus, mais il regardait droit devant lui, fixant inlassablement le château. Guettant une réaction, elle ajouta :

- J'imagine que c'est pareil pour toi, tu y aura passé sept ans, tu dois avoir des tonnes de souvenirs ici...

Elle resserra ses mains, passant ses doigts entre les siens, toujours posés sur son ventre, et s'alanguit un peu plus contre lui, consciente qu'elle ne pourrait surement pas profiter de ce genre de moment ad vitam eternam. Comme pour Galway, tout ce qui faisait ce semblant d'équilibre à la précarité affolante lui serait arraché, et elle aurait beau protesté, cela ne changerait rien. Comme le lui avait dit Sirius, mieux valait en profiter tant qu'elle le pouvait. Un sourire un peu mélancolique vint se peindre sur ses lèvres alors qu'elle fermait les yeux, se laissant doucement envahir par la chaleur confortable que dégageait le jeune homme.

Un moment passa sans qu'ils ne bougent réellement, respirant doucement, calmement, admirant le château et le parc qui s'étendaient devant eux. Remus avait légèrement resserré ses bras autours de la silhouette fine d'Haelya, et elle n'osait pas bouger plus que de raison, trop effrayée à l'idée de créer des vagues dans leur lagon idyllique.

Remus vint déposer un baiser contre sa peau, et elle sourit tendrement, alors qu'il murmurait :

- Poudlard va me manquer, oui. Mais … C’est la vie, nous ne restons pas éternellement jeune et insouciants … Alors pourquoi y penser maintenant ? Profitons plutôt du temps qu’il nous reste.

Son sourire retomba alors que sa gorge se serrait violemment. Elle n'en montra rien cependant, et alors que Remus se penchait un peu plus sur elle pour l'embrasser, glissant le long de sa mâchoire et rencontrant finalement le prémisse de ses joues et la commissure de ses lèvres. Ce qu'il venait de dire la secouait un peu, l'obligeant une fois de plus à penser que tout avait une fin, au fait que même si elle ne le voulait pas, on lui arracherait à nouveau son équilibre et son bonheur. La dernière partie de ses dires la raisonna cependant. Profiter, pleinement. Être vivante, se venger du peu de temps en rendant les jours qu'ils lui restaient magnifiques et parfaits, des souvenirs qu'elle emporterait littéralement dans sa tombe.

Le plus délicatement possible, prenant garde à ne pas briser l'étreinte qu'il maintenait autours d'elle, Haelya pivota un peu, afin de l'embrasser correctement, noyant ses peurs et étouffant ses questions dans un baiser qui resta léger et sage. Au bout d'un temps, elle leva une main et vint caresser le visage du jeune homme, avant de stagner sur sa joue, le retenant indirectement. Lui demandant plutôt de rester en fait, ce qu'il fit.

Doucement, progressivement, elle se hissa une fois de plus sur la pointe des pieds et se retourna complétement, pour lui faire face. Elle réclama un vrai baiser, se faisant plus insistance, sans pour autant se départir de la douceur qui la caractérisait quand il était dans les environs. Merlin qu'il la changeait. Qu'il la rendait aimante et délicate, précautionneuse et attentionnée... Humaine. Elle voulait être à sa hauteur, elle devait donc déployer des trésors de patience et de tranquillité, alors qu'en tant normal elle n'était que chaos et ténèbres..

Elle mit fin au baiser, lentement, ne brusquant pas la séparation, et la voix un peu heurtée, mélange de peur panique et d'essoufflement, elle répéta doucement :

- C'est la vie...

Elle baissa presque immédiatement ses mains sur le corps de Remus, glissant le long de ses bras pour aller trouver ses doigts, et sans lui laisser le temps de demander pourquoi elle semblait si... bouleversée, elle l'attira, l'entraînant au cœur de la Forêt Interdite.

- Le cimetière de l'école ... Je ne pensais pas que nous étions si loin.

Elle entendit à peine les mots. Il était si loin. Elle sentait sa main dans la sienne, son pouls contre sa peau, la chaleur de ses doigts, la force de l'étau qu'il maintenait, mais elle avait l'impression qu'un mur venait de se dresser, et les mots ne parvenaient pas correctement. Ils avaient traversé la forêt, ils avaient marcher côte à côte en silence pendant plusieurs minutes, et Haelya les avait guidé comme si elle savait où elle se rendait, où elle devait être. Elle avait été comme attirée par l'endroit, elle avait marché sans s'arrêter, et quand elle avait enfin pu voir une clairière, un sourire satisfait c'était posé sur son visage rosit par le froid.

Sans se soucier de la neige, elle avait continué, se fichant bien du froid qui attaquait ses jambes à travers ses collants, mordant sa peau avec une violence rare. Les yeux rivés sur les croix, les stèles qui par dizaines emplissaient le petit près immaculé, elle avait cheminé jusqu'à ce que Remus la retienne, la détermination sur son visage laissant peu à peu place à une expression interdite, un rien choqué.

C'était comme si la tombe la plus au centre brillait. Pas au sens d'un scintillement, pas comme le faisait la neige au soleil, mais plus comme... une onde. Des radiations bleutées qui émanait de la pierre. A gauche, il y avait une stèle protestante et à droite, une croix gaélique, signe qu'un Irlandais était enterré là. Mais tout cela, elle s'en fichait bien, elle ne voyait que celle du milieu, grossièrement taillée dans du granit.

Sans réellement s'en rendre compte, elle lâcha la main de Remus et continua sa procession dans le cimetière, manquant à plusieurs reprises de glisser mais ne s'arrêtant pas pour autant, avançant toujours comme un papillon de nuit vers l'étoile qui l'éblouit.

D'un geste gauche, elle essuya la neige qui maculait la pierre, révélant le nom et, par la même occasion, des inscriptions visiblement écrites à la main, dans des gestes pleins de rage et d'afflictions. Les moldus posaient des fleurs, les sorciers, eux, préféraient laisser des messages que seules les personnes plus ou moins concernées pouvaient voir.

Elle recula ses doigts gelés presque aussitôt, comme si elle venait de recevoir un choc et, dans la foulée, l'adolescente tomba à genoux dans la neige, devant la stèle. Ce qu'elle avait cherché depuis des mois se trouvaient là. Depuis qu'elle était à Poudlard, elle n'avait eut de cesse de fouiller dans les archives à la recherche d'une quelconque indication quant aux prémices de la folie maternelle, et là, sous ses yeux, se trouvait le mémorial érigé pour une élève.

Et il y en avait d'autre, plus court, plus expressif, plus grossier, certains clamaient que la Sang de Bourbe avait eut ce qu'elle mérité -celui là était d'ailleurs signé Evan Rosier- et d'autres pleuraient une amie disparue. Haelya se souvint de sa discussion avec Clayton, de ce qu'il lui avait dit, et elle se rappela que la jeune femme avait été une Gryffondor, et qu'au moment de sa mort, elle avait été en 6ème année... Ce que l'école avait passé pour un accident s'était déroulé pendant un cours de Défense Contre les Forces du Mal, ce qui voulait dire que Bellatrix n'avait elle aussi été âgée que de seize ans au moment des faits...

Bouche entre-ouverte, ne sentant même plus le froid mais tremblant quand même, Haelya resta plantée là, sonnée. A vrai dire, elle était si choquée que le hurlement d'effroi qui la démangeait ne passa pas ses lèvres, lui irradiant simplement la poitrine. Elle entendit des pas crisser dans la neige derrière elle mais elle ne réagit pas, trop hypnotisée par ce qu'elle voyait. Perdue au milieu d'un cimetière, entouré de cadavres enterrés, elle s'inclinait devant l'oeuvre de sa mère, plongeant doucement dans une léthargie lugubre, une lassitude secouée irrégulièrement de spasmes légers, une torpeur macabre et désillusionnée dont le silence emplissait la clairière.

Remus vint l'enlacer et l'étreinte la fit sursauter, tant elle était absorbée par ce qu'elle voyait. Un choc, une gifle, un hippogriffe, le magicobus... Elle n'arrivait pas réellement à estimer la taille de ce qui venait de métaphoriquement lui rentrer dedans, mais le résultat était pourtant bien concret : Elle était debout, haletante, pantelante, choquée par ce qu'elle voyait, par ce nom et ses graffitis... La première victime de sa mère, le premier meurtre de Bellatrix Black. Son tort ? Rosier le soulignait : sang de bourbe... Sang soit disant impur, bien loin du rang social de sa mère, donc. Les Blacks se vantaient haut et fort d'être cent pour cent sorcier, c'était le leit-motiv de la famille "Toujours pur". Alors qu'avait fait cette fille ? Elle avait du se mettre dans le chemin de Bellatrix, la contrarier d'une manière ou d'une autre... Se souvenant que l'assassinat avait eut lieu pendant un cours de Défense Contre Les Forces du Mal, elle se surprit à imaginer avec révulsion que cette gamine sans doute insouciante avait servit de cobaye à sa génitrice...

Elle avait envie de vomir, de hurler, mais n'en avait pas la force. Elle avait cherché ce nom, cet endroit, cette fille. Et maintenant, devant la tombe, elle se retrouvait confronté à deux choses : premièrement, même si Bellatrix n'avait pas toujours été ainsi, sa folie avait commencé tôt... Et deuxièmement, c'était rassurant... Haelya était en retard sur elle. Un point commun en moins, c'était déjà ça. Elle n'avait jamais tué... Elle avait contrôlé certaine personne, avant même de savoir que c'était interdit, en fait. Elle se souvenait très bien avoir manipulé certains enfants de Galway quand elle était âgée de douze ou treize ans, mais elle avait toujours mis ça sur le compte que ce n'était que des garçons, et que dans le lot, certains la trouvaient belle et obéissaient donc à tous ses caprices. Bien sur, elle avait appris au contact de son père que ce n'était pas pour ses beaux yeux qu'ils avaient agit comme elle le désirait.

Il y avait également la torture. Le sortilège Doloris... elle l'avait utilisé en guise de retour de flamme, et réalisé rapidement que la séance de torture qu'elle subissait à cet instant là n'avait été qu'un stimulus pour qu'elle attaque, qu'elle se défende. Cela avait marché, elle avait fait mettre un genou à terre à sa mère. Sur le coup, elle avait cessé rapidement, se recroquevillant et attendant avec appréhension la sentence pour cet affront... La punition n'était jamais venue, Bellatrix l'avait relevé en l'attrapant par le bras, un sourire satisfait sur les lèvres, une certaine fierté dans le regard. C'était à ce moment là qu'Haelya avait décidé de ne pas se ranger. Elle ne voulait pas de la reconnaissance d'un monstre comme cette femme au sourire carnassier, c'était trop immonde pour qu'elle l'accepte.

- Connais-tu l'histoire, ma Lune ?

A nouveau, elle sursauta. Réfléchissant pendant quelques secondes, elle fini par hocher la tête, silencieusement. Oh que oui, elle la connaissait, l'histoire. Elle s'en rendait compte seulement maintenant, mais tout était dans ses cauchemars. Ils faisaient passer leur message par les images qu'elle voyait la nuit, et même si elle ne faisait pas immédiatement le rapprochement, chaque séquence répétée inlassablement avait un sens... Entre autre, il y avait eut cette clairière, cette tombe, et puis, il y avait certaines des attaques de Greyback aussi, et quelques incursions comprenant Miss Moor, ou d'autres Mangemorts. De la liste de ses songes les plus fréquents, elle en comprenait la moitié... Les parties de Greyback, par exemple, restaient désespèrent floues pour elle. Pourquoi lui montrait-on ce petit garçon se faire lamentablement déchiré la peau sans pitié ? Elle ne voyait pas... Au début, elle avait cru qu'il cherchait à lui rappeler sa propre attaque, mais bien vite, elle s'était rendue compte que c'était autre chose.

Chassant cette idée de son crâne, elle articula difficilement :

- Un de mes cauchemars, je la vois se faire tuer... elle était blonde, et elle souriait beaucoup...

Les mots sortaient sans qu'elle y réfléchisse réellement. Cela avait été elle, cette fille qu'elle voyait rire et flirter gentiment avec Rodolphus... Haelya ferma violemment les yeux. Voila, pas besoin de chercher plus loin. Cette fille était morte pour avoir osée regarder la "propriété" de Bellatrix, un homme qu'elle disait aimer mais qu'elle avait trompé à la première occasion, préférant se jeter dans les bras de Voldemort...

Quand elle rouvrit les yeux, la petite brune tenta méthodiquement d'éviter la tombe mais à chaque fois, son regard tombait dessus, sur les mots, sur l'inscription faite par Rosier, ce Mangemort qu'elle haïssait tant pour son flegme et les regards concupiscents qu'il lui jetait sans cesse. Il était lourd, graveleux, un pervers, et même s'il ne pouvait pas, il la voulait, elle le savait, ça la dégoutait. Il était presque aussi immonde que Greyback, mais pas pour les mêmes raisons.

Prise d'un sursaut de froid et d'un éclair de lucidité, elle se retourna, luttant contre son envie de rester à regarder la tombe, et elle s'appuya contre Remus, ses bras ramenés contre sa poitrine, enfouissant son visage contre son torse et tentant de chasser les images atroces et sanglantes qui lui venaient en tête. Sauf qu'elle n'y arrivait pas. Les images frappaient, cognaient, comme un étau autours de son crâne, s'insinuant doucement comme l'eau dans un bateau dont la coque est percée. Chaque scène en appelait une autre, et bientôt, elle réalisa qu'elle avait le souffle court et des larmes aux yeux. De l'extérieur, cela pouvait ressembler à de l'asthme... c'était en fait un chaos sans nom, elle tremblait, elle nouait ses doigts, les tordants pour se faire mal, se ramener à la réalité, mais ça ne prenait pas...

Elle tenta de se calmer, mais rien n'y faisait, pas même l'odeur rassurante de Remus. Non, à la place, elle ne sentait que l'odeur de rouille caractéristique du sang, et elle était presque persuadée de sentir les corps en putréfaction, malgré l'épaisse couche de neige qui recouvrait le cimetière.

Plus une supplique d'une ordre, elle parvint à demander, s'étranglant à moitié :

- Sors moi d'ici, je t'en supplie, sors moi de ça...

C'était la première fois qu'elle lui demandait clairement de l'aide durant une de ses crises. Parce qu'il ne fallait pas s'y tromper. Si elle avait commencé seule à ressasser, son père avait rapidement pris le dessus, envoyant des images et utilisant la brèche qu'elle avait ouverte.

Elle se lapidait mentalement, haïssant cette faiblesse qui la détruisait un peu plus, qui la rendait inhumaine, vulnérable, rien de plus qu'un objet sur lequel son père passait son ennui et ses pulsions sadiques, s'amusant sans doute beaucoup des réactions paniquées, de la terreur qu'il instaurait dans ce petit corps fatigué et torturé. Les images ne cessaient pas, elle n'avait pas la force, pas la concentration, pour monter un mur correct, pour se protéger et le repousser, pour chasser les scénettes lugubres qui l'assaillaient.

Elle était ailleurs, déjà très loin, quand les bras de Remus se resserrèrent autours d'elle, mais lorsqu'elle se sentit quitter le sol, elle eut si peur de perdre tout contact avec la réalité qu'elle serra ses bras autours du cou du jeune homme, s'accrochant à ses épaules. Là, il était son dernier repère, et lorsqu'il se mit à marcher, quittant clairement la clairière macabre, elle déglutit difficilement, un peu soulagée.

Mais à peine. Les images étaient toujours là, frappant inlassablement, autant de cauchemars éveillés qui la terrifiaient. Elle n'aimait pas cette folie latente, ce chaos qui s'emparaient d'elle à chaque fois qu'elle relâchait son attention, cette impression de toujours vivre dans l'angoisse du prochain songe. Cependant, au fur et à mesure que Remus la portait loin, les souvenirs devenaient plus vaporeux, plus flous, comme une projection de super 8 dans une salle où on aurait ouvert les rideaux, laissant entrer le soleil et chassant les ténèbres.

Elle resserra un peu ses bras et osa redresser la tête. Ils étaient dans le parc, et loin derrière eux, la forêt restait là, comme un rappel sombre. Mais il y avait Remus, entre elle et cette noirceur, il était là, il ne la lâchait pas, il ne la laissait pas tomber, il la sortait de ses cauchemars. Elle releva pleinement ses yeux où perlaient toujours des larmes quand il s'arrêta. Presque aussitôt, et alors qu'elle réalisait qu'ils étaient déjà sur la cour, il demanda doucement :

- Veux-tu que nous rentrions, Haelya ? Il fait meilleur à l'intérieur.

Il parlait doucement. Trop peut-être, comme on parle à une malade sur son lit de mort. Elle ne lui en voulait pas, il s'inquiétait, c'était normal, mais elle n'aimait pas être faible, il méritait tellement mieux qu'une espèce de détraquée cassable comme du verre. Elle aurait aimé être plus forte, plus solide, plus stable, et non pas partir en vrille tous les quatre matins. Les choses auraient été différentes si elle avait été comme Effy, à savoir, prête à se battre...

Elle hocha doucement la tête, toujours lovée contre lui, n'osant pas croiser son regard, de peur qu'il tente de sonder ce qu'elle avait en tête. Elle se gifla mentalement. C'était Remus qui la tenait, pas son père, pas Bellatrix, il n'allait pas utiliser de la Legillimencie pour communiquer, c'était stupide de craindre ça... Elle tenta de se calmer, libérant un de ses bras et essuyant ses larmes.

Doucement, précautionneusement, elle se redressa ensuite, testant sa capacité à bouger. Remus sembla comprendre ce qu'elle voulait faire, et avec la même délicatesse qui l'habitait toujours lorsqu'il la manipulait, il la posa au sol. Elle sentait son regard inquiet sur elle et elle aurait aimé être à même de le rassurer, mais pour l'instant, elle ne savait même plus respirer correctement.

Elle laissa ses mains glisser le long des épaules et bras du jeune homme, saisissant ses mains au passage et se laissant tomber sur un banc, aussi étourdie que si elle avait été ivre. D'une voix hachée, elle finit par articuler :

- J'ai besoin de prendre l'air, quelques minutes...

Fixant le sol, ses cheveux cachant son visage à présent couvert d'un voile de honte et d'embarras vis à vis de ce qu'il venait de se passer, elle bafouilla :

- Je suis désolée, je n'aurais jamais dû aller là bas.... je suis stupide, je cherche, tu... tu n'as pas à endurer ça... Rentre, si tu veux, tu es trempé, tu vas être malade. Ça va aller, je peux rester seule, ne t'en fais pas...

A contre cœur, elle lâcha ses mains, relevant ensuite la tête et affichant un sourire désolé. Elle ne voulait pas qu'il parte, mais elle ne pouvait pas le retenir, il devait se protéger, faire attention. S'il partait, elle comprendrait. Après tout, qui pouvait endurer autant de chose, autant d'horreur ? Elle se camisola de ses bras, contrariée d'avoir fichue en l'air une journée qui autrement aurait été parfaite. Qu'elle était stupide... c'était affligeant.

Alors qu'elle s'apprêtait à baisser à nouveau la tête, honteuse et désemparée par ce qu'elle ne pouvait pas contrôler, qui inéluctablement lui glissait entre les doigts et pourrissait sa vie, Remus se pencha en avant et l'embrassa doucement. La caresse éphémère de ses lèvres ne dura qu'un instant, et il bougea presque aussitôt, si bien qu'elle cru qu'il allait rentrer, que c'était un signe d'au-revoir, et elle se concentra pour ne pas montrer sa peur panique de le voir filer, même si ce n'était que pour un temps.

Sauf qu'il ne se dirigea pas vers le Hall. Non, il prit place sur le banc, à côté d'elle, et il ne fallut pas longtemps pour qu'elle sente les bras protecteurs du jeune homme autours d'elle. Elle se laissa faire, un peu coupable mais soulagée. Il aurait fallu qu'il rentre, qu'il prenne ses distances, mais sa présence était rassurante, apaisante, elle était bien contre lui.

- Je ne veux pas rentrer.

Elle resta un moment sans bouger, puis se laissa aller un peu, relâchant le sévère carcan qu'elle s'imposait si souvent. Sirius le lui avait d'ailleurs fait remarquer. Au premier abord, son cousin n'avait pas saisit l'utilité des barrières qu'elle montait autours d'elle, des murs précaires mais bien réels dont elle s'entourait, mais rapidement,il avait comprit, elle lui avait expliqué... Elle n'avait pas le choix car, si elle se laissait aller à vivre sans réfléchir, sans se soucier des conséquences de chacun de ses actes et pensés, elle finirait à chaque fois à terre, abattue par ses bourreaux.

Elle leva un bras et alla poser sa main par dessus celle de Remus, sur son épaule, serrant doucement, le remerciant implicitement d'être resté, d'être là, toujours, de l'aider directement et indirectement. Certes, elle se torturait mentalement, paniquant à l'idée qu'il puisse lui arriver malheur s'il s'impliquait trop, mais d'un autre côté, il jetait sur elle un tel halo de lumière et de chaleur, de bienêtre et de confiance... Elle ne voulait pas avoir à se passer de lui, de sa présence, de la force de ses bras et de la douceur de ses baisers.

Doucement elle releva le visage, s'appuyant contre son torse et allant déposer un baiser contre sa mâchoire avant de fermer les yeux et de reposer sa tête sur lui.

- Un jour, ils n'auront plus aucune emprise sur moi, plus rien. Un jour, même les souvenirs ne compteront plus...

Le murmure s'éleva à peine, tant le souffle dans lequel elle avait prononcé ses mots avaient été faible. Elle resta immobile, réalisant que c'était sans doute un mensonge, mais qu'après tout, l'espoir d'y arriver ne lui ferait pas de tort... Elle pouvait très bien croire ça, même si elle savait que c'était faux et qu'ils la tueraient.

Dans un sens, la mort était aussi ce jour là... Celui où ils la laisseraient enfin en paix.