So Just Pull The Trigger

Elana arriva sans encombre devant la tapisserie représentant Barnabas le Follet. Elle avait simplement croisé le fantôme du Baron Sanglant qui se moquait éperduemment du respect des consignes lorsqu'il s'agissait de "ses" élèves. Pourtant, elle trouvait tout cela bien trop facile et courut presque lorsqu'elle effectua ses trois passages devant la tapisserie. Ce n'est que lorsque une discrète porte de bois apparut dans le mur qu'elle s'autorisa un long soupir de soulagement ... et qu'une main ferme se posa sur son épaule.
Faisant volte-face, elle se maudit de ne pas avoir penser à observer les alentours avant de se précipiter vers la Salle. Son cerveau tournant à vive allure pour trouver une excuse valable, elle eut la surprise de croiser un regard étrange, composé d'un oeil rouge et d'un autre bleu. Elle recula d'un pas et fut soulager de reconnaître Nils Strom, l'elfe qui lui avait demander de le tuer. Sans lui laisser le temps de parler, elle lança :

- Ce n'est pas le soir, Nils. Des camarades doivent me rejoindre et ...

Mais, au fond, le fait d'avoir des témoins n'étaient peut-être pas une si mauvaise idée. Ils pourraient faire passer sa mort pour un accident et elle éviterait ainsi Azkaban. Même si elle savait que son père se débrouillerait pour la faire relâcher rapidement, elle ne tenait pas particulièrement à visiter ce lieu maudit. Une excuse en béton armé lui serait donc bien utile.

- Ok. Allons-y pour ce soir. Mais trouves un motif potable : un jeu, un pari ... N'importe quoi qui puisse me disculper.

Sur ces mots, et sans lui laisser le temps de répondre, elle l'attrapa par l'épaule et le força à pénétrer dans la Salle sur Demande.

Nils affichait une mine imperturbable, comme s'ils n'étaient pas en train d'évoquer sa mort prochaine mais menaient une conversation banale, voire ennuyante. Bien qu'elle risqua sa vie à chaque instant, Elana n'arrivait pas à compendre son détachement, son air blasé. La vie était précieuse, intéressante même si violente...Comment pouvait-il avoir autant envie de la quitter ?

- Je te propose un jeu. Nous n'avons pas célébré Halloween, c'est l'occasion de se rattraper, non ?

Elle retint de justesse une grimace de dégoût. Elle avait beau aimer cette soirée et l'aspect morbide qui l'accompagnait, l'idée de l'utiliser pour justifier un meurtre lui paraissait bien trop glauque.

- Et puis, si des Serpentards te rejoignent...

Elle ne daigna passe retourner, sachant par avance lesquelles de ses camarades étaient en train de les rejoindre. Cependant, elle suivit le mouvement de Nils et manqua de s'étouffer en découvrant qu'elle n'était pas la seule à avoir quémandé de la compagnie pour cette nuit. Reculant d'un pas, elle s'adossa au mur et posa un regard alarmé sur Sirius Black.

- Hors de question, cracha-t-elle.

Il était impensable que Black soit présent lors de la mise à mort de son camarade. Il était trop intègre et n'hésiterait certainement pas à dévoiler la vérité ; même si cet acte la condamnait.

- Quel que soit ton jeu, il ne plaira pas à un gentil petit Gryffondor.

C'était une excuse minable, bien qu'assez réaliste. Simplement, elle savait qu'elle ne pourrait jamais respecter sa promesse sous le regard onyx du Maraudeur. Sans qu'elle ne comprenne vraiment pourquoi, elle sentait qu'elle ne supporterait pas sa mine déçue, réprobatrice ...

Ils se retrouvèrent dans le couloir de la salle sur demande sans avoir prononcé un seul mot de tout le trajet. Mais lorsqu'ils débouchèrent à l'angle d'un couloir adjascent, Sirius se raidit. Elana était déjà là. Ainsi, Nils avait rendez-vous avec elle. Prudent, il se laissa distancer et évolua dans l'ombre du mur, se félicitant pour une fois de porter des vêtements noirs, de son jean à sa chemise.

Nils alla poser une main sur l'épaule de la jeune femme, qui se retourna vivement, méfiante et surprise. Sirius songea qu'il s'était peut-être trompé et que les deux interlocuteurs n'avaient pas rendez-vous. Elana commença :

- Ce n'est pas le soir, Nils. Des camarades doivent me rejoindre et ...

Un changement subtil s'opéra dans son attitude et elle sembla se résigner. Elle reprit alors d'une voix sourde, comme si elle était écrasée par un fardeau trop lourd pour elle. Mais comme toujours, elle était déterminée :

- Ok. Allons-y pour ce soir. Mais trouves un motif potable : un jeu, un pari ... N'importe quoi qui puisse me disculper.

Sirius, sans rien comprendre de ce qui se tramait, su instinctivement que ce qui se préparait ne lui plairait pas. La réponse de Nils renforça son impression :

- Je te propose un jeu. Nous n'avons pas célébré Halloween, c'est l'occasion de se rattraper, non ?

Sirius fronça les sourcils. De quoi diable était-il question ? Il appréciait Halloween, en temps normal, pour la fête que ça occasionnait. Mais là, avec Elana en face de Nils et leur connivence mystérieuse, il détestait cette fête. La fête des morts.

- Et puis, si des Serpentards te rejoignent...

Tiens donc, ils ne seraient pas seuls. Sirius se raidit, méfiant et tendu. Au même moment, Elana darda son regard sombre et violacé sur lui, visiblement surprise et légèrement inquiète. S'adossant au mur de pierre, elle déclara d'un ton sans réplique :

- Hors de question.

Sirius haussa les épaules et sortit de l'ombre, venant se placer aux côtés de Nils tout en adressant un regard impassible quoi qu'interrogateur à la jeune femme, qui reprenait d'un ton plein de sous entendus :

- Quel que soit ton jeu, il ne plaira pas à un gentil petit Gryffondor.

Sirius tressaillit. La manière dont Elana avait tourné la phrase avait quelque chose de vexant, d'insultant. Elle le faisait passer pour un gamin et il détestait ça. Mais il ne broncha pas et attendit patiemment que l'un des deux élèves daignent s'expliquer clairement. Les mains dans les poches, les épaules légèrement voutées et l'air un peu ennuyé, il tourna la tête vers Nils et murmura doucement, l'air un peu déçu :

- Je vois que tu avais raison au sujet d'Elana.

Il ne détailla pas plus, conscient du regard de la jeune femme. Il enchaina sur une question, qu'il posa d'un ton absent :

- Et de quoi s'agit-il, au juste ?

Il tourna de nouveau la tête vers Elana, toujours adossée au mur, comme si elle avait besoin de soutient. Ce dont il doutait un peu.

Black enfonça les mains dans ses poches et se pencha légèrement vers Nils tout en affichant un air déçu, ennuyé.

- Je vois que tu avais raison au sujet d'Elana.

La remarque la fit tiquer. Elle n'appréciait absolument pas le fait que les Gryffondors puissent la prendre comme sujet de conversation, encore moins qu'ils se permettent de prononcer son nom en présence de Black. La colère et la frustration se mêlèrent dans sa tête et elle ne prêta plus attention à ce qui se déroulait autour d'elle. Le regard fixé sur Black, elle tentait de déchiffrer son expression, de trouver une faille lui permettant de comprendre son manège et de découvrir en quoi Nils avait raison à son sujet. Se pouvait-il que l'elfe lui ai confié ses problèmes ? Elle en doutait mais ne voyait guère d'autre explication quant à cette remarque. D'autre part, elle ne comprenait pas ce qui avait pu pousser Black à évoquer sa personne. Autrement que pour la tourner en dérision, bien entendu, mais si cela avait été le cas il s'en serait vanté ouvertement.

Alors qu'elle le fixait, Black fini par tourner la tête dans sa direction et leurs regards se croisèrent. Il paraissait amusé et indifférent à la fois, comme si la situation ne le touchait pas mais qu'il ne pouvait s'empêcher d'y prendre plaisir. Elle fronça les sourcils, incapable de comprendre ce qu'il ressentait vraiment et voulut ouvrir la bouche, l'interpeller.
Une voix indéniablement féminine, vaguement moqueuse, s'éleva alors au niveau de Nils, la tirant de son observation mais lui coupant dans le même temps l'herbe sous le pied.

- Bien sûr qu'elle peut le faire. Allez, Elana, montre lui de quoi tu es capable et puis on y va, hein ? Les filles ne devraient pas tarder et ce n'est pas une soirée pour des petits Gryffondor.

Elana lança un regard surpris à sa soeur. Elle ne saisissait pas pleinement sa remarque et s'en trouvait déstabilisée. Que devait-elle montrer ?

- Quoique... Dîtes, Messieurs, cela vous tente-t-il de participer à une soirée... typiquement Serpentard ?

Effy paraissait amusée par la situation, un peu trop au goût de la jeune fille qui tenta de lui faire comprendre que sa proposition n'était pas une bonne idée. Malheureusement, Black ne l'avait toujours pas lâché du regard et, la Serpentard n'étant visiblement concentrée, fut le seul à percevoir son geste. Grimaçant, Elana tenta de trouver rapidement un moyen de dissuader le Maraudeur. Sauf qu'elle le connaissait bien et savait que son refus allait le conforter dans l'idée qu'il se devait de rester. Elle renonça donc à l'éloigner et misa toutes ses chances sur les capacités imaginatives de Nils.

- Crois-tu donc que Sirius Black aime ce genre de soirées ? Il a renié sa famille parce qu'il ne cautionnait pas leurs croyances ; il ne va certainement pas s'amuser en notre déplaisante compagnie.

Elle adressa un sourire ironique à Effy avant de reporter son attention sur Black.

- N'est-ce pas, gentil petit lion ?

Son ton était moqueur, un brin méchant même. Ce n'était guère justifié mais elle ne pouvait s'empêcher de repenser à ce que lui avait révéler Cassandra Hamilton et, par conséquent, se sentait mal à l'aise en présence du Gryffondor.
Avant qu'il n'ai pu répondre, elle fit volte-face et poussa la porte de la Salle-sur-Demande. Il était hors de question qu'elle se fasse attraper et écope d'une retenue pour avoir accorder de l'attention à un Maraudeur.

Tandis que la jolie brune l'observait, visiblement agacée de ne pas savoir à quoi il pensait et pourquoi il restait si calme, Nils ignora sa question pour en poser une autre :

- Elana, peux-tu le faire ce soir, oui ou non ?

Le regard de Sirius se fit plus sombre tandis qu'il observait la réaction de la jeune femme, qui sembla profondément ennuyée et gênée par cette question. Sirius manqua de sourire de façon cynique. Y avait-il une chose qu'Elana était incapable de faire ? Par orgueil, elle pouvait tout réaliser, rien ne lui serait impossible. Par pure fierté, elle pétait capable de tout. Alors pourquoi discernait-il en elle une lueur de refus, de déni ? Allait-elle dire non ?

Elle ouvrit la bouche mais ce ne fut pas sa voix qui résonna dans le couloir. Une autre personne arrivait et s'exprima à sa place :

- Bien sûr qu'elle peut le faire. Allez, Elana, montre lui de quoi tu es capable et puis on y va, hein ? Les filles ne devraient pas tarder et ce n'est pas une soirée pour des petits Gryffondor.

Sirius tourna la tête et eu un choc. Il cru voir Haelya Lestrange, sa cousine, s'approcher d'eux d'une démarche chaloupée, féminine et séduisante. Mais à bien y regarder, au fur et a mesure qu'elle avançait, il discerna quelques subtiles différences. Et puis, Haelya devait être avec Remus à cet instant. Enfin, il l'espérait. Mais comme le sosie de sa cousine approchait, elle darda un regard étonné et appréciateur sur lui, signe qu'elle ne le connaissait pas. Il ne s'agissait donc pas de la jeune Lestrange. Cependant, la ressemblance était trop flagrante pour qu'il n'y ait pas un lien entre les deux femmes.
L'inconnue ouvrit la bouche et lâcha d'un ton intéressé :

- Quoique... Dîtes, Messieurs, cela vous tente-t-il de participer à une soirée... typiquement Serpentard ?

Sirius fronça les sourcils, tiraillé entre l'envie d'en savoir plus et celle d'éviter de trainer avec n'importe qui. En fait, il aurait voulu savoir ce que Nils et Elana mijotaient mais l'arrivée de la jeune femme le faisait hésiter. Il posa son regard sur Elana et remarqua qu'elle semblait vouloir attirer l'attention de l'étrangère, dont il n'avait toujours aucune idée du nom. Il arqua un sourcil, presque ironique, tandis qu'elle esquissait une grimace. La situation ne lui plaisait pas, c'était clair.

D'un ton cassant, elle déclara alors :

- Crois-tu donc que Sirius Black aime ce genre de soirées ? Il a renié sa famille parce qu'il ne cautionnait pas leurs croyances ; il ne va certainement pas s'amuser en notre déplaisante compagnie.

Sirius tressaillit. Si Elana avait pensé le faire fuir ainsi, elle avait obtenu l'effet inverse. Il resterait, ne serait-ce que pour voir ce qui allait se passer. Il le regretterait certainement mais la curiosité était plus forte. La jolie brune adressa un regard à l'autre jeune fille avant de se retourner vers lui pour demander d'un ton ironique au possible :

- N'est-ce pas, gentil petit lion ?

Il fronça les sourcils mais, avant qu'elle n'ait pu répondre, elle avait poussé la porte de la salle magique et se retrouvait à l'intérieur. Agacé par cette fuite, il posa une main dans le dos de Nils et le poussa vers l'entrée de la salle sur demande. Puis, d'une inclinaison galante, il invita la demoiselle qu'il ne connaissait pas à entrer aussi, ce qu'elle fit sans se faire prier. Immédiatement, il entra lui aussi et referma la porte derrière lui, scellant ainsi sa décision de rester.

Il s'adossa ensuite à la porte et croisa les bras, observant l'assemblée qui se tenait devant lui. D'un ton indifférent, il déclara avec ironie :

- Bon ... Et maintenant, quelles sont les réjouissances prévues ?

Il avait accentué le mot réjouissances, sachant pertinemment que ça risquait d'être tout le contraire. Nils n'avait pas la tête de quelqu'un qui allait s'amuser, Elana semblait à la fois énervée et gênée tandis que l'étrangère paraissait impatiente, la seule qui tirait parti de la situation, peut-être.

Il darda son regard sombre sur Elana, se doutant intuitivement qu'elle était l'élément clef de la soirée.

Désireuse de ne pas éveiller les soupçons de ses camarades, Elana avait demandé un aspect des plus neutres à la salle-sur-demande. La soirée serait suffisamment glauque sans en rajouter au niveau de la décoration mais Nils ne semblait pas tout à fait du même avis, aussi frémit-elle lorsqu'elle le vit fermer les yeux.
En quelques secondes, la lumière douce se para de teintes verdâtres et des tentures noires recouvrirent les murs. Les sofas que la jeune fille avait fait apparaître laissèrent place à une table d'ébène recouverte de divers instruments inquiètants et à des sièges à l'inconfort visible depuis des kilomètres.

- Pas très réjouissantes, en réalité, lança Nils. Si vous voulez bien prendre place, ajouta-t-il avec une courbette élégante mais impérieuse.

Elana détestait cet ordre mal dissimulé mais elle s'y plia avec docilité lorsqu'elle constata qu'aucun de ses camarades ne protestaient. Assise entre Nils et Effy, elle attrapa machinalement une dague courte et la fit jouer entre ses doigts, appréciant sa légèreté et l'aspect robuste de la lame. Les armes blanches lui avaient toujours plu mais il était hors de question qu'elle s'en serve contre Nils. La situation qu'il avait crée n'avait plus rien à voir avec le plan qu'ils avaient élaboré et elle refusait de se plier à ses désirs. Pas s'ils devaient la conduire tout droit à Azkaban.

- Des questions ?

Elle n'avait rien écouté de ses explications mais elle ouvrit tout de même la bouche, prête à l'envoyer sur les roses. Cependant, des coups frappés à la porte lui ôtèrent l'occasion de faire part de son mécontentement. Nils lui lança un coup d'oeil interrogatif mais ne prêta aucune attention à sa réponse - négative, évidemment - et se leva pour accueillir le nouvel arrivant.

La nouvelle arrivante, en définitive, puisqu'il s'agissait de Lenah Mist. Aussitôt, Elana poussa un soupir exaspèré. Si elle avait accepté de rendre service à Nils, c'était pour lui épargner de laborieuses tentatives de suicide, certainement pas pour subir ses désirs tordus et les lamentations de sa compagne.

- Vas-t-en, dit-il. Vas-t-en, Lenah, je t'en supplie.

Evidemment, il n'avait pas eu la présence d'esprit de paraître naturel, indifférent. Non. Il avait fallu qu'il la supplie, qu'il fasse montre de sa panique. Les gens étaient des incapables.
Dans un raclement désagréable, Elana repoussa sa chaise et se coula auprès de Nils. Aussitôt, elle adopta un air aguicheur et surpris à la fois. Quitte à se brouiller avec Lenah, autant que cela soit pour d'autres raisons qu'un meurtre.

- Qui est-ce ? Oh. Lenah. Je ne savais pas que tu aimais les plans à trois, Nils chéri.

Elle eu un petit rire suggestif, enfonçant parfaitement le clou. L'attitude qu'elle avait adopté la révulsait au plus haut point mais avait le mérite d'être efficace dans les situations délicates. Les femmes bafouées ne cherchaient généralement pas midi à quatorze heures et se contentaient d'une belle paire de gifles avant de tourner les talons d'un air digne qui ne leur allait pas.
Lenah ne faillit pas à ce comportement si prévisible ce qui soulagea grandement Elana. Elle n'aurait pas à subir les foudres de la compagne de sa victime et venait de trouver une tête de turc parfaite ... Après tout, une amante blessée pouvait se révèler très insensée et vengeresse.

- Bien, reprenons. Mais à ma manière, cette fois-ci.

Claquant la porte sans ménagement, Elana ferma briévement les yeux pour faire disparaître la table et remplacer les sièges par deux canapés, plus confortables et moins inquiètants.

- En petit Gryffondor adepte des idées reçues, Nils a cru que les serpents s'amusaient de manière fort glauque. Ce n'est pas le cas mais nous ne lui tiendrons pas rigueur de cette petite incartade.

Elle lui adressa un sourire moqueur, plus pour le tirer de sa léthargie que par réelle envie.

- La véritable roulette magique est un jeu inventé par les mages noirs pour pimenter les réunions qui s'éternisent un peu. En réalité, il suffit de posséder une baguette ...

Sans lui en demander la permission, elle saisit celle de Nils et la brandit suffisamment haut pour que tous puissent la voir.

- ... d'un certain sortilège que je garderai secret pour éviter la tentation aux enfants qui nous regardent ...

Un clin d'oeil à Black, ultime provocation avant qu'il ne la considère comme un parfait monstre.

- ... Et d'une bonne dose de courage, pour nos amis lionceaux, qui correspond à la déviance mentale de nous autres Serpentards.

Elle parlait vite, désireuse d'en finir rapidement afin d'être débarrassée de cette corvée. Sans attendre la réaction de ses camarades, elle ensorcela la baguette de Nils et la posa au centre de la table.

- Il vous suffit de braquer quelqu'un et de prononcer le célèbre "Avada Kedavra" - et pas "Abracadabra", Blacky-dog - pour que le coup parte ... ou non. Merci les russes !

Le désir de s'emparer de cette baguette lui brûlait les doigts mais elle avait truqué son sortilège afin que le sort ne parte qu'au bout d'un certain nombre de tentatives. Il ne fallait pas que Nils meure trop vite s'ils voulaient éviter les soupçons ... de Black.

Nils avait fermé les yeux et changé l'atmosphère de la pièce, l'assombrissant tout en lui donnant les couleurs de la maison serpentard, le mot d'ordre semblant être glauque. Les lumières verdâtres et tamisées alourdissait l'ambiance, ce qui mit Sirius profondément mal à l'aise, sans parler de l'immense table moyenâgeuse dont les chaises ressemblaient à des instrument de torture. En s'approchant un peu, Sirius pu voir de nombreuses armes blanches disposées en ordre impeccable et menaçant, au bout de la table. Pendant ce temps, Nils avait expliqué que ce qui les attendait n'était pas une partie de plaisir, euphémisme éhonté au regard de la salle dans laquelle ils se trouvaient. Sur une révérence appuyée, Nils invita les membres de la réunion fortuite à prendre place et le grand Black manqua de grimacer devant l'inconfort incroyable des sièges en bois. Il vit Elana se mettre à jouer avec une dague mais son attention se concentra sur son camarade de Gryffondor, qui se mit à expliquer les règles d'un jeu que Sirius trouva barbare et répugnant. Mais le jeune homme aux yeux de couleurs différentes semblait déterminé. Lorsqu'il demanda s'il y avait des questions, Sirius faillit demander s'il pouvait quitter les lieux mais des coups frappés à la porte le coupèrent dans son élan. Il remarqua à cet instant qu'Elana semblait prête à imploser.

Nils se déplaça et alla ouvrir, se retrouvant nez à nez avec une demoiselle que Sirius ne connaissait pas mais qui n'était visiblement pas inconnue de son camarade, d'après son ton suppliant :

- Vas-t-en. Vas-t-en, Lenah, je t'en supplie.

Sirius arqua un sourcil et recula sa chaise, dont le bruit fut doublé car Elana avait fait de même. D'une démarche féline et outrancière, insupportable, elle traversa la pièce et vint se couler aux côtés de Nils, déclarant d'un ton mielleux et aguicheur :

- Qui est-ce ? Oh. Lenah. Je ne savais pas que tu aimais les plans à trois, Nils chéri.

Scandalisé et incrédule, Sirius assista au spectacle de l'inconnue giflant Nils avant de s'enfuir en courant, visiblement choquée et désespérée.

- Bien, reprenons. Mais à ma manière, cette fois-ci.

Sans y croire, il darda un regard choqué et vaguement dégoûtée sur la jolie brune, qui referma la porte d'un air satisfait. Lorsqu'elle se tourna vers eux, Sirius fut surprit par la détermination implacable qui se dégageait d'elle. Elle avait un objectif et rien ni personne n'était capable de la dévier de sa route. Elle parviendrait à ses fins et elle n'en doutait pas un seul instant, l'assurance se lisant sur ses traits gracieux. Elle ferma les yeux et le décor changea, offrant cette un confort à la fois inédit et surfait en l'arrivée de deux divans et quelques fauteuils, tandis que la lumière grandissait pour donner à la pièce une allure plus joviale, quoi que toujours un peu menaçante. Elana se justifia ainsi, en quelques mots :

- En petit Gryffondor adepte des idées reçues, Nils a cru que les serpents s'amusaient de manière fort glauque. Ce n'est pas le cas mais nous ne lui tiendrons pas rigueur de cette petite incartade.

Elle esquissa un sourire moqueur en direction du jeune homme aux yeux différents, qui semblait encore sonné par la claque retentissante qu'il venait de recevoir, avant de reprendre d'un ton plus sérieux :

- La véritable roulette magique est un jeu inventé par les mages noirs pour pimenter les réunions qui s'éternisent un peu. En réalité, il suffit de posséder une baguette ...

Elle saisit la baguette de Nils et Sirius fronça les sourcils en la voyant lever le bras dans les airs. A quoi jouait-elle et surtout, que faisait-elle subir à la baguette du jeune homme ? Elle poursuivit, moqueuse et provocatrice, lui adressant en même temps un clin d'oeil qu'il trouva détestable :

- ... d'un certain sortilège que je garderai secret pour éviter la tentation aux enfants qui nous regardent ... Et d'une bonne dose de courage, pour nos amis lionceaux, qui correspond à la déviance mentale de nous autres Serpentards.

Elle allait très vite. Trop, certainement. Sirius fronça les sourcils, cherchant à deviner la raison d'une telle précipitation. Elle n'était ni nerveuse ni agacée, elle semblait juste pressée d'en finir avec cette étrange soirée à laquelle il ne comprennait rien. Il soupçonnait le piège et son malaise ne cessait de grandir de minute en minute. Elle posa la baguette sur la table entre les deux divans et acheva finalement, un rien triomphante :

- Il vous suffit de braquer quelqu'un et de prononcer le célèbre "Avada Kedavra" - et pas "Abracadabra", Blacky-dog - pour que le coup parte ... ou non. Merci les russes !

Sirius ouvrit de grands yeux et, trop choqué par le principe meurtrier du jeu, il en oublia de broncher au surnom détestable qu'elle venait de lui sortir. Il y aurait un mort. Comment pouvait-elle proposer un tel jeu, ici, à l'intérieur même de Poudlard ? Etait-elle donc si dénuée d'humanité qu'elle s'amusait à tuer juste pour le plaisir ? Etait-elle devenue folle ou avait-il sous les yeux la véritable Elana, celle qui faisait battre son coeur plus vite que de raison ? Il sentit son myocarde geler dans sa poitrine à cette idée. Il se rebella aussitôt, fou de colère à l'idée qu'elle puisse vouloir tuer un de ses camarades, dont lui.

- Et tu te crois drôle, peut-être ? Tuer n'est pas jouée, Elana ! Tu devrais peut-être arrêter de fréquenter les ...

Il se retint à temps et, évitant le terme " mangemorts ", déclara haineusement :

- Les gens que tu as l'habitude de fréquenter. Ils ne te réussissent pas. Vraiment pas. Ils font de toi un être abject et haïssable. Ou peut-être est-ce seulement ce que tu es réellement, qui sait !

Il ne contrôlait ni sa rage, ni sa haine, ni sa déception. Les mots fusaient un à un et il n'y réfléchissait même plus, trop secoué, trop révolté par la seule idée d'aimer une meurtrière qui aimait le plaisir de tuer. Certes, il avait toujours su qu'elle tuait des gens, les mangemorts n'étaient pas des saints, loin de là. Mais de là à proposer un jeu qui mettait en danger ses camarades, juste pour le fun, il y avait un monde. Or, Elana ne semblait pas en avoir conscience. Il ouvrit de nouveau la bouche et, se dirigeant vers la sortie, il déclara brutalement :

- Il est hors de question que quelqu'un se fasse tuer. Tout le monde dehors !

Il n'avait pas fait trois pas qu'une voix féminine et autoritaire raisonna dans la pièce.

- Oh, petit gryffon est contrarié ! Tu ne sais donc pas t'amuser. Enfin, tant pis, nous nous passerons de toi ! Je lance le premier coup.

Sirius se retourna à temps pour voir le sosie de sa cousine s'approcher de la baguette de Nils. Trop surpris par cette rebuffade pour bouger, il n'eut pas le temps de réagir.

Comme elle l'avait prophétisé au début de la soirée, la situation ne plaisait absolument pas à Sirius Black et à sa morale gryffondoresque. Dans un sens, il était rassurant de constater qu'il n'était pas inconscient au point d'accepter un meurtre pour ses beaux yeux mais il fallait avouer que son attitude était handicapante. Et leur faisait perdre un temps considérable.

- Et tu te crois drôle, peut-être ? Tuer n'est pas jouer, Elana ! Tu devrais peut-être arrêter de fréquenter les ...

Elana eu un sourire méprisant devant son hésitation.

- Les gens que tu as l'habitude de fréquenter. Ils ne te réussissent pas. Vraiment pas. Ils font de toi un être abject et haïssable. Ou peut-être est-ce seulement ce que tu es réellement, qui sait !

Alors que la première partie de son discours lui avait paru plutôt amusante, sa dernière réplique la déstabilisa au plus haut point. Le problème ne lui était encore jamais apparu sous cet angle et cette nouvelle donne la laissait perplexe. Depuis le début, elle prétendait agir de la sorte pour contenter l'ensemble des siens mais, au fond, peut-être Black avait-il raison ... Peut-être était-elle réellement un être abject et dénué de sensibilité qui prenait un malin plaisir à se vautrer dans la Magie Noire.

Préoccupée, elle rata une partie de la conversation. Du moins, en vint-elle à cette conclusion lorsqu'elle remarqua Black auprès de la porte grande ouverte et Effy, baguette en main.

- ... le mot que tu cherchais quant aux fréquentations d'Elana était Mangemorts, je me trompe ? Si tu refuses de les fréquenter, je te conseille de déguerpir au plus vite...

Oubliant sa maîtrise habituelle, Elana ouvrit de grands yeux ébahis lorsque sa soeur arracha l'une de ses manches et dévoilà sa Marque. Bien sûr, une telle révélation n'aurait que des impacts minimes puisque Black et Nils étaient déjà au courant mais, aux yeux de la jeune fille, il y avait un monde entre présumer et voir la vérité exposée avec autant de certitude. De part l'intervention d'Effy, elles seraient définitivement cataloguées comme des fidèles de Voldemort et aucun doute ne serait plus permis. Et sans doute, elles n'auraient plus jamais le droit à une rédemption.

L'intention était louable, bien sûr, et Elana comprenait parfaitement que sa soeur avait voulu lui apporter du soutien. Pourtant, elle s'en trouvait bien plus gênée. Son regard passa de Nils à Effy, évitant ostensiblement Black, avant de se poser sur le battant ouvert de la porte.

- Débrouillez-vous.

Même si elle avait fait une promesse à l'elfe, il y avait des limites qu'elle n'était pas prête à franchir. Or, le discours de Black les lui avait jeté en pleine figure et force était de constater qu'elle lui donnait raison. Service ou non, elle refusait de tuer aussi facilement. Aucune de ses allégeances ne lui accordaient le droit de mettre fin aux jours de Nils Strom.
Sans compter que le plan qu'elle avait travaillé avec soins était tombé à l'eau en un rien de temps, suite à un simple concours de circonstances et qu'elle en avait par dessus la tête.

- Effy ayant révélé sa vassalité, tu sauras vers qui te tourner si tu désires toujours mourir, Nils Strom.

Sans ajouter un mot, elle tourna les talons et quitta la Salle-sur-Demande, claquant la porte derrière elle.

Certaine de bien faire, elle se préparait à fournir des excuses à Lenah Mist et à lui dévoiler l'entière vérité sur ses liens avec l'elfe mais, à peine eu-t-elle posé un pied hors de la salle que les paroles de Black lui revinrent en pleine figure. Son bel élan arrêté net, Elana s'appuya contre le mur le plus proche et se laissa glisser jusqu'au sol.
L'idée de se comporter comme les Mangemorts qu'elle fréquentait quasi quotidiennement l'effrayait. Si elle avait rejoint les rangs du Seigneur des Ténèbres, ce n'était ni par conviction, ni par plaisir, ni par peur. Elle ne prenait aucun plaisir à faire souffrir et ne craignait pas un homme dont elle connaissait toutes les faiblesses, tous les secrets les plus intimes. Pourtant, en acceptant d'assassiner Nils Strom, elle s'était abaissée au rang des plus sanguinaires serviteurs du Mal. A vrai dire, elle n'était même pas certaine que Bellatrix ai accepté de tomber aussi bas ... Surtout, elle commençait à réaliser que, pour le souvenir de ce qu'avait été son père, elle avait rejetté tous les préceptes que sa mère lui avait inculqué. Au fond, elle avait commencé à esquisser une réponse à la terrible question : " Qui préfères-tu, papa ou maman ? ". Or, il n'y aurait pas du avoir de réponse possible. Pas dans son cas ; sa mère l'avait aimé autant que son père, autrefois.

Tapant rageusement, Elana tenta de chasser l'image de sa défunte génitrice pour enrayer le chagrin et la honte qui s'insinuaient dans son esprit. Sauf qu'il était déjà trop tard, les larmes lui brûlant les rétines tandis que la nausée lui tordait l'estomac. Serrant les paupières, elle enfouit la tête dans ses bras pour tenter de se maîtriser.
Elle n'entendit même pas la porte s'ouvrir de nouveau ...

La situation dégénéra en quelques secondes à peine. Visiblement très agacée, la sosie de sa cousine lança un sort et la porte s'ouvrit violemment, en grand. D'un geste, elle arracha une de ses manches, dévoilant la marque des ténèbres. Elle lui répliqua ensuite vivement :

- Ah, au fait, il me semble que le mot que tu cherchais quant aux fréquentations d'Elana était Mangemorts, je me trompe ?

Il lui adressa un regard profondément colérique mais ne broncha pas sous la provocation. Il se fit violence pour rester stoïque lorsqu'elle enfonça le clou, d'un ton clair mais menaçant :

- Si tu refuses de les fréquenter, je te conseille de déguerpir au plus vite...

Il allait répliquer que c'était exactement ce qu'il comptait faire mais Elana prit la parole avant lui, visiblement trop énervée pour garder le contrôle plus longtemps :

- Débrouillez-vous.

Il tourna la tête et posa son regard flamboyant sur la jolie brune, qui semblait à la fois résignée et sur les nerfs. elle reprit presque aussitôt, se tournant vers Nils avec fatalisme :

- Effy ayant révélé sa vassalité, tu sauras vers qui te tourner si tu désires toujours mourir, Nils Strom.

Elle n'attendit pas plus et tourna les talons pour quitter la pièce, passant devant lui sans lui adresser ne serait-ce qu'un regard. La porte se referma sur elle dans un fracas assourdissant, donnant une certaine théâtralité à la scène. Sirius resta un moment silencieux, choqué par la révélation, avant de se tourner avec un calme feint vers la jeune femme restante, sosie parfait de Haelya Lestrange. D'un ton glacial, il asséna :

- Bravo. Qui que tu sois, tu as réussi ton effet.

Il s'éloigna en direction de la porte avant d'hésiter. S'il partait, Nils se ferait peut-être tuer. Il serait alors coupable de meurtre, par complicité forcée. L'idée lui déplaisait. Il se sentit soudain très las, résigné à rester. Mais il refusait d'assister au massacre. Finalement, il lâcha d'un ton haineux :

- Faites ce que vous voudrez, je ne me sens plus concerné.

Il n'attendit pas de réaction et quitta la pièce, referma la porte avec un silence étonnant compte tenu de ce qui venait d'avoir lieu. Il était psychologiquement ébranlé mais la colère restait salvatrice, l'empêchant de sombrer dans des réflexions dangereuses et déprimantes. Il fit deux pas, mal assurés et hésitants, comme s'il était ivre. En fait, il était bien plus secoué qu'il ne voulait bien l'admettre.

Ce n'est qu'à ce moment là qu'il remarqua Elana Wild, assise au pied du mur, non loin de la porte de la salle sur demande, qui s'estompait silencieusement dans la pierre, avalant l'assassin et la victime qui s'y trouvaient. Elle semblait au bord des larmes, même si sa position défensive ne lui permettait pas de l'affirmer. Voir la jolie brune dans cet état le calma instantanément, douchant sa colère et sa hargne mais pas ses doutes et ses angoisses. Doucement, sans animosité, il vint s'agenouiller face à elle et, d'un ton doux mais insistant, il demanda :

- Elana, j'ai besoin de savoir. Tu l'aurais tué sans sourciller, dans cette salle ? Sous mes yeux ?

Il voulait connaître la vérité, savoir si elle le tenait en si mauvaise estime pour accepter ce genre de jeu macabre et scandaleux en sa présence, sans état d'âme. Il voulait savoir si celle qu'il aimait n'était au fond qu'une meurtrière, une mangemort comme toute les autres, si la sensibilité et la douceur qu'il avait cru discerner en elle n'était qu'une illusion de plus. Il voulait avoir la certitude qu'il s'était trompé sur toute la longueur, qu'il s'était fait avoir comme un débutant. Il savait pertinemment qu'il allait accuser le choc, violemment, difficilement, jamais totalement. Il ne s'en remettrait certainement pas, gardant éternellement la cicatrice des révélations prochaines, mais il lui fallait aplanir la situation, ses sentiments. Il voulait l'entendre dire la vérité, quelle qu'elle soit. Parce qu'il était fou d'elle mais, tout aussi amoureux qu'il soit, il ne pourrait pas vivre avec une femme qui représentait tout ce qu'il avait fuit par le passé. Il ne pourrait pas rester aux côtés d'une tueuse dénué d'état d'ame, même en l'aimant plus que tout.

Doucement, il vint lui relever le menton, se retrouvant alors face à son regard violet un peu trop brillant pour être naturel. Il y plongea ses yeux gris, calmes mais interrogateurs, déterminés.

Un bruit de pas se répercuta dans le couloir vide et Elana reserra un peu plus son étreinte protectrice. Elle se moquait éperduemment d'être surprise par un professeur, ne cherchant qu'à reffreiner le sentiment de dégoût qu'elle s'inspirait. Certaine qu'elle craquerait si jamais elle modifiait sa position, elle ne broncha pas lorsqu'un froissement de vêtements lui apprit que quelqu'un s'agenouillait face à elle. Seule une pointe de soulagement l'effleura quand le parfum de Black lui emplit les narines ; elle n'écoperait d'aucune retenue pour le moment.

- Elana, j'ai besoin de savoir. Tu l'aurais tué sans sourciller, dans cette salle ? Sous mes yeux ?

Depuis qu'elle était en âge de comprendre, Elana avait assimilé le fait qu'une promesse ne pouvait être brisée de manière frivole. Lorsque Nils lui avait demandé de l'aider à mourir, elle avait jugé la situation suffisamment importante pour accepter. Pour promettre. Après tout, ses mains étaient suffisamment sales pour qu'elle soit considérer comme le bourreau idéal. Si elle se montrait parfaitement honnête, elle était forcée de reconnaître qu'elle n'avait vu aucun inconvénient à assassiner un être désirant mourir. Sauf que ce n'était clairement pas la réponse que Black voulait entendre. Pas plus que celle que sa mère aurait été ravie de connaître.

Un simple frémissement constitua sa défense lorsque Black lui attrapa le menton pour l'obliger à le regarder. Elle ne chercha même pas à fuir son regard et fixa ses onyx sans faux-semblants. Au fond, il la connaissait mieux que n'importe qui d'autre ; inutile de se cacher. D'autant que sa position protectrice ne laissait aucun doute sur la nature de ses sentiments au moment présent. Et qu'il était suffisamment intelligent pour comprendre que ses yeux ne brillaient simplement pas à cause des torches les environnant.

Sans vraiment réfléchir, Elana glissa sa main glacée sur celle de Black, posée sur son genou. Etrangement, elle se moquait qu'il lui tienne le menton, la forçant à rester concentrée et immobile. Le regard toujours fixé au sien, elle fit pivoter le poignet du jeune homme et le força à étendre la paume avant d'en suivre les lignes du bout des doigts. Ce geste, aussi déconcertant soit-il, avait le mérite de la détendre, de lui faire penser à autre chose que la honte que sa mère aurait ressenti si elle avait été là.

- I long to be like you, lie cold in the ground like you ...

Comme ils s'observaient fixement, elle n'eu aucun mal à percevoir la lueur d'incompréhension qui brilla dans le regard de Black.

- C'est une chanson moldue. Je ne l'ai jamais trouvé aussi vraie.

Elle ne répondait pas à sa question mais ce n'était pas volontaire. En réalité, elle n'avait tout simplement de réponse précise à lui fournir, doutant elle-même de la connaître.

Elle frissonna lorsqu'il attrapa son menton mais curieusement, elle ne se dégagea pas, pas plus qu'elle ne tenta de fuir son regard pénétrant et implacable. Elle était au bord des larmes mais un reste de fierté, d'orgueil ou de colère l'empêchait de donner libre court à ses émotions. Il la reconnaissait bien là, arrogante et invincible, maitresse d'elle-même jusque dans les extrêmes émotionnelles. Sauf que visiblement, elle atteignait un point difficile à gérer, ce soir. Il la trouvait magnifique, dans sa vulnérabilité inavouée. Mais il voulait une réponse à sa question. Ce qu'il lisait dans le regard de la jolie brune, mélange de honte et de regret, d'interrogation profonde, le choquait et l'inquiétait un peu, mais il ne se défilerait pas. Il avait réellement besoin de savoir ...

Sauf qu'elle ne lui répondit pas. A la place, elle vint poser une de ses mains sur la sienne, qu'il avait placé avec légèreté sur le genoux de la belle brune afin de maintenir un certain équilibre. Le contact manqua de le faire tressaillir tant il ne s'y attendait pas. De plus, elle avait les doigts gelés, vraiment glacés, ce qui contrastait fortement avec sa peau tiède et agréable. Il eut la sensation que sa main venait de s'enflammer, à cause de la différence de température mais aussi du désir que ce simple contact parvenait à éveiller chez lui. Une envie lointaine et très inappropriée, dans les circonstances actuelles, mais réelle. Avec douceur mais fermeté, elle l'obligea à retourner sa main et à lui offrir sa paume. Docile et patient, calme et résolu, il la laissa faire, à la fois intrigué et mal à l'aise. Elle devait vraiment être dans un sale état pour venir le toucher d'elle-même, sans se rebeller lorsqu'il le faisait sans lui demander son avis. Pour un peu, il aurait juré que ce n'était pas Elana Wild qui se tenait en face de lui. Mais les yeux violets qu'il fixait toujours ne pouvaient appartenir qu'à une seule personne et, même si le regard n'était pas celui qu'il avait l'habitude de croiser, il ne pouvait douter de l'identité de son interlocutrice silencieuse.

Lentement, mécaniquement, Elana se mit à jouer de ses doigts dans la main du jeune homme, qui manqua de baisser les yeux pour observer ce qu'elle faisait. Mais bientôt, à la régularité des caresses, il sut qu'elle retraçait machinalement les lignes de sa paume avec une étrange délicatesse. Elle n'avait pas cessé de l'observer, une certaine lassitude venant désormais s'ajouter au chaos émotionnel qui s'agitait dans ses iris colorées. Il eut soudain envie d'envoyer au diable toutes ses interrogations pour l'enlacer simplement et la réconforter, la réchauffer, lui rendre son regard farouche et ironique, son expression sarcastique et ses petits sourires moqueurs. Il en venait presque à désirer qu'elle le repousse violemment en lui déclarant vertement que ce n'était pas ses oignons et que de toute manière, elle n'avait pas de compte à rendre, à personne. Et encore moins lui. Pour un peu, il aurait été soulagé par une telle réaction. Mais à la place, la jeune femme murmura d'un ton absent, rêveur mais profondément triste :

- I long to be like you, lie cold in the ground like you ...

Il arqua légèrement un sourcil, perplexe et interrogateur, se demandant d'où venait cette étrange phrase qui, bien que fort jolie, ne répondait absolument pas à sa question. Elle dut saisir son incompréhension car elle ajouta dans un souffle :

- C'est une chanson moldue. Je ne l'ai jamais trouvé aussi vraie.

Il ne détourna pas le regard tandis qu'il analysait la phrase de la chanson, répétant mentalement chaque mot jusqu'à en saisir parfaitement le sens. Immédiatement, son regard se fit un peu plus sombre. Soit il faisait un grave hors sujet, soit Elana venait de lui avouer subtilement qu'elle préférerait être morte, en cet instant précis. Ce qui n'était guère flatteur pour lui mais ça il n'y avait même pas pensé. Non, il songeait surtout que pour que la jolie brune soit si abattue, il s'était passé quelque chose de grave. L'ennui était qu'il n'avait aucune idée de ce qui avait bien pu provoquer un tel état. De toute la scène, elle n'avait pas broncher, pas sourciller. A la fin, elle avait été plus agacée qu'autre chose et avait quitté les lieux d'un geste théâtral certes, mais en aucun cas désespéré. Or, il lisait dans le regard de la jeune femme une lassitude dérangeante car inhabituelle, une sorte d'abandon trop clair pour qu'il lui soit permit de douter. Il n'aimait pas ça. Du tout.

Délicatement, il referma ses doigts sur ceux d'Elana, emprisonnant sa main pour attirer un peu plus son attention, si c'était possible. Il lui caressa un instant le menton avant d'inspirer profondément. Il ne voyait qu'une seule chose ayant causé tant de ravage et il s'apprêtait à tenter de réparer les dégâts. Sauf que s'il se trompait, il s'humilierait lamentablement devant elle. Tant pis, il était près à courir le risque, si ça pouvait lui rendre un peu de son mordant habituel. D'un ton à la fois doux et sérieux, il déclara :

- Elana ... J'y suis peut-être allé un peu fort dans la salle sur demande.

Il se rendit compte que c'était l'exacte vérité. Même s'il doutait encore un peu d'elle, il ne pouvait se résigner à imaginer qu'elle était comme tous les autres tueurs qu'elle fréquentait. Il se refusait à croire qu'il était tombé désespérément amoureux d'une aussi mauvaise personne, ce ne pouvait être possible. Enfin si, mais il préférait ne pas envisager cette possibilité. Pour lui, il n'y avait qu'Elana Wild. Une femme complexe et insaisissable, charismatique mais mystérieuse, dont il était difficile de deviner les multiples facettes. Une adolescente trop vite passée au stade d'adulte mais qui gardait au fond d'elle une part d'enfance, un côté joyeux et sensible, profondément humain. Elle était franche et honnête, assumant ses convictions et ses actes avec une vigueur qui forçait l'admiration, même si l'on n'était pas toujours d'accord. Elle était ainsi et c'était ainsi qu'il l'aimait.

- Tu n'es pas une mangemort comme tous les autres. Je ne connais rien de cet aspect là de ta vie, tu me diras surement que je suis très mal placé pour parler. Mais Elana, je te vois vivre au quotidien, je te vois interagir, parler, bouger, vivre. Et avec ça, je suis assez honnête pour reconnaitre que j'ai été méchant et injuste dans la salle sur demande. Je ne sais pas quel genre de femme tu es, dans ton ...

Il répugnait un peu mais il finit par se résigner et reprit d'un ton calme :

- ... travail, mais tu es quelqu'un d'admirable, en dehors. Insupportable et absolument pas facile à vivre, assez prompte à la bagarre mais après tout, c'est aussi ce qui fait ton charme. On aime ou on n'aime pas. Tu es sensible, au fond. L'histoire de Remus te touche bien plus que tu ne veux l'admettre mais tu éprouves pour lui une compassion qu'aucun autre mangemort ne ressent, j'en suis certain. Tu es aussi la meilleure amie de James Potter et de Lily Evans, qui ne sont pas n'importe qui. Nous savons tous les deux qu'ils ne sont pas fans de magie noir, de Lord Voldemort et de ses sbires. Mais tu es leur meilleure amie.

Il esquissa un léger sourire et se rendit compte qu'il lui tenait toujours le visage et que leurs doigts étaient encore entrelacés. Il ne montra rien de son malaise et poursuivit toujours de son ton convaincu :

- Et puis ... J'ai lu les commentaires que tu as fait des poèmes de Baudelaire. Tu es quelqu'un d'incroyablement sensible, Elana. Même si tu le cache bien. C'est aussi pour ça que je ...

Il se rattrapa à temps et changea la fin de sa phrase en une tentative d'ironie maladroite :

- ... t'inflige ma présence régulièrement.

Par Merlin, il avait faillit lui dire " je t'aime ". La situation était des plus gênantes, il ferait mieux de filer avant de perdre définitivement le contrôle. Mais les doigts de la jolie brune dans les siens, son regard violet qui le fixait d'un air ebahie et incrédule, ne l'aidait pas à fuir. Au contraire, il avait envie de rester indéfiniment avec elle, près d'elle, leurs mains nouées comme celles des amants qu'il croisait dans l'école, à commencer par sa cousine et son meilleur ami. Mais avec Elana, ce n'était qu'un rêve parmi tant d'autre ...

Il lui adressa un nouveau sourire, plus franc mais aussi plus timide, un peu hésitant. Il ne l'avait pas quitté des yeux, de toute sa tirade. Il attendait maintenant une réaction, espérant de toute ses forces qu'il ne s'était pas trompé quant à la cause de son état.

-

Elle avait huit ans, la première fois que le sang avait éclaboussé son visage. Ce liquide vital avait parsemé son visage enfantin d'une miriade de gouttes écarlates qu'elle n'avait même pas cherché à essuyer et qui avait séché à même sa peau, forçant son père à frotter vigoureusement les tâches brunâtres pour effacer toute trace du crime. Une boucherie pour première confrontation à la mort, n'importe qui aurait trouvé cela excessif. Elana avait juste regretté de ne pouvoir conserver les souillures d'un sang qui ne lui appartenait pas mais lui donnait une allure de farouche guerrière et lui permettait de maintenir sa mère en vie, encore un peu.
Elle avait quinze ans, la première fois où elle avait revêti les traits de la faucheuse. Plus par nécessité que par réel désir mais le pouvoir enivrant que cet acte conférait l'avait longtemps obsédé. Et protégé de la culpabilité.
Tuer était devenu quasiment anodin pour elle, même si elle tentait de le faire le plus proprement possible. Pourtant, elle ne s'était jamais sentie aussi mal qu'à présent. Et elle n'avait même pas assassiné Nils ...

Black referma ses doigts autour des siens, emprisonnant sa main et la forçant à se reconcentrer sur lui. Distraitement, il lui caressa le menton et elle ne chercha même pas à se dérober, le laissant inspirer profondément pour rassembler son courage.

- Elana ... J'y suis peut-être allé un peu fort dans la salle sur demande.

Il parlait d'un ton doux, protecteur, qu'elle ne comprenait pas. Cette intonation ne lui était pas vraiment familière mais elle ne pouvait s'empêcher de la trouver illogique et peu adaptée à la situation. Elle venait de dévoiler son intention de tuer un de leur camarade et Black essayait de la réconforter ... N'aurait-il pas plutôt dû courir jusqu'au bureau du professeur McGonagall pour lui raconter dans le détail les méfaits de la barbare Wild ?

- Tu n'es pas une mangemort comme tous les autres. Je ne connais rien de cet aspect là de ta vie, tu me diras surement que je suis très mal placé pour parler. Mais Elana, je te vois vivre au quotidien, je te vois interagir, parler, bouger, vivre. Et avec ça, je suis assez honnête pour reconnaitre que j'ai été méchant et injuste dans la salle sur demande. Je ne sais pas quel genre de femme tu es, dans ton ... travail, mais tu es quelqu'un d'admirable, en dehors.

Même en se concentrant, elle ne réussit pas à lui adresser un sourire moqueur. Depuis des années, il la considérait comme la représentation vivante de tout ce qu'il rejettait mais il lui suffisait qu'elle flancha quelque peu pour modifier totalement son opinion et l'encenser. Risible ... ou désespérant, elle n'était pas tellement certaine.

- Insupportable et absolument pas facile à vivre, assez prompte à la bagarre mais après tout, c'est aussi ce qui fait ton charme. On aime ou on n'aime pas. Tu es sensible, au fond. L'histoire de Remus te touche bien plus que tu ne veux l'admettre mais tu éprouves pour lui une compassion qu'aucun autre mangemort ne ressent, j'en suis certain. Tu es aussi la meilleure amie de James Potter et de Lily Evans, qui ne sont pas n'importe qui. Nous savons tous les deux qu'ils ne sont pas fans de magie noir, de Lord Voldemort et de ses sbires. Mais tu es leur meilleure amie.

Dans la bouche de Black, son comportement atypique semblait être une bénédiction mais, pour elle, il s'agissait surtout d'un manque de conviction, d'un égoïsme profond qui la poussait à ne jamais prendre de décision tranchée pour éviter de s'enchaîner à une allégeance. Elle aimait son père mais ne cautionnait pas ses actes, de la même façon qu'elle aimait son grand-père mais refusait de prendre part à ses manigances. Ils avaient tous des défauts mais elle fermait les yeux pour conserver sa liberté. Il n'y avait rien d'admirable à cela.

- Et puis ... J'ai lu les commentaires que tu as fait des poèmes de Baudelaire. Tu es quelqu'un d'incroyablement sensible, Elana. Même si tu le cache bien. C'est aussi pour ça que je ...

Malgré son état, elle nota l'hésitation dont il fit preuve avant de se rattraper :

- ... t'inflige ma présence régulièrement

Il avait voulu dire autre chose, elle en était persuadée mais n'avait aucune envie de batailler pour l'instant. A vrai dire, elle se sentait incroyablement lasse, vidée de toute émotion. C'est à peine si elle sentait la pression exercée par les doigts de Black sur son menton ou leurs mains entrelacées. Malgré son incapacité à supporter les contacts, elle n'avait plus la force de se rebeller et en venait même à souhaiter s'appuyer contre Black pour se reposer un instant.

- Je suis ...

Elle hésita un instant, se pencha briévement dans sa direction avant de se rejetter en arrière et d'appuyer sa tête contre le mur. Fermant les yeux, elle remarqua qu'il ne l'avait toujours pas lâchée, malgré ses mouvements incertains.

- ... Fatiguée.

En prononçant ce mot, elle réalisa que cela faisait des années qu'elle n'avait pas évoqué son état de vive voix. Même lors de ses rares séjours à l'infirmerie, elle restait invariablement muette et se contentait d'attendre que Pomfresh ai fini de panser ses plaies. Il s'agissait d'un comportement qu'elle pensait respectueux et protecteur. En se taisant, elle n'embêtait pas les autres et ne leur offrait aucune faille exploitable. Pourtant, le sentiment de soulagement qui déferla en elle lui fit promettre de revoir sa théorie. Parfois, avouer qu'elle n'était pas au meilleur de sa forme pouvait s'avérer bénéfique ... Et Black n'irait certainement pas profiter de sa faiblesse. Il était bien trop noble pour cela.

- Pourquoi est-ce que tu es aussi laxiste avec moi ? Je te croyais entêté et intransigeant dans tes convictions.

Elle faisait référence aux déclarations incessantes qu'il faisait sur sa famille - des barbares sans coeur, obsédés par leur nom - et les forces obscures - la magie des trouillards, selon lui. Elle appartenait à deux familles de renoms, bien qu'il ne le sache pas encore, souvent associées aux forces du Mal et s'était ouvertement déclarée Mangemort. La monstruosité personnifiée si elle en croyait les petits discours de Sirius Black. Sauf que cela ne l'empêchait pas de lui tenir la main et le visage, au milieu d'un couloir, en pleine nuit.
Incompréhensible.

Il lu dans ses yeux qu'elle n'était pas dupe. Elle avait noté l'hésitation et savait qu'il allait dire autre chose mais, curieusement, elle ne sembla pas faire mine de relever. Au contraire, une nouvelle vague de lassitude voila son regard et elle murmura faiblement, dans un murmure léger comme du vent :

- Je suis ...

Elle s'inclina brièvement vers lui et il cru qu'elle allait poser la tête contre son épaule mais, fidèle à elle-même, elle bascula en arrière et appuya délicatement sa tête contre la pierre du mur. Elle ferma alors les yeux, rompant leur contact visuel trop intense. Vaguement soulagé, Sirius retint un soupir alors qu'elle achevait :

- ... Fatiguée.

Il esquissa un sourire à la fois attendrit et amusé, un peu surpris. Elana ne parlait jamais de ses états d'esprit. Ni même de ses états physiques. Mortellement blessée, elle ne se plaignait jamais et s'arrangeait toujours pour éluder toute tentative visant à en apprendre plus sur ce qu'elle ressentait. Mais, pour la première fois depuis qu'il la connaissait, elle lâchait un petit peu de lest. Certes, ce n'était pas grand chose que d'admettre la fatigue, mais un petit pas en amenant un autre, elle finirait par parler plus facilement d'elle.

Elle rouvrit les yeux et replongea son regard violet dans le sien, renouant leur échange visuel en demandant calmement :

- Pourquoi est-ce que tu es aussi laxiste avec moi ? Je te croyais entêté et intransigeant dans tes convictions.

Le sourire sur les lèvres de Sirius vacilla un peu mais ne tomba pas, tandis qu'il réfléchissait à un moyen de répondre à ça sans se compromettre vis à vis d'elle. Il ne pouvait pas lui avouer ses sentiments, pas quand elle était si faible et si vulnérable. Il voulait une Elana capable de l'envoyer sur les roses, de lui rire au nez parce qu'elle prendrait ça pour une blague. Il préférait se déclarer, à supposer qu'il le fasse, à la jeune femme qu'il connaissait et dont il pouvait presque prévoir les réactions jusque dans les moindres nuances. Là, elle était clairement déstabilisée, pas dans son état normal. Il aurait la sensation d'abuser de sa faiblesse en lui avouant son amour. Donc, même si la tentation était forte, il ne le ferait pas.

Délicatement, il laissa ses doigts glisser sur le visage de la jolie brune avant de les retirer et de venir poser sa main sur l'autre genoux d'Elana. Sa main droite tenait toujours celle de son interlocutrice et il ne songea pas à la retirer. D'un ton doux mais assuré, il déclara alors :

- Parce que tu es quelqu'un d'exceptionnel. Elana Wild, tu es hors du commun. Je ne peux donc pas appliquer mes principes psychorigides et bornés à ta personne. Ce serait injuste.

Il lui adressa un nouveau sourire, plus franc mais aussi un peu timide, avant de finir ainsi :

- C'est pourquoi je suis plus souple. Tu es une tueuse, c'est malheureusement indéniable. Mais tu as d'autres bons côtés, qui surpassent à mes yeux ce que tu fais dans ton ... travail.

Il se tut tant bien que mal, souriant toujours. Pour l'heure, il brûlait de lui dire " Je t'aime ". Mais ce n'était pas le bon moment. Il ne voulait pas la mettre plus mal à l'aise qu'elle ne l'était déjà, il ne voulait pas profiter de son état. De plus, il était certain qu'elle ne le croirait pas. Qu'elle éluderait en beauté comme elle savait si bien le faire. Mal à l'aise, il changea de position, se redressant un peu sur les genoux avant de reculer légèrement, faisant mine de retirer sa main.

Le sourire qui flottait constamment sur ses lèvres se fana quelque peu mais ne retomba pas, preuve de la maîtrise qu'il commençait à développer. Bien sûr, elle avait eu le temps de lire une certaine panique dans son regard mais, dans l'ensemble, son visage ne reflétait rien de l'agitation interne qu'une simple question semblait avoir provoqué.

Laissant passer un silence, Black fit glisser sa main le long du visage d'Elana avant de la retirer complètement. Comme toujours, la caresse continua d'exercer une pression fantômatique sur sa peau, accentuant systématiquement sa haine du contact. Pourtant, le geste de son camarade ne lui avait pas parut désagréable. Incongru et un brin déplacé mais pas désagréable.

- Parce que tu es quelqu'un d'exceptionnel. Elana Wild, tu es hors du commun. Je ne peux donc pas appliquer mes principes psychorigides et bornés à ta personne. Ce serait injuste.

Elle eu un léger sourire dont l'ironie mordante était, pour une fois, dirigée vers elle-même. Un être exceptionnel ...lement monstrueux, surtout. Mais elle ne le détrompa pas, certaine qu'il trouverait toujours un argument pour repousser ses protestations.

- C'est pourquoi je suis plus souple. Tu es une tueuse, c'est malheureusement indéniable. Mais tu as d'autres bons côtés, qui surpassent à mes yeux ce que tu fais dans ton ... travail.

Ouvrant la bouche, Elana s'apprêtait à répliquer lorsque le Gryffondor changea de position. De manière assez gauche, il dénoua leurs mains et fit mine de récupérer la sienne. Instinctivement, elle le retint par le poignet.
Ils échangèrent un regard, aussi stupéfait l'un que l'autre par ce geste imprévisible et parfaitement incongru. Elana relâcha aussitôt l'articulation.

- Mauvais réflèxe.

Elle mentait, comme souvent lorsqu'elle se trouvait dans une situation dangereuse. Les contacts physiques étaient rares dans son petit monde et il était certainement la première personne qu'elle retenait auprès d'elle. Hormis son père, peut-être, lorsqu'elle était enfant et qu'elle refusait de s'endormir seule.

Sauf que, cette fois-ci, elle mentait mal. La fatigue et la honte qui l'avaient brutalement assaillie l'empêchait de contrôler parfaitement son visage et ses intonations. Tandis qu'elle parlait, un léger tic était venu tordre sa bouche et sa voix avait semblé plus rauque sur le dernier mot. Black était subtil ; trop pour ne pas remarquer ces signes.

- Nils ... Je l'aurais peut-être tué, oui. Une promesse ne se brise pas facilement et mon âme est déjà suffisamment abîmée pour que je ne m'attarde pas sur une mutilation supplémentaire.

Elle était revenue sur sa première question pour faire diversion mais, tout en parlant, elle sentait monter un réel désir de s'expliquer auprès de Black. Comme si son avis avait eu de l'importance ....

- Devant toi ... Je ne sais pas. Tu n'aurais sûrement pas été dupe de mon joli petit plan et les autorités auraient été mises au courant dans l'heure. Azkaban ne m'aurait pas accueillie très longtemps - ma vraie identité ne le permettant pas - mais avoue que cela aurait fait tâche sur mon CV.

Un sourire moqueur naquit sur ses lèvres, maigre tentative pour détourner l'attention de Black du geste malheur qu'elle avait eu quelques secondes auparavant. Pourtant, les coins de sa bouche retombèrent bien vite lorsqu'elle releva l'erreur qu'elle venait de commettre ... Sa "vraie" identité.
Elana blêmit. Black n'allait certainement pas laissé passer une telle révélation.

Alors qu'il retirait doucement ses doigts, Elana referma les siens autour de son poignet comme pour le retenir, l'empêcher de fuir. Sirius manqua de sursauter et plongea immédiatement son regard choqué et surpris dans celui d'Elana, qui se révéla tout aussi étonné et gêné. Presque aussitôt, elle le relâcha, visiblement mal à l'aise. Le jeune homme ne bougea pas d'un pouce, l'air dépassé et la marque des doigts de la jeune femme lui brûlant encore la peau. Elle avait voulu le garder près d'elle. Elle l'avait rattrapé d'une telle manière qu'aucun doute n'était permis, c'était une protestation muette et instinctive contre son départ. Les pensée du gryffondor s'emballèrent alors tellement qu'il du faire un violent effort pour ne pas renouer leurs mains et lancer un puissant baiser. Mais il n'en était pas question, elle le tuerait sur place s'il osait le faire.

- Mauvais réflexe ...

Le ton grave et rauque, accentué sur le dernier mot, surprit Sirius tout autant que les légers sursauts qui agitaient le coin de la bouche de la jeune femme. Elle n'était pas très assuré et il sentait qu'elle lui mentait, c'était même flagrant. Mais que cachait-elle ? Que refusait-elle d'admettre ? Pourquoi ne disait-elle pas la vérité ? Autant de questions qui tourbillonnaient maintenant dans l'esprit choqué du jeune homme mais il préféra les refouler. Elles étaient trop propices aux espérances futiles pouvant le blesser lorsqu'il les perdrait, ces désillusions dangereuses et douloureuses.

Elana ouvrit alors la bouche et répondit à sa première question, d'un ton atone :

- Nils ... Je l'aurais peut-être tué, oui. Une promesse ne se brise pas facilement et mon âme est déjà suffisamment abîmée pour que je ne m'attarde pas sur une mutilation supplémentaire.

Il fronça les sourcils, étonné et consterné. Ainsi, ce n'était même pas elle qui l'avait décidé, elle n'avait fait qu'accepter une demande ... Elle avait accepté de tuer un camarade qui le lui avait demandé sans se faire trop prier, à priori. Il était à la fois déçu et étonné. Elle sortait maintenant du cadre de son travail pour tuer sans broncher tous ceux qui le lui demandait ? Le ferait-elle, s'il lui en faisait la demande, lui ? Il eu presque envie d'essayer, pour voir sa réaction. Mais un autre point attira son attention. Elle se voyait comme un monstre. Ses termes exacts avaient été " mon âme est suffisamment abîmée " ainsi que " une mutilation supplémentaire ". Ainsi, elle était consciente du poins de ses actes, de ses meurtres. Elle vivait avec ses souvenirs et son passé, malgré tout. Quelque part, Sirius ne pouvait s'empêcher de l'admirer. Elle était entière et droite, franche et honnête. Lorsqu'elle donnait sa parole, elle préférerait mourir que de la trahir. Un peu comme lui, même s'ils évoluaient dans deux camps différents.
A vrai dire, Sirius voyait deux femmes en elle. La première, humaine et incroyablement sensibles, usait de son agressivité pour se défendre plus que pour attaquer réellement, dressant autour d'elle des remparts de glace afin qu'on ne la perce pas à jour. La seconde était une tueuse implacable qui ne niait pas avoir du sang sur les mains et qui vivait avec, envers et contre tous, assumant pleinement ses actes. Plus ou moins. Ces deux entités forçaient l'admiration, aux yeux de Sirius, qui préférait pourtant la première, et de loin.
Mais déjà, elle reprenait :

- Devant toi ... Je ne sais pas. Tu n'aurais sûrement pas été dupe de mon joli petit plan et les autorités auraient été mises au courant dans l'heure. Azkaban ne m'aurait pas accueillie très longtemps - ma vraie identité ne le permettant pas - mais avoue que cela aurait fait tâche sur mon CV.

Elle esquissa un sourire moqueur qui retomba bien vite lorsqu'elle croisa son regard perplexe, interrogateur et méfiant. Il s'était raidit en entendant le terme " véritable identité ". Qu'entendait-elle par là ? Qui était-elle, pour échapper à la prison la plus redoutable du Royaume-Uni ? Comment pouvait-elle espérer en sortir si vite, sans procès et sans jugement ?
Ce n'est qu'à cet instant qu'il se rendit compte qu'il ne la connaissait pas. Il ne savait rien de tout ce qui faisait son passé, ses souvenirs, ses blessures. Il ne voyait d'elle que sa personnalité, ses colères chaotiques et ses sourires moqueurs, son ironie cassante et son caractère implacable. Il ne voyait actuellement que les conséquences d'un passé dont il ignorait tout. Ses parents, ses proches, son enfance, ses douleurs, ses peines, ses angoisses ... Ses joies, ses souvenirs heureux, ses amours et ses passions, il n'en savait rien non plus. Elana se révélait n'être qu'une étrangère ... Il ne voyait que le vernis en surface. Un peu plus, il fallait l'admettre, mais au fond ...

- Et ... qui es-tu vraiment, Elana ?

La question lui avait échappé. Son ton interrogateur et neutre contrastait très fortement avec le chaos de constatations et de questions qui lui emplissait la tête et lui retournait le coeur. Vaguement tendu, un peu perdu, il attendait qu'elle l'envoie sur les roses. Parce qu'il ne fallait pas se leurrer, elle ne répondrait jamais à cette question. Trop personnelle pour elle. Trop dangereuse. Trop porteuse de conséquences. Elle lui accorderait sa confiance en répondant, son estime aussi. Or, il était certain qu'elle ne le ferait pas. Il était son ennemi, son rival. Il était Sirius Black, celui qu'elle ne pouvait que supporter contre son gré depuis ... leur première année.

- Et ... qui es-tu vraiment, Elana ?

La question semblait lui avoir échappé, ressemblant à un réflexe plus qu'à un réel intérêt, mais Elana savait qu'il n'en était rien. La curiosité de Black était véridique et, au fond, compréhensible bien qu'elle les conduisit sur une pente glissante ... Même si son père n'était que rarement connu sous le nom de Jedusor, il aurait été imprudent de se présenter de la sorte, surtout devant l'un des membres d'une noble famille sorcière. De la même façon, dévoiler son appartenance au clan Dumbledore ne servirait qu'à aisser planer le doute quant à une possible indulgence des professeurs à son égard. Après tout, si McGonagall l'avait présenté sous le nom de "Wild" lors de sa répartition, ce n'était certainement pas par pur soucis d'esthétique. Il y avait un réel danger à être issue de telles familles.

Elle aurait pu mentir, bien évidemment, ou l'envoyer paître. Lui-même semblait s'attendre à une telle réaction, affichant une mine contrite qui le faisait ressembler à un enfant prit en faute. Sauf qu'elle n'ignorait rien de la grande curiosité des Maraudeurs et des plans complexes qu'ils étaient capables de mettre en place pour parvenir à leurs fins. Si elle ne parlait pas, ne serait ce que pour lui offrir une ébauche d'indice, elle s'exposait à des poursuites incessantes et éreintantes qui l'obligeraient à se montrer cruelle. Même si l'idée de se dévoiler la dégoûtait, cela restait préférable à un harcèlement continu de la part de Black.

Laissant échapper un soupir, Elana appuya de nouveau sa tête contre le mur et serra les paupières. La honte qui l'avait submergé quelques instants plutôt l'avait laissé épuisée, lasse des mensonges qui constituaient sa vie et des trésors d'ingéniosité que demandait une simple conversation. Elle en arrivait presque à désirer tout dire, à la première personne venu, afin de se débarasser d'un poids qui, ce soir, l'écrasait. Même Black aurait pu convenir à ses révélations si, dans un dernier sursaut d'orgueil, elle n'avait pas pris conscience des risques que cela comportait pour son intégrité. En lui parlant, elle se rendait vulnérable.

- Elana n'est que mon second prénom, celui d'usage. En réalité, je m'appelle Bluebell.

Cela au moins, elle pouvait le lui dire. Sa curiosité serait satisfaite et elle doutait qu'il puisse faire le rapprochement avec le cocktail que servait Alberforth dans son pub. En fait, elle doutait même qu'il puisse fréquenter un tel établissement ...

S'emparant des poignets de Black, elle les repoussa délicatemment et se redressa. Il lui paraissait inutile de prolonger cette conversation qui, pour l'instant, ne faisait que la mettre en danger. Et ne les avançait absolument à rien. Ils ne seraient pas plus proches ou plus aimables dans leurs échanges, par la suite. Ce ne pouvait pas être aussi simple ...

- Il se fait tard, nous devrions retourner dans nos dortoirs. Bonne nuit, Black.

Sans même lui adresser un dernier regard, elle s'éloigna dans le couloir pour regagner les cachots. Son insomnie était depuis longtemps oubliée.

La jeune femme ne lui répondit pas immédiatement. Mais Sirius arqua légèrement un sourcil. Elle ne l'envoyait pas balader non plus, semblant plutôt réfléchir à une manière subtile de répondre. Ou de se défiler sans être hargneuse, pour une fois. La scène était tellement irréelle ... Lui et Elana face à face, assis dans un couloir à une heure indue, en train de converser civilement de sujets plutôt ... personnels. Vraiment, la situation relevait de l'absurde, il n'y aurait jamais cru si quelqu'un le lui avait annoncé. Et pourtant, il était à genoux devant elle, ses mains tout près de celle de la jolie brune et ils se regardaient dans les yeux depuis près de trois quart d'heure.

Un soupir s'échappa des lèvres de la jeune femme et Sirius se concentra de nouveau sur elle, observant avec une tendresse imperceptible sa posture un peu abandonnée, tête contre le mur et yeux clos. Elle était si las, si délicate maintenant ... Il se retint d'aller lui caresser la joue, restant résolument immobile en attendant qu'elle daigne réagir à sa question. Ce qu'elle fit d'un ton monotone, las et neutre :

- Elana n'est que mon second prénom, celui d'usage. En réalité, je m'appelle Bluebell.

Il ne broncha pas mais cette révélation lui écorcha un peu le coeur. Il allait de chute en chute, ce soir. Le miroir qu'Elana avait dressé autour d'elle s'était fissuré en mille endroits différents mais, contre toute attente, il restait encore entier. Sirius ne voyait pas la véritable jeune femme qui se tenait sous ses yeux. Il n'en avait que ce qu'elle souhaitait montrer, malgré les difficultés visibles qu'elle avait à maintenir ses protections. Mais il se rassura bien vite. Quoi qu'elle en dise, elle restait à ses yeux Elana Wild. Insupportable et fascinante. Belle et dangereuse. Infiniment attirante ...

Il fut tiré de ses réflexions par un geste de la jolie brune, qui attrapa ses poignets pour les repousser avec douceur avant de se relever. Machinalement, il se remit debout aussi mais Elana s'était déjà éloigné en direction de son dortoir. Sans se retourner, elle lança calmement :

- Il se fait tard, nous devrions retourner dans nos dortoirs. Bonne nuit, Black.

Il la regarda un moment avant de sourire et de lui répondre calmement, d'un ton implacable et déterminé :

- Bonne nuit, Elana ...

Il avait volontairement accentué son prénom. Elle ne serait jamais quelqu'un d'autre que Elana Wild, pour lui. Et cette étrange constatation le rassurait autant qu'elle l'effrayait un peu. Il succombait chaque jour un peu plus aux sentiments qu'elle suscitait en lui et il en perdait petit à petit sa lucidité. Elle pourrait le manipuler à sa guise, bientôt, s'il ne se reprenait pas. Haussant les épaules, il tourna les talons et s'éloigna lentement vers son dortoir, hésitant toutefois à faire un détour par le parc. Mais en passant près d'une fenêtre, il remarqua qu'il pleuvait.

Il s'arrêta et appuya son front contre la vitre glacée. Fermant les yeux, il évoqua les images de la soirée.