The Misguided Ghosts.

Penché sur le bureau usé et encombré, Regulus Black posa le point final du simulacre de lettre qu'il venait de griffonner rapidement à la plume sur un morceau de parchemin qui trainait. Il avait un peu honte de ce qu'il avait écrit, c'était pitoyable, bas et certainement, la jeune femme ne s'en satisferait pas. Seulement, il n'avait rien d'autre à inscrire, rien d'autre à lui dire. Il se relut une dernière fois :

Pathétique. Morne et sans panache, loin de ce qu'il faisait d'ordinaire, loin de ce à quoi il avait habitué la jolie blonde qui dormait derrière lui, alanguit dans le lit trop petit qui trônait au milieu de son appartement miteux du vieux Londres. Il se redressa et se retourna, la lettre dans les mains, jaugeant l'unique pièce et sentant une vague de mélancolie et de nostalgie influer en lui. Il n'y avait que peu de meubles ici, l'endroit suintait la modestie, voir même la pauvreté, mais il s'y sentait bien, parce qu'elle était là, parce qu'ici vivait Talhula. Elle se débrouillait de son mieux, et cela ferait bientôt quatre mois qu'elle habitait là. Quatre mois qu'ils étaient rentrés de Poudlard, que ses parents l'avaient jeté dehors, qu'elle travaillait chez les moldus et qu'il l'avait rejoint, délaissant un totalement le domicile familial comme son ainé l'avait fait avant lui et se confortant dans l'idée qu'il devait agir. Maintenant que le moment était venu, il prenait peur, il se rendait compte de ce qu'il allait laisser derrière lui, mais il fallait qu'il parte, qu'il aille trouver ce médaillon et qu'il le détruise. Il s'était égaré et fourvoyé dans la Magie Noire, et à présent, il devait se racheter comme il le pouvait. Il n'avait rien trouvé de mieux que ça.

Il saisit son manteau qui se trouvait sur la chaise branlante qui jouxtait le bureau, et faisant quelques pas silencieux en avant, il déposa le morceau de parchemin au pied du lit, pour qu'elle le trouve en se réveillant. Il aurait aimé pouvoir agrémenter cet adieu pathétique d'un larmoyant « je t'aime », mais c'était contradictoire à ce qu'il voulait. Elle devait le haïr, elle devait le détester au point de ne plus jamais chercher à le voir, au point de ne plus penser à lui. La haine et la rancœur étaient les deux seules choses qui la garderaient en vie.

Il recula, la regardant et devant faire preuve d'une volonté hors du commun pour ne pas simplement détruire le parchemin, le réduire en cendre et en même temps anéantir sa motivation première. Il voulait être près d'elle, mais il ne pouvait pas, il devait aller détruire ce collier, le remplacer par la copie grossière qui tintait dans la poche de sa veste. Alors qu'il faisait volte-face et qu'il posait sa main sur la poigné de la porte, près à sortir, une voix délicate et angélique s'éleva dans la petite pièce, lui tordant les entrailles. Il avait tant redouté qu'elle se réveille qu'à présent, il songeait à ouvrir cette fichue porte et à se sauver en courant, avant de devoir affronter la jeune femme.

- A moins d'aller chercher des croissants, tu n'as pas d'excuse pour être levé et habillé si tôt, et pour me laisser toute seule dans des draps froids...

Il se retourna, inspirant profondément et lui fit face. Elle s'était un peu redressée sur le lit, allongée sur le flanc, le drap remonté sur sa peau laiteuse. Un coude planté dans le matelas, elle le regardait et pendant un instant, il se perdit entre ses yeux couleurs orage et ses longs cheveux blonds dont les mèches argentées étaient emmêlés à cause de la nuit. Alors que le son cristallin de sa voix se perdait dans les entrailles de Regulus, un silence de plomb s'installa. Il ne pouvait pas parler, il avait tellement honte qu'aucun mot ne sortirait de sa bouche, il en était certain. Il se contentait de la regarder, cherchant une issue, alors qu'elle le toisait en retour, en quête d'une explication, en attente d'une étreinte qui ne viendrait pas. Pourtant, il en mourrait d'envie. Avancer, jeter sa veste, s'agenouiller sur le lit, et la serrer contre lui, l'embrasser comme si jamais il n'avait pensé à partir, oublier toute cette histoire d'Horcruxe dont il ne pouvait même pas lui parler. L'aimer encore un peu, un peu mieux surtout, l'aimer parce qu'il était fou d'elle, de ses sourires, de son rire...

Alors qu'il restait bloqué dans son mutisme, elle détourna le regard, un peu perplexe, et tomba alors sur le parchemin. Avant même qu'il n'ai pu bouger pour le saisir et empêcher qu'elle ne le lise, elle le tenait entre ses mains et son sourire de petite fille laissa immédiatement place à une expression choquée puis furieuse. Une longue minute passa avant qu'elle ne parle, et quand elle ouvrit la bouche, son ton était si caustique, si acide et à la fois si déçue que chaque mot eut l'effet d'une gifle sonnante et trébuchante sur l'adolescent.

- C'est ... Whow. Regulus, vraiment, quel courage et quel sens aigu de la galanterie.

Elle se redressa encore un peu, froissant le papier dans sa main fine et fusillant du regard son amant.

- Partir alors que je dors en me laissant une lettre aussi pathétique... vraiment, félicitation, je me rends compte à présent que je m'envoie en l'air avec un parfait abruti...

Il se mordit l'intérieur de la joue, ne voulant rien dire alors que le processus de haine prenait place. C'était bien. Ô combien douloureux, certes, mais il le fallait. Elle commençait fort cependant. Il détestait les expressions du genre « s'envoyer en l'air », surtout pour eux, cela ne correspondait absolument pas. Il lui avait fait l'amour, oui, pas plus tard que la nuit dernière même, mais jamais au grand jamais il ne l'avait baisée, allongée, sautée. Ce n'était pas le genre de la maison, et il aimait et respectait Talhula beaucoup trop pour ça. Mais il avait frappé très bas, c'était son tour de s'en prendre plein la tête. Elle avait servit et c'était à lui de jouer, à présent. Il devait s'enfoncer, se tirer une balle dans le pied, se faire lui-même chuter dans l'estime de la jeune femme.

D'une voix nonchalante, dans un flegme qu'il avait toute la difficulté du monde à feindre, il déclara alors, s'appuyant sur la porte et ne la lâchant pas du regard, se voulant méprisant mais sachant que ça devait en être relativement loin :

- On s'ennuie de tout, mon ange, c'est une loi de la nature ; ce n'est pas ma faute.

Prétendre qu'il s'était lassé d'elle. Voila, il n'y avait pas mieux. Il passerait pour un lâche, pour un goujat, pour n'importe quoi, il s'en fichait, du moment qu'elle ne se mettait pas en danger, qu'elle l'oubliait, qu'elle passait à autre chose et qu'elle restait en dehors de toutes ses affaires de Mangemort. La phrase aurait sans doute eut l'effet désiré si il ne s'était pas plié en deux, dans un râle de douleur, au même instant. Avec une intensité qu'il n'avait jamais connu, sa marque des Ténèbres s'était mise à bruler, et cette impression de chair et de peau se disloquant l'avait surpris, le clouant presque au sol. Difficilement, il parvint à se taire, et à se redresser, à garder un semblant de dignité. Voldemort savait, le maitre sentait une mutinerie, seulement il ne pouvait pas identifier le meneur. C'était lui, le leader, Regulus Black, adolescent amouraché d'une sang-mêlé, pas encore dix-huit ans et à peine sortit de Poudlard.

Alors qu'il croisait le regard de la jeune femme, elle se mit à hocher frénétiquement la tête, comprenant ce qu'il se passait, comprenant ce qu'il avait tenté de lui cacher depuis le début de leur relation. Bien sur, elle avait vu sa Marque, comment aurait-elle pu passer à côté. Mais cela ne l'avait pas vraiment gênée, jusqu'à ce qu'il commence à se renfermer, à se braquer. Elle n'avait pas de problème avec le fait qu'il soit Mangemort mais ne le comprenait plus et s'impatientait quand il faisait de son mieux pour se sortir de cet embrigadement qui aujourd'hui le dégoutait.

- Tu ne peux pas partir... Regulus, il doit y avoir une autre solution... Ton frère et ses amis, je suis sure qu'ils t'aideraient, si seulement tu ravalais ta fierté... Je t'en supplie, va voir Sirius et James Potter, ils sauront quoi faire...

Il la regarda, incrédule. Décidément, elle en savait plus qu'elle n'y laissait paraitre. Et cela inquiéta encore d'avantage l'ancien Serpentard. Elle en savait tout bonnement trop, et elle se ferait tuée quand Voldemort réaliserait ce qu'il avait fait.

- Ça ne m'amuse pas, Tally. Vraiment pas. Mais il le faut, je dois le faire, et je dois le faire seul, être le seul à payer le prix de mes erreurs.

En deux grandes enjambées, il avait traversé la pièce, faisant craquer sous ses pas le parquet délabré de cette chambre de bonne où ils avaient étouffé tout l'été et sans vraiment lui laisser le choix, il la saisit dans ses bras, enfouissant immédiatement son visage fermé dans les cheveux dorés et parfumés de la jeune femme. Alors qu'il déchargeait toute sa peur dans ce semblant d'étreinte, il sentit son cœur s'emballer et avant même qu'il n'ai le temps de réfléchir à ce qu'il faisait, il plaqua ses lèvres contre celles de Talhula. Elle tremblait mais lui rendit pourtant son baiser, laissant ses mains courir le long de la mâchoire du jeune homme pour le retenir dans un étau délicat. La caresse le fit tressaillir, mais il ne pouvait pas. S'il s'attardait, il ne partirait jamais. S'il se laissait aller, jamais il ne pourrait la quitter.

Vivement, il eut un mouvement de recul, se libérant des lèvres et des mains de la jeune femme et retirant ses bras qui une seconde auparavant avaient encadré cette silhouette fine avec laquelle il s'était si souvent battu au milieu des draps, pendant les corps à corps passionnés qu'ils partageaient.

- Je suis désolé. Je t'ai aimé comme personne ne t'aimera, et c'est pour ça que je pars, parce que je veux te protéger.

Sa gorge était si serrée qu'il se sentait près à fondre en larme comme un enfant. Il n'était qu'un enfant après tout. Un adolescent avec une mission qui le dépassait et des responsabilités qu'il ne pouvait pas assumer.

- Je ne suis pas une gamine, Je n'ai pas besoin que l'on me protège, je veux rester avec toi...

Et c'était dans les yeux de Talhula que la tristesse de cette séparation allait jaillir. Déjà, des larmes emplissaient le cristal gris de son regard, milles paillettes de désespoir connu trop jeune, et à nouveau, elle tremblait.

Regulus serra les points, enfonçant ses ongles dans la pulpe de sa paume, se faisant mal pour se préparer à encaisser la honte et le dégout de lui-même qu'il allait s'infliger :

- Adieux, Tally.

Sans attendre, il se retourna et ouvrit la porte, qu'il franchit d'un seul pas, la laissant claquer derrière lui. Un « non » sonore raisonna dans la chambre, cassé par un sanglot immédiat, mais elle ne bougea pas. Elle était aussi résignée que lui. Il resta immobile pendant un long moment, debout sur le palier, écoutant la jeune femme pleurer de l'autre côté de la porte et tentant de calmer les vertiges qui montaient en lui. Il réussit finalement à bouger, contrant une envie de vomir puissante. Il avait tellement honte... Si il ne s'était pas attardé pour la regarder dormir, il aurait réussit à partir sans qu'elle ne le voit, sans qu'elle ne comprenne qu'il courait vers sa mort, les bras grands ouverts. Il descendit quatre à quatre les escaliers, débarquant dans le froid de ces matins d'octobre si gris, où l'on sait en mettant un pied dehors que l'on aurait mieux fait de rester couché.

Mécaniquement, il fourra sa main dans sa poche et ses doigts vinrent effleurer le faux médaillon des Gaunt. Talhula était hors de danger, et maintenant, il ne lui restait plus qu'à retrouver Kreatur et à aller dans la grotte. Il réprima un frisson au contact glacial du métal et s'engouffrant d'une une minuscule allée, il transplanna, laissant à tout jamais derrière lui la jeune femme, espérant de tout cœur qu'elle s'en remettrait, et qu'elle vivrait pleinement cette vie que lui s'apprêtait à s'arracher.