Livres perdus et portes ouvertes.

Il était près de dix-neuf heures ce soir là quand Haelya décida d'aller marcher dans les couloirs de l'école. Il faisait trop froid pour aller dehors, mais l'atmosphère confiné de la salle commune l'étouffait. Agoraphobe, elle détestait les foules, et encore plus quand celles-ci poussaient à la promiscuité.
La voix de Peeves s'elevait du détour d'un corridor. Il caquetait joyeusement


Accelérant le pas, la jeune fille découvrit qu'il s'amusait à détacher minutieusement chaque page d'un livre et à les froisser, les roulant en boules, visiblement des munitions.

Haelya, toujours à l'intersection des deux couloirs, se retourna, et dit, d'une voix volontairement forte

- Ô, mon cher Baron Sanglant, comment aller vous depuis notre dernière conversation.

Avec joie, elle vit que Peeves sursauta, le regard paniqué. Il s'éleva rapidement dans les airs et passa à travers le plafond. Satisfaite, elle marcha jusqu'à l'endroit où il s'était tenu quelques secondes auparavant.
Sortant sa baguette, elle murmura "Reparo" à plusieurs reprises, réparant la demi-douzaine d'ouvrages.
Saisissant le dernier, elle l'ouvrit. Derrière la couverture, on pouvait lire dans une écriture fine :

"Propriété de Michael Lanscott"

La jeune fille frappa alors à la porte, et fit léviter les autres volumes dans ses bras.

Après quelques instants, la porte s'ouvrit devant Haelya. Elle se retrouva face à un homme qui déjà la dévisageait. Il jaugeât rapidement les livres avant de planter son regard dans celui de la jeune fille. Il recommença le même manège, passant furtivement des ouvrages qu'elle tenait dans ses bras à ses yeux.

- Bonjour, dit il, finalement. Après une pause, il ajouta : Je vous en prie.. Si vous désirez entrer.

L'accueil froid du professeur intrigua la jeune fille. Dans sa voix, elle entendait de la fatigue et de la lassitude. Elle ne tenait pas spécialement à le déranger, mais elle voulait au moins poser les livres, qu'il ne se résignait pas à récupérer lui même. Elle tenta de faire un pas en avant, mais fut bloquée par un voile invisible. Elle hésita quelques secondes à se racler la gorge, pour attirer l'attention de l'homme, mais avant même qu'elle n'eut le temps de le faire, il se retourna, sortant sa baguette

- Oh, j'allais presque oublier !

A ses mots, il fit jaillir une fine lumière qui heurta la barrière transparente. Presque imperceptiblement, l'air trembla et il ajouta :

- Si vous désirez entrer, vous le pouvez, maintenant

Il avait eu un léger sourire satisfait, mais la morosité et la lassitude apparente reprirent rapidement le dessus.
Haelya fit quelques pas en avant, prise de court par la sur-protection que le professeur plaçait sur ses appartements. Après tout, Poudlard était en endroit sur... ou du moins, l'avait été, quelques années auparavant.
Parcourant rapidement la salle des yeux, elle fixa son attention sur une petite table où de graves inscriptions étaient ancrées à même le bois. La pièce tout entière indiquait qu'elle appartenait à un érudit : livres, parchemins, gravures et pierres sculptées recouvraient chaque surface libre. Bien entendu, c'était un professeur, et de telles dispositions étaient compréhensible, mais l'assortiment hétéroclites d'objets et d'ouvrages lui rappelait certaines des études où les anciens de Galway venaient se réfugier pour réfléchir.
Contrant l'élan de souvenirs nostaligique et analgésique qui menaçait de monter si elle s'autorisait à penser à la terre d'émeraude, elle se décida finalement à attirer l'attention du professeur, qui l'ignorait à présent. Se raclant d'abord la gorge, presque timidement, elle lui demanda

- Excusez moi, où voulez vous que je les pose ?

En disant cela, elle avait relevé légèrement ses bras, indiquant la pile de volume qu'elle tenait à bout de mains.

La jeune fille eut de nouveau droit à un regard rapide, et le professeur se dirigea vers les cabinets qui ornaient les murs. Rangeant sa baguette, il se mit à fouiller ses poches jusqu'à avoir dans ses mains une clef usée. Il l'ouvrit rapidement, et tout aussi furtivement, il saisit une bouteille et referma la porte du petit placard. Il se retourna, se laissa tomber dans un des fauteuils se trouvant autours d'une table ronde. Il lui accorda finalement une réponse :

- Je ne sais pas.. Où vous voulez, je suppose...

Surprise par le côté vague de l'indication, elle remarqua cependant qu'il indiquait un coin de la pièce, à même la pierre, où le désordre était légèrement plus clairsemé. La vert et argent s'y avança et posa les ouvrages. Quand elle se redressa, Haelya resta quelques secondes à le regarder verser le contenu de la bouteille dans un verre. La couleur singulière accapara l'attention de la jeune fille, qui sursauta quand le professeur fit claquer la lourde porte de ses appartements.

- Asseyez-vous, ou restez debout, selon votre envie !

D'une seule gorgée, il vida le contenu du verre, répétant ce sourire étrangement satisfait. Versant une autre dose de la mystérieuse libation, il s'adressa à nouveau à Elle :

- Excusez-moi, je n'ai pas l'habitude de recevoir à cette heure...

Haelya avança légèrement vers le centre de la pièce et se plaça derrière un fauteuil, ses mains entourant le rebords supérieur. Elle planta imperceptiblement ses ongles dans le tissu, mal à l'aise. Elle n'osait pas partir sans avoir été congédiée, habitude récurrente héritée des anciens du clan de Galway. Elle pensa à nouveau à celui qui pendant des années avait été son grand-père d'adoption. Le professeur aussi singulier soit-il, dégageait le même genre de présence quasi-silencieuse mais oppressante.
Respirant silencieusement, elle se forçat à ne pas toiser trop longtemps l'homme qui se trouvait là. Elle regardait autours d'elle aussi souvent que possible, mais à chaque fois, ses yeux retombaient sur lui. "Pourquoi diable ne parlait il pas ?"

Plusieurs minutes passèrent dans le mutisme le plus complet, puis il vida le second verre.

- C'était, aux yeux de Peeves, une petite blague de bienvenue. Enfin, j'imagine.

Haelya ne reconnu pas la voix qui était sortie de sa bouche. Elle le scella immédiatement, pressant ses lèvres, embarrassée. Clairement, elle le dérangeait, mais n'osait pas partir.

Le professeur vida son second verre depuis l'arrivée de la jeune fille et, haussant les épaules, lui dit :

- Je connais bien l'individu. J'avais sans doute oublié ces livres quelque part, merci de me les avoir rapportés.

Haelya releva la tête à cette phrase. Il avait donc été à Poudlard lui aussi. Une vague de questionnement lui brulèrent les lèvres. Depuis quelques temps, elle cherchait à savoir, à comprendre, à se connaître dans un sans. L'homme qui se trouvait devant elle était un peu jeune, peut-être, pour avoir des réponses... quoi que. Avant même qu'elle n'ai le temps de demander, il demanda :

- Vous êtes mal à l'aise ? Vous voulez sortir ?

Elle hésita. Oui, elle aurait bien aimé quitter cette atmosphère si étrange. Sans qu'elle ne sache pourquoi, le presque-mutisme du professeur la rendait mal à l'aise. Mais d'un autre côté, elle voulait des réponses. Des réponses qu'il avait peut-être. Elle déplia ses mains du rebord du fauteuil et se mettant à bouger, elle contourna le siège et s'y installa. Elle ouvrit la bouche, puis la referma, et l'ouvrit à nouveau pour finalement parler :

- Vous...Avez vous...Étiez-vous à Poudlard en même temps que les sœurs Black ?

Elle le fixa, attendant qu'il daigne lui répondre, crispant ses doigts dans le velours qui recouvrait le fauteuil.

Fronçant les sourcils, le professeur répondit :

-Oui, je les ai rencontrées...

Puis, se servant un troisième verre, il ajouta :

- Dites-moi, puis-je à tout hasard connaître votre nom ?

Haelya baissa rapidement les yeux. Sa précipitation lui avait fait perdre toute discrétion, si bien que l'homme avait rapidement vu clair dans son manège. Elle fixait résolument le tapis qui recouvrait le sol en pierre, analysant chaque arabesque, chaque motif de l'étoffe.

- Lestrange, répondit-elle finalement, d'un ton évasif.

Puis dans un élan d'audace, se rendant compte qu'elle n'aurait peut-être pas deux fois la chance de poser ses questions, elle demanda, relevant son regard :

- Excusez-moi, mais des trois sœurs Black, diriez-vous qu'il y en a une que vous connaissiez vraiment ?

Elle avait besoin de comprendre cette famille à laquelle elle ne pensait pas appartenir. Malgré tous le dégouts qu'elle avait pour l'univers dans lequel évoluait sa mère et une de ses tantes, Haelya ressentait le besoin maladif de connaître leurs histoires, leurs vies.

Elle se doutait cependant, qu'à un moment où à un autre, les questions de la jeune fille importunerait le professeur, et qu'il la congédierait de son bureau. "Autant en profiter tant qu'il ne s'agace pas" pensa-t-elle, prête à entendre sa réponse.

Maintenant, il comprenait un peu mieux le but de la question. Lestrange ! La fille de Bellatrix, donc, ou alors son ivresse brouillait son raisonnement. Durant ses voyages, il avait parfois entendu parler de celle qu'il avait parfois aperçu à Poudlard ; comme criminelle, avant tout. Ce qui ne présageait rien de bon quant à la personne qui se trouvait en face de lui. Elle avait sans doute hérité du caractère impulsif, voire dérangé, de la célèbre Mangemorte. Heureusement, il n'était plus un simple élève.

- Excusez-moi, mais des trois sœurs Black, diriez-vous qu'il y en a une que vous connaissiez vraiment ?

Il se rendit compte qu'il n'avait jamais eu connaissance d'une troisième soeur Black. Narcissa et Bellatrix étaient les seules qu'il avait jamais trouvé sur son chemin. Il décida de remettre ce détail à plus tard.
Comment aurait-il pu vraiment connaître l'une des soeurs alors qu'il ne leur parlait que rarement, pour ainsi dire jamais ? À cette époque, il ne s'adressait pas à grand monde ; il observait et apprenait.

"Non, je n'ai jamais personnellement connu les Black.. Même si parfois nous nous retrouvions dans les mêmes cours, nous n'étions pas.. pareils"

Il fit reculer son fauteuil de quelques centimètres pour atteindre la main le placard précédemment ouvert, et en sortit un deuxième verre qu'il posa devant la fille Lestrange. Sans toutefois la servir ; il se contenta de pousser légèrement la bouteille. Cela pouvait devenir intéressant.

"Vous cherchez des informations sur vos.. parentes ?" demanda-t-il doucement.

Après l'éclair de réalisation qui accompagnait toujours la révélation du nom "lestrange", Haelya vit le professeur plonger dans ses pensées. Après quelques instants de réflexion, il répondit finalement :

- Non, je n'ai jamais personnellement connu les Black.. Même si parfois nous nous retrouvions dans les mêmes cours, nous n'étions pas.. pareils.

Il atteignit un placard du bout des doigts, se reculant légèrement dans son fauteuil, et en sorti un second verre. Il le posa devant la jeune fille, mais ne la servit pas. A la place, il poussa un peu la bouteille en sa direction, avant de demander

- Vous cherchez des informations sur vos.. parentes ?

Un peu trop vite peut-être, Haelya répondit sa phrase habituelle, celle qui sortait de ses lèvres à chaque fois que quelqu'un la jugeait trop curieuse :

- Il n'y a pas de pensée sans les mots qui la définissent, et il n'y a pas d'avenir si l'homme ne connait pas les méandres de son passé.

Tirant sa baguette d'une poche intérieur de sa cape, elle fit léviter la bouteille et versa rapidement la libation dans le verre qui se trouvait devant elle, ne s'arrêtant cependant qu'au quart. Elle reposa le contenant d'un mouvement léger, mais ne toucha pas au verre. Baissant les yeux à nouveau, elle commença à se justifier, sachant pertinemment que c'était la preuve d'un manque de confiance en soi. Après tout, au point ou elle en était...

- Je... Je n'ai pas vécu avec ma mère et mes tantes. J'ai reçu un nom en héritage, un nom qui fait peur... et j'ai besoin de savoir pourquoi... j'ai besoin de savoir qui elles étaient, comment elles se comportaient à mon âge...

"Mensonge par omission" pensa-t-elle rapidement, mais le professeur n'avait pas besoin de connaître tous les détails. Elle avait déjà découvert un bon peu sur son passé, mais il lui manquait un moment clé de la vie des trois sœurs : Poudlard. Ce qui l'intéressait en particulier, c'était de savoir ce qui avait bien pu être l'Androméda-adolescente, elle rêvait de connaître la sœur qui avait été bannie de la famille Black pour ses choix. Puis une phrase que l'homme assis en face d'elle venait de dire vint sonner comme une cloche dans son esprit :

- Vous... vous venez de dire que vous étiez... différent des soeurs Black... mais elles n'étaient pas toutes les trois identiques. Vous étiez Serdaigle, n'est-ce-pas ? Demanda-t-elle, regardant les nombreux objets dans les tons bleu ou arborant un aigle. Je crois... Je crois qu'Androméda, la deuxième, était une Serdaigle également.