Laisse moi voir plus loin que le masque que tu portes. [ Thalie & Victoire ]

Elle manquait inévitablement d’air. Elle étouffait, seule, dans sa peine et sa rancœur. Pathétique. Elle qui pensait assumer jusqu’au bout ses propres erreurs, elle venait de se rendre compte qu’elle n’avait plus la force. Plus la force de se battre contre elle-même, de sourire alors qu’elle n’en avait plus l’envie. Certes, elle avait retrouvé ce qui lui avait manqué durant un mois ; Gabriel. Elle s’était sentie revivre, mais elle continuait de s’asphyxier. Victoire n’arrivait plus à vivre pleinement heureuse, et ces morceaux de bonheur restaient tout bonnement éphémères. La réalité retombant avec dureté et froideur. Elle restait tétanisée par la peur. La peur du lendemain, la peur de le perdre, la peur de se perdre elle-même.

Il arriverait un jour où elle devrait avouer sa faute. Elle le savait, ça serait inéluctable. Mais pas tout de suite. Elle n’avait pas assez de force pour ça. Relevant son visage du lavabo, les deux paumes de sa main accrochant ses bords avec férocité, comme une bouée de sauvetage. Ce qu’elle vit dans le miroir la laissa pantoise. C’était donc à ça qu’elle ressemblait aujourd’hui. Pitoyable. Oui, c’était le mot juste. Elle se trouvait dans un état lamentable. Ses longs cheveux sombres encadrés son visage livide, où toutes couleurs avaient disparus. Ses deux billes ténébreuses étaient soulignés par d’affreux cernes violacés, prouvant ainsi qu’elle manquait de sommeil.

Victoire Suan avait fini par devenir ce qu’elle n’avait jamais voulu être. Elle avait fini par devenir une enveloppe corporel terne et presque sans vie. Quelle ironie. Quand arriverait-elle à sortir du gouffre ? Jamais ? Il fallait qu’elle se reprenne, qu’elle cesse de se laisser tomber dans un trou sans fond.

Ouvrant les robinets avec empressement, elle se passe le visage sous l’eau. Vaine tentative pour effacer toutes ces marques de fatigue et d’abandon de soi-même. Elle était sûre que personne ne viendrait la déranger, étant donné qu’elle avait de nouveau séché les cours. Fermant le robinet, le visage dégoulinant d’eau froide, elle remonta son regard dans la glace. Elle hoqueta de surprise en voyant une silhouette derrière elle. Faisant brusquement volte face, elle fusilla la personne du regard.

Une jeune femme. Victoire la considéra silencieusement, attendant que l’intruse daigne dire quelque chose. Mais rien. Le silence perdura, intenable, pesant, oppressant. Levant les yeux au ciel, la Serpentarde regarda attentivement l’inconnue. Son visage. Fronçant les sourcils, elle inclina la tête sur le côté droit pour voir plus distinctement l’inconnue. Elle lui disait vaguement quelque chose. Mais qui ? Replaçant sa tête droite, elle la jaugea de son regard ténébreux, et demanda incertaine :

- Est-ce qu’on se connaitrait ?

La jeune femme face à elle resta pantoise quelques instants. Toujours adossée aux lavabos, Victoire patientait, son regard ténébreux posait sur son interlocutrice. Un silence s’installa, et une voix brisée et rauque le brisa :

- J'ai comme un doute, d'où viens-tu ?

La question étonna la Serpentarde. Se redressant, elle fit quelques pas vers l’intruse de ses réflexions, la jaugeant de son regard morne. Se postant face à elle, Victoire resta silencieuse. Devait-elle lui répondre, ou bien ignorer sa question et poursuivre sur une autre. Mais après tout, c’était elle qui avait commencé par lui demandait si elle ne s’était pas déjà vue. Et en effet, le visage de la fille face à elle lui disait bel et bien quelque chose. Fronçant les sourcils, elle croisa les bras, et répondit :

- De Londres.

Elle venait de Londres, d’un manoir au nom des Suan depuis plusieurs générations. Endroit qu’elle avait lâchement quitté, abandonné. Tout comme sa famille. Elle finit par sortir de ses pensées, et se concentrer sur la fille face à elle. D’un coup de tête vers elle, elle demanda à son tour :

- Et toi ? Londres ?

Car après tout, si elles pensaient s’être déjà croisée, c’était certainement à Londres, étant donné que Victoire n’avait que très peu voyagé durant son enfance, parcourant juste les terres d’Angleterre. Patiente et silencieuse, elle attendit une réponse de l’inconnue.

La jeune femme face à elle mit quelques secondes avant de répondre, comme si parler, devenait un supplice. Silencieusement, Victoire patienta. C’est toujours avec la même voix rauque que l’inconnue pris la parole:

-Non ... A quelle famille appartiens-tu?

Il est vrai qu’en connaissait leurs noms, elles pourraient peut-être en savoir un peu plus l’une sur l’autre, et deviner où elles se sont déjà vu. Après tout, son père avait de nombreuses connaissances, et avec un peu de chance, le nom de la fille lui mettrait la puce à l’oreille. La Serpentarde finit par répondre :

- A la famille Suan.

Elle essaya de discerner une quelconque réaction à son nom de famille. Mais le visage impassible de son interlocutrice, ne lui permettait pas de savoir si elle connaissait les Suan ou non. Victoire s’empressa donc de lui retourner la question :

- Et toi ? Quelle famille ?

Victoire avait beau chercher dans les méandres de sa mémoire, elle n’arrivait pas à savoir où elle avait vu ce visage, cette fille. A Poudlard c’était clair et net que non. Elle s’en souviendrait. Par contre si elle l’avait rencontré durant son enfance, elle n’arrivait pas à trouver où. Etant donné qu’elle n’avait jamais quitté son pays initiale, à part en Angleterre, elle n’avait pas d’idée précise sur la question.

Peut-être qu’elles avaient été à une école moldu ensemble. Quoi que, de ça Victoire en doutait. La plupart des Serpentards étaient de Sang-Purs, et envoyer leurs enfants chez les moldus, c’était humiliant. Laissant un petit soupir glisser entre ses lèvres, la brunette patienta.

La jeune femme hésita à la question posée. Victoire attendit, patiente, tout en continuant de chercher où est-ce qu’elle avait bien pu la voir. C’était une sorte de question réponse entre les deux Serpentardes, et la verte et argent pensa très vite que ce petit jeu, elle allait s’en lasser. Finalement, sa camarade répondit avec crainte :

- Vergift.

Ce nom. Ce nom lui rappelait vaguement quelque chose. Ce sentiment de connaitre quelqu’un, ou quelque chose, mais dont on arrive pas à mettre la main dessus, devenu frustrant. Victoire avait l’impression que les choses lui échappaient, et elle détestait cette sensation. Serrant les poings, elle essaya de se souvenir. Avait-elle entendu ce nom dans une conversation ? De la bouche de son père ? Ou du Lord ? Elle ne savait pas, et l’énervement monta d’un cran.

Toisant avec attention l’inconnue, cette dernière releva la tête et demanda au tac au tac :

- Sang-pur ?

Victoire ne put s’empêcher d’arquer un sourcil. La valeur de sang avait-il tellement d’importance dans ce questionnement ? Non. Pas tellement. Elle ne répondit pas, restant bloquée sur le nom de sa camarade. Elle le connaissait. C’était obligée. Fronçant les sourcils, elle pencha la tête, regardant sans aucune gêne la jeune femme face à elle, de haut en bas. Certes, c’était une des pires façons de regarder quelqu’un. Habituellement, elle aurait certainement fait preuve de courtoisie, comme on le lui avait appris. Mais là, elle n’en avait pas l’envie.

Non, elle ne voulait pas déborder d’une gentillesse purement hypocrite. Là, de suite, elle voulait savoir où est-ce qu’elle avait croisé cette jeune femme. Un silence quelque peu pesant s’installa dans la pièce, où les deux Serpentardes se toisaient avec attention et une once de froideur. Victoire finit par briser le silence :

- Ton prénom ?

C’était plus un ordre qu’une question, mais elle s’en fichait. Si le prénom pouvait l’aider à se souvenir, ce serait un atout.