Mal être intérieur [ L & C ]

Cédric éclata de rire, ce qui me fit sourire. Il était lui aussi, prit au jeu.

- Hum.. Ou peut-être n'a t-il tout simplement pas de chance.

Ce qui était vrai. Je ne connaissais pas le malheureux propriétaire du balais, mais à moins qu'il ne voulait s'en débarasser, il est de toute façon, bien obligé d'en acheter un autre. Du moins, si il veut continuer à voler.

Un silence s'en suivit. Je m'amusais à dessiner des formes abstraites sur le drap recouvrant mes jambes, le regard perdu dans le vide. De nombreuses pensées me vinrent à l'esprit, dont certaines qui me firent sourire. Et d'un grand sourire.

Je repris conscience de la réalité lorsque j'entendis des pas assez précipités se diriger vers mon lit. Cédric semblait lui aussi sortir de ses pensées et se tourna de façon à voir l'individu en question, qui était, comme on pouvait s'en douter, Mme Pomfresh qui venait s'inquièter de mon état. Elle examina mon abdomen et jugea préférable de me l'entourer d'une bande. Tandis qu'elle s'éloignait pour aller chercher de quoi me bander le ventre, je repris mon petit manège, de nouveau perdue dans mes pensées.

Mme Pomfresh ne tarda pas à revenir et j'arrêtais mon petit jeu pour me redresser. L'infirmière passa la bande autour de ma taille, et je me perdis dans la contemplation de la pièce. Cédric s'était finalement assis sur une chaise à côté du lit et semblait penser à autre chose. Les rideaux toujours fermés plus loin dans l'infirmerie restaient immobiles et je commençais à me demander s'il y avait vraiment d'autres personnes ici.

Quand l'infirmière eut fini, elle me recommanda de bien me reposer et je pus me rallonger. A mes côtés, Cédric semblait toujours perdu dans ses pensées, mais je ne supportais plus le silence assez pesant qui s'était installé dans l'infirmerie.

- A quoi penses-tu ?

Je n'avais pas trouvé quelque chose de plus original et je m'en voulais un peu d'avoir interrompu Cédric qui était visiblement en pleine concentration, mais je ne l'avais pas obligé à rester là, et puis, tant que j'aurais de la compagnie, autant en profiter.

Cédric mit plusieurs minutes à me répondre, ce qui me fit hausser les sourcils. Son attitude exprimait le contraire de ce qu'il venait de me dire. Ce qui m'amena à me poser des questions. Et étant curieuse et directe de nature, je lui demandais :

- Non, dis-moi. Je sais que c'est important, cela ne sert à rien de me mentir.

J'avais été droit au but. Peut-être un peu trop rapidement, mais quelque chose me disait que Cédric repensait visiblement quelque chose qui le troublait et cela avait peut-être rapport avec moi. Ou alors je me faisais des idées et je devenais complètement folle. Et pourtant, une petite voix intérieure me disait que j'avais raison. Mais dans ce cas-là, pourquoi ne m'en avait-il pas parlé dès le début ?

Je haussais de plus en plus haut mes sourcils au fur et à mesure de mes réfléxions et du silence du jeune homme. Celui-ci semblait réfléchir à ce qu'il allait me répondre, visiblement. Je me dictais à moi-même silencieusement de me calmer et attendis patiemment que Cédric daigne me répondre.

Cédric me dit une nouvelle fois que ce n'était pas important, mais je voyais à ses yeux qu'il mentait, il ne pouvait pas le cacher. Il détourna le regard de moi et osa m'avouer ce qui le tourmentait. A ses mots, je me figeais, incapable de répondre. Ainsi donc, c'était cela. Je fermais les paupières, et une brêve image me revint à l'esprit. Je rouvris les yeux aussitôt et soupirais. Je ne savais pas comment expliquer cela à Cédric sans qu'il ne me prenne pour une folle. Il évitait mon regard autant qu'il le pouvait, redoutant sans doute ma réaction. Je savais qu'il faudrait que je lui donne des explications un jour ou l'autre.

- Je.. je..

Je ne savais pas par où commencer et m'embrouillais les pinceaux. Je pris une grande bouffée d'air et me forçais à continuer :

- Je.. je rêvais en quelque sorte, fis-je tout en fermant les yeux pour les rouvrir presque aussitôt. Un moment de mon passé m'est revenu à l'esprit et... je l'ai revécu.

Je sentais le regard de Cédric sur moi à présent et qu'il devait sans doute hausser les sourcils. Mais je n'en tins pas compte.

- Je n'ai pas un passé rose, Cédric, loin de là. Et le coup.. qu'Albus m'a donné m'a fait replonger dans mes souvenirs disons.

Il m'était de plus en plus difficile de parler. Je ne voulais pas avoir cette discussion. Et pourtant, j'y étais bien obligée. Cédric était le premier au courant de mes "crises", du fait que je revivais certaines scènes de mon passé. Même à Haelya, je n'avais jamais suggéré ce détail lors de mon récit, ainsi qu'à Cassie ou encore Kaylen. Seul Nathanaël avait été là la dernière fois et comme je ne l'avais pas revu depuis, je n'avais jamais pu m'expliquer avec lui. Alors maintenant, je fermais juste les yeux et je m'attendais à entendre Cédric sortir en toute hâte de l'infirmerie après ce que je venais de lui expliquer. Ou plutôt, après ce que je venais de tenter de lui expliquer, car je doutais qu'il ait réellement compris de quoi il s'agissait.

Je tournais mon regard vers Cédric. Il semblait complètement désorienté et pourtant, semblait faire des efforts pour essayer de comprendre. Mais il est clair que mes explications étant incompréhensibles pour Cédric que je devia vraiment passer pour une demeurée.

- Je.. Alors que je suis dans le présent, des images de mon passé me reviennent en tête, comme un film repassant en boucle devant tes yeux. Et je réagis en conséquence en fait.

Je ne savais toujours pas si cela était clait ou pas pour Cédric, mais de toute façon, je ne savais pas comment mieux formuler cela. Baissant la tête pour regarder mon drap, je murmurais :

- Enfin, si tu ne comprends pas, tant pis..

Je m'étais enfin confiée à quelqu'un sur ce sujet et il se trouvait que j'expliquais tellement mal que ce quelqu'un ne m'avait pas compris ! Je me mordis la lèvre inférieure pour m'empêcher de pleurer et inspirais une grande goulée d'air pour me forcer à me calmer.

Malgré mes efforts pour ravaler mes larmes, certaines parvinrent à s'échapper et Cédric dut les voir car il se précipita auprès de moi. Il me demanda si c'était comme si je revivais un souvenir au présent. J'asquiscais sans dire un mot et sans pouvoir le regarder. Le regard fixé sur le drap blanc de l'infirmerie, je ne pouvais plus bouger, ni parler. J'étais comme figée. Mes larmes s'étaient tarries et lentement, je levais ma main droite et essuyais mes larmes d'un revers de manche. J'inspirais un bon coup et tournais mon regard vers Cédric. Celui-ci n'avait pas bougé, ce qui m'étonnait un peu. Mais c'était sa réaction que je redoutais le plus. Finalement, peut-être allait-il partir en courant..

Les larmes continuaient de rouler sur mes joues malgré tous mes efforts pour me retenir. Je craquais. En fait, pratiquement chaque fois que j'en parlais à quelqu'un ici, je ne pouvais m'en empêcher. Et je me promis intérieurement que cela serait la dernière fois que je pleurerais pour cela. Alors je me forçais à ravaler mes larmes.

Cédric s'était approché un peu plus et essuyait maintenant les larmes qui s'échappaient encore. Il paraissait un peu inquiet, mais rien de plus. Il restait calme, doux, fasse à ma "crise". Je savais bien qu'il ne me forcerait en aucun cas à parler de mon passé et je l'en remerciais intérieurement.

Mes larmes se calmèrent peu à peu pour se tarirent complètement. Prenant une grande inspiration, je balayais les traces des dernières larmes sur mes joues humides. D'un côté, je voulais en parler à Cédric qui avait été là pour moi, et avec qui je me sentais en confiance. Et d'un autre côté, tout cela me faisait mal. Je ne savais pas. Et le fait que Cédric reste stoïque ne m'aidait pas. Je respirais un bon coup, fermais les yeux un instant en espérant que cela m'aiderait à réfléchir, en vain. Finalement, je décidais de me lancer, à mes risques et périls.

- Je.. j'ai passé une dizaine d'années enfermée dans un cachot sombre et pas tellement accueillant. J'y ai vécu des choses qui ne cesseront jamais d'assaillir mon esprit de souvenirs. Ainsi que les trois années de fuite délibérée qui les ont suivi. Sans la directrice, je serais sans doute encore en train de vivre dans les rues de Londres.

Je repris ma respiration lentement, fermant les yeux pour ne pas voir le regard de Cédric. Pour espérer qu'il ne s'enfuit pas. Ce bref résumé n'évoquait pas toute ma vie, loin de là. Mais c'était sans doute un peu mon but. Je ne voulais plus en parler, cela me faisait trop mal. Et pourtant, je savais que mon passé ne cesserait jamais de me poursuivre, quelle que soit la vie que je mènerais.

Cédric me sourit presque timidement. Je voulais croire en ses paroles, bien que je savais que c'était tout bonnement impossible. Quoique je fasse, je ne cesserais sans doute jamais de penser à "ça", à mon passé. Je n'y pouvais rien. J'avais appris à vivre avec au fil du temps.

Néanmoins, je hochais la tête et essayais de me détendre un peu, de penser à autre chose. Je fis un mince sourire à Cédric pour le rassurer un tant soi peu et essayais de penser à autre chose.

- Sinon, tu as beaucoup d'amis ici ?

Je me doutais bien que oui, étant donné le nombre d'années depuis lesquelles il était ici, à Poudlard. Et pourtant, je le vois quelques fois, au bout d'un couloir ou dans le parc, seul. Il ne m'apparaissait pas comme solitaire, plutôt comme entouré par beaucoup d'amis. Mais après tout, tout le monde avait bien besoin d'être seul de temps en temps.

Tout en réfléchissant à cela, j'attendais la réponse de Cédric, légèrement moins tendue et plus décontractée que quelques instants auparavant.

Je vis que le sujet n'était pas vraiment dans les préoccupations de Cédric. Il me semblait bien que je l'avais aperçu plusieurs fois seul. Il faudrait d'ailleurs que je remédie à tout cela, pensais-je en moi-même. Car des amis sont vraiment une chose importante, je le savais parfaitement.

- Oh oui, pas mal. Je dirais même que j'ai de bons amis.

Je pensais à Victoire, Kaylen, Haelya, Anélia et tous ceux que j'avais rencontré. Je m'étais plus rapprochée de certains, et perdus de vue d'autres. Et d'ailleurs, il faudrait que je pense à en revoir certains.

Reportant mon attention sur Cédric, je vis qu'il n'avait pas bougé. Il avait juste l'air assez étonné.

- Tu sais, apparement, je ne suis pas la seule nouvelle ici. Et puis, ce château regorge de gens tous aussi sympathiques les uns que les autres !

Je lui fis un grand sourire et recallais confortablement ma tête sur l'oreiller, de façon à mieux le voir.

Cédric haussa les épaules avant de me répondre un "Oui, sûrement." Je le vis passer sa main dans ses cheveux d'un geste assez nerveux. Il se passa un moment de silence pendant lequel je laissais mon regard passer une nouvelle fois en revue l'infirmerie.

Puis Cédric sembla sortir de ses pensées et m'adressa un sourire auquel je répondis avec joie.

- A quoi penses-tu ? Demandais-je avec curiosité.

Je ne savais pas quoi dire d'autre et Cédric semblait peu désireux de s'étendre sur le sujet des amis. Alors c'était tout ce que j'avais trouvé pour changer de sujet et meubler un peu le silence qui régnait.

Je ne répondis rien et reportais mon attention sur la vaste pièce aux murs blancs. De nombreux élèves étaient déjà venus ici. C'était mon tour. Je ne tenais pas spécialement à y revenir. Tout était blanc. Trop blanc à mon goût. Les murs, le sol, les draps, les lits. Partout du blanc et rien que cela.

Mon regard s'attarda sur un lit plus loin avec des draps encore dépliés, forme qu'ils avaient quand quelqu'un en sortait assez précipitamment.

Je levais les yeux au ciel. Il n'y avait que moi pour remarquer ce genre de choses tout à fait inutiles. Qu'est-ce que cela pouvait me faire après tout ? Les élèves se succédaient ici, et ce n'était pas nouveau. J'avais vraiment des pensées idiotes par moments.

La grande horloge sonna soudain, indiquant la fin de la pause déjeuner et donc, le début des cours. Je jetais un coup d'oeil à Cédric. Il ne semblait pas avoir entendu, plongé dans ses pensées. Poussant un soupir, je relevais les couvertures sur mes vêtements aux nombreux plis dorénavant et, ne prenant pas compte de ma tête qui commençait à tourner, je me levais tant bien que mal. Une fois debout, je fermais les yeux un instant pour bien reprendre mes esprits. Je n'allais pas rester là indéfiniment. C'était donc avec la ferme intention de dire à l'infirmière que je partais que je me dirigeais, en chaussettes, vers son bureau tout en maugréant.