And the darkness, inside you can make you feel so small

Elana venait tout juste d'éxécuter sa mission et elle avait eu un terrible besoin de prendre un remontant. Ignorant les nombreuses blessures qui zébraient son corps, elle avait transplané à l'intérieur même de La Tête de Sanglier et s'était affalée à une table isolée, attendant qu'Alberforth daigne venir s'enquérir de sa commande. Elle savait qu'il ne lui poserait aucune question, se contentant de lui servir un verre et de la renvoyer au château une fois qu'elle se serait remise. Voilà pourquoi elle l'avait toujours apprécié alors qu'il méprisait son grand-père. Il était discret et se moquait de savoir pour quel camp elle se battait. Il était d'ailleurs bien le seul dans son entourage ce qui la poussait à lui rendre régulièrement visite. Avec lui, nul besoin de parler, il suffisait qu'elle croise son regard pour sentir s'évaporer la culpabilité qui la saisissait dès qu'elle trahissait les Mangemorts ou l'Ordre.

A présent, le regard plongé dans son verre de whisky, elle tentait de trouver la force de repartir jusqu'au château, de traverser le parc et de se faire inévitablement attraper par Pomfresh à cause du sang que ses blessures faisaient goutter au sol. A croire que l'infirmière avait un odorat de vampire ... Un sourire moqueur étira les lèvres d'Elana à cette pensée mais elle le regretta aussitôt lorsque sa mâchoire abimée se rappella douloureusement à elle. Portant une main agacée à sa joue, elle leva les yeux juste à temps pour voir Amycus Carrow pénétrer dans le bar, une mine renfrognée froissant ses traits.
Aussitôt, elle s'enfonça un peu plus dans l'ombre qu'un pillier jettait sur sa table et baissa le regard sur sa boisson, laissant ainsi ses cheveux recouvrir son visage. Elle ne voulait pas particulièrement le fuir mais ne cherchait pas non plus une confrontation. Pas après ce qu'il s'était passé la dernière fois qu'elle l'avait croisé en ayant bu. Et surtout pas maintenant qu'elle se trouvait dans un tel état, hors du château bien après le couvre-feu. Malheureusement, il semblait l'avoir également aperçue puisqu'il se dirigea d'une démarche assurée dans sa direction. Alors, Elana se mit à prier pour qu'Alberforth vienne s'interposer ou qu'une météorite décide brutalement de venir s'écraser juste entre sa table et Carrow. A vrai dire, vue l'heure tardive, elle avait plus foi en la seconde option ...

- Bonsoir, lâcha-t-elle néanmoins lorsqu'il se dressa devant elle.

Heureusement, son malaise ne transparaissait nullement dans sa voix et, à moins d'être un excellent legilimen, il ne saurait jamais à quel point elle se sentait mal en cet instant.

Sans prendre la peine de s'asseoir, Amycus appuya ses poings sur la table et se pencha dans sa direction. Instinctivement, elle se tapit un peu plus contre le mur, cherchant à maintenir une distence de sécurité entre eux. Il l'avait déjà eu une fois, profitant de son ivresse, il était hors de question de le laisser recommencer.

- Couvre-feu violé, hors de l’école, consommation d’alcool… Tu as de quoi meubler quelques mois d’heures de colle et de séances de torture, je te l’assure.

Elle tiqua, plus à cause du tutoiement brutal que des incriminations parfaitement justifée. Elle ne supportait pas l'idée qu'il se croit suffisamment intime pour se permettre cette familiarité, pas plus qu'elle n'aimait le sentir imposant, dominant. Malgré elle, un sentiment de bête sauvage traquée s'était emparé de ses entrailles, la forçant à reserrer son emprise sur le verre qu'elle tenait, ce qu était accorder trop d'importance à l'homme qui n'avait pas hésité un seul instant à se servir de son manque de sobriété pour assouvir ses pulsions.

- Pas s'il n'y a aucun témoin.

Son ton était glacial, menaçant, pourtant elle n'en menait pas large. C'était la première fois de sa vie qu'elle se trouvait ainsi privée de ses moyens face à un assaillant. Une honte qui lui permettait de maintenir l'illusion mais qui ne l'aiderait nullement à opposer une réelle résistance. A sa décharge, elle retenait le fait qu'il s'agissait aussi de la première personne à l'avoir connu aussi ... intimement. Et elle ne penser malheureusement pas qu'à leur dernière rencontre. Si sa mémoire ne lui jouait pas des tours, elle avait déjà pleurer devant lui.

- Et comme je n'avise personne qui pourrait tenir ce rôle ...

Elle leva son verre devant son visage, comme pour lui porter un toast, et avala la fin de son whisky d'une seule traite.

Sans répondre, Amycus se détourna légèrement et parcourut la salle du regard, visiblement à la recherche d'une boisson si elle se fiait à son regard, papillonnant entre le bar et les rares consommateurs. Toujours protégée par son pillier, Elana le regarda fixer son attention sur l'homme ivre qui se tenait non loin d'eux avant de s'avancer vers lui d'une démarche conquérante. Saisissant le verre, il n'offrit aucune excuse, se contentant de lancer un :

- Merci, l’ami.

... avant de revenir se poster devant elle, allant jusqu'à s'emparer d'une chaise pour s'installer plus confortablement. Se renfonçant encore un peu dans son coin, Elana l'observa avaler une gorgée de son breuvage avec une mine dégoûtée. Elle n'avait jamais été partisante du partage de tout objet buccal, surtout pas avec des inconnus. Et, visiblement, Amycus aurait mieux fait de s'abstenir puisque le liquide lui tira une grimace et un grognement sourd.

- Si je survis à ce truc, fit-il en désignant son verre, je te laisserais volontiers me tuer.

Elana leva les yeux au ciel, bien qu'il ne put le voir. Les gens pensaient systématiquement qu'elle réglait ses comptes en faisant disparaître l'importun et cela l'agaçait. Surtout lorsqu'elle venait de se salir les mains pour une cause en laquelle elle ne croyait pas.

- Je ne vois pas l'intérêt d'utiliser ma magie pour ça.

Elle avait été dure mais elle savait que son enseignant le supporterait et, au fond, cela la rassénérait d'arriver à l'attaquer verbalement, malgré le sentiment d'insécurité qu'il lui procurait. De toute façon, il méritait de telles réactions après les gestes qu'il avait eu à son égard et la façon dont il se comportait à présent, comme si rien n'avait existé.

Insomniaque depuis quelques temps, le professeur Rogue en avait assez de se retourner sans cesse dans son lit, froissant les draps sans parvenir à trouver le sommeil. Sa patience ayant atteint ses limites, il s'était levé et habillé, déterminé à aller faire un tour à La Tête de Sanglier. Une boisson forte prise dans un univers glauque aurait tôt fait de l'assommer et il pourrait peut-être atteindre plus facilement le royaume de Morphée après.

Tout de noir vêtu, sa cape claquant au vent hivernal qui soufflait, il s'enfonça dans la nuit, suivant le sentier à peine visible qui menait au petit village avoisinant. Il avait rabattu la capuche de son long manteau noir sur sa tête, peu désireux de croiser des connaissances en chemin. Il connaissait suffisamment ses collègues pour savoir qu'ils sortaient eux aussi la nuit, jusqu'à très tôt dans la matinée. Mais il se rassurait en songeant que très peu d'entre eux fréquentaient ce bar mal famé qu'était La Tête de Sanglier. Les gens sensés préféraient de loin l'ambiance chaleureuse et mielleuse qu'entretenait Mme Rosmerta, patronne des Trois Balais.

En pénétrant dans la petite bourgade, il accéléra le pas et en ressorti de l'autre côté pour monter le petit sentier escarpé menant au bar peu reluisant qui se dressait au sommet, isolé du reste du village. L'univers des marginaux, quels qu'ils soient. Discrètement, ne voulant absolument pas se faire remarquer, il poussa la porte en bois, miteuse et mal agencée, et entra silencieusement dans la taverne sombre et peu agréable. Il s'y sentait toujours relativement à l'aise, comme ... dans son élément. D'un regard, il s'assura que personne ne risquait de venir lui chercher des noises.

Malheureusement, sa mine déjà peu joviale s'assombrit de plus belle lorsque son regard obscur se posa sur une table éloignée de l'entrée, à laquelle étaient attablées deux personnes. Celle qu'il voyait n'était autre qu'Elana Wild, la fille du Lord. Et l'abruti qui se trouvait avec elle, tournant le dos à l'entrée, était Amycus, un professeur. Severus soupira et décida de laisser faire, pour l'instant.

Il choisi une table très éloignée de celles des deux jeunes gens, qui ne semblaient pas avoir remarqué sa présence. Par prudence, le vice-directeur de l'école garda sa capuche sur sa tête, sachant très bien que dans ce genre d'endroit il ne craignait rien. C'était monnaie courante ...

Après avoir commandé un verre d'absinthe, une boisson moldue qui ne se trouvait plus que dans le monde des Sorciers, il se mit à observer attentivement son imbécile de confrère et sa jeune trouvaille. Car leur dernière entrevue ne laissait aucun doute quant aux intentions d'Amycus. Il désirait Elana dans son lit et, à en juger d'après son attitude légèrement défensive, elle avait cédé, se retrouvant maintenant dans une position plus qu'inconfortable.

Severus esquissa un sourire fin et glacial qui passa inaperçu dans l'ombre de sa capuche.

L'inévitable air goguenard se peignir sur les traits d'Amycus, exaspérant Elana et lui faisant momentanément oublier son malaise. Il était fier de la mener en bateau, de la pousser dans ses retranchements et de jouer avec elle avec autant de facilité. Elle avait tellement envie de le mordre, de lui faire du mal, qu'elle du s'aggriper à son verre pour ne pas céder à une pulsion aussi malheureuse.

- Oui, bien entendu. Je manque de subtilité… encore une fois.

Elle avait failli le rembarrer, faire remarquer qu'il n'avait jamais été subtil mais il l'avait devancé, ce qui renforça son agacement. Il commençait à la connaître et cela lui donnait un sentiment d'insécurité handicapant ; il fallait absolument qu'elle se montre encore plus incompréhensible et insaisissable qu'en temps normal pour lui couper toute envie de la dominer d'une quelconque façon.

- Alors comment m’empêcheras-tu de ne pas jouer le cafteur immature et impitoyable ?

Elle l'observa avaler une nouvelle gorgée de son infecte boisson, un air méprisant sur le visage. Il avait l'attitude et le discours d'un détestable gamin, d'un petit monstre en culotte courte, qui méritait une belle paire de claques.

- Cela sous-entend que tu n'es pas même capable de gérer tes ennuis seul.

Son ton était hautain, écrasant de mépris. Parcourant rapidement la salle du regard, elle avisa une silhouette qu'elle connaissait bien et pouvait identifier sans mal, même avec la cape qui la recouvrait entièrement. Sans daigner se pencher dans la lumière, elle adressa un coup d'oeil dégoûté à son compagnon.

- Severus Rogue ... Tu es tombé bien bas pour accepter un tel chaperon, Carrow.

D'un geste vif, elle porta son verre à ses lèvres et le vida d'un trait, attendant la sentence que lui vaudrait une telle audace.

Se retournant, Amycus parcourut la salle du regard avant de le poser sur la silhouette de Rogue. Lorsqu'il pivota de nouveau vers elle, le sourire fugace qui éclaira son visage lui fit comprendre que la situation l'amusait grandement. Au final, ils semblaient être totalement différents l'un de l'autre. Si l'un des chiens de garde de son père avait osé la surveiller, elle ne l'aurait pas pris à la rigolade mais aurait plutôt repeint le bar d'une belle couleur écarlate.

- Il devait surement être le seul masochiste à accepter de prendre en charge un gosse de mon genre.

L'ironie était parfaitement perceptible dans sa voix mais d'une inutilité crasse. Amycus était un gamin et il falait effectivement être masochiste, ou particulièrement tordu, pour se mettre en tête de le suivre dans ses pérégrinations.
Il ne mit d'ailleurs pas longtemps avant de faire une nouvelle démonstration de son abscence totale de maturité puisqu'il se leva brusquement, repoussant la table et renversant son verre dans le mouvement, et s'amusa de voir le liquide corosif glisser lentement vers Elana. Sans prendre la peine de réparer les dégâts, il ricana et fit volte-face dans le but certain d'aller parler à Rogue. Repoussant sa chaise, Elana bondit sur ses pieds pour éviter que l'horrible boisson ne rentra en contact avec ses vêtements.

Alors qu'il n'avait fait que quelques pas, Amycus se tourna de nouveau dans sa direction et avisa son actuelle posture. Visiblement ravi de ce changement de position, il renonça à provoquer Rogue et revint vers elle, appuyant ses poings sur la table pour se pencher dans sa direction.

- Finalement, ce n’est peut-être pas moi, la personne à surveiller.

Il haussa un sourcil suggestif et elle réalisa soudainement qu'une partie de son visage était à présent éclairée par l'applique la surplombant. Grimaçant, elle prit conscience de la piêtre image qu'elle devait renvoyer et tenta d'adopter un masque froid et assuré, réplique parfaite de sa voix.

- Personne ne me surveille jamais.

Son ton était sans appel mais il n'empêcha pas l'enseignant de lui adresser un sourire moqueur, presque méprisant. Epuisée par sa mission et ses récentes blessures, elle ne prit même pas la peine de réfléchir aux conséquences de son acte et, laissant sa fierté prendre le dessus sur ses pensées, sortit vivement sa baguette de sa cape. Connaissant Rogue, elle était certaine qu'il avait perçu son geste, aussi furtif soit-il, mais il n'esquissa aucun mouvement pour l'empêcher d'attaquer. Sans même daigner lever correctement son arme, Elana envoya voler Amycus à l'autre bout de la pièce.

Ce simple sortilège avait épuisé ses dernières ressources, elle allait certainement écoper de sérieux ennuis mais, il fallait bien l'avouer, le plaisir qu'elle y avait pris valait bien tous ces sacrifices.

Severus ne fut pas immédiatement repéré, d'après l'indifférence de son insupportable collègue. Mais il aurait du se douter que la perspicace Miss Wild le démasquerait rapidement. Ce qu'elle ne manqua pas de faire, le vendant sans délais à son interlocuteur, qui se retourna et posa son regard sur lui. Le professeur de potion leva les yeux au ciel, dans l'ombre bienfaitrice de sa capuche. Décidément, Amycus Carrow était et resterait à jamais un gamin immature et borné. Incroyablement puissant et plutôt persévérant, certes dangereux, mais profondément insupportable. Ce qui fut confirmé par la suite des événements.

Dans un mélange à la fois rapide et flou, Amycus se leva, secouant brutalement la table à laquelle il était assis et renversant par la même occasion son verre, dont le liquide coula en direction de la jolie brune, laquelle bondit pour éviter d'être arrosée tandis que le professeur de magie noire s'était entre-temps dirigé vers le maître des potions, avant de se raviser pour retourner près de Miss Wild. Quelques mots avaient été échangés et Severus n'avait pas bronché lorsque la jeune femme avait sorti sa baguette, envoyant presque immédiatement valser le professeur Carrow à travers le bar. Le directeur de Serpentard soupira et songea qu'il avait décidément un problème avec le destin, ce dernier ne semblait pas vouloir lui accorder un peu de calme et de paix. Non, il fallait toujours que partout où il aille, les événements dégénéraient. C'était presque une fatalité, pour lui.

Souplement, en silence, sans tenir compte de son collègue qui se relevait, à l'autre bout de la pièce, il se dirigea calmement vers la jeune femme et lui murmura dans l'oreille :

- Je sais que vous mourrez d'envie d'en finir avec lui, mais je ne peux décemment pas vous laissez gaspiller votre temps. S'il vous plaît, venez prendre l'air et évitez d'autres dégâts superflus qui vous vaudrons de sérieux ennuis.

Il hésita, l'espace d'une seconde, à lui saisir le bras pour l'entrainer dehors. Mais il se ravisa. Elle n'était pas en forme, c'était visible sur son visage et de plus, elle ne supportait pas le contact. Il s'inclina donc légèrement en lui désignant la sortie d'un geste poli mais assuré, vaguement ostentatoire. Il espérait qu'elle ne se ferait pas trop prier parce qu'elle risquait réellement d'être dans une situation impossible, si elle poursuivait sur la voie de la colère.

Elana resta acculée contre le mur, tremblant légèrement de fatigue et tentant de refreiner la douleur qui irradiait l'ensemble de son corps. Il était clair qu'elle n'éviterait plus un séjour à l'infirmerie, cependant elle aurait nettement préféré demeurer dans le pub de son grand-oncle et ne pas avoir à retourner à Poudlard dans ce piètre état. Pomfresh n'était guère du genre à poser de questions mais vu ses blessures, elle doutait de s'en sortir aussi facilement.

D'ailleurs, Severus Rogue s'approchait déjà, ne prêtant pas garde à Amycus qui se relevait péniblement, et se coulant dans l'ombre à ses côtés. Se penchant dans sa direction, il choisit de lui parler dans l'oreille, la faisant frémir de dégoût face à une telle promiscuité.

- Je sais que vous mourrez d'envie d'en finir avec lui, mais je ne peux décemment pas vous laissez gaspiller votre temps. S'il vous plaît, venez prendre l'air et évitez d'autres dégâts superflus qui vous vaudrons de sérieux ennuis.

A la fin de sa tirade, il marqua un temps d'hésitation avant de s'incliner légèrement en direction de la sortie. Elana mourait d'envie de l'envoyer paître, lui aussi, mais elle sentait qu'il ne serait pas aussi indulgent à deux reprises. Si elle voulait s'en sortir indemne, elle avait intérêt à profiter de l'occasion qu'il lui offrait ...

- Je présume que votre proposition n'en est pas vraiment une, releva-t-elle néanmoins.

Au prix d'un bon effort, elle réussit à lui adresser un sourire ironique et, après avoir tiré sa capuche sur son visage, elle s'avança dans la lumière pour quitter le bar. Bien que ses vêtements cachaient la plupart de ses blessures, certaines étaient nettement visibles au travers du tissus déchiré, boueux et sanglant. Fluide corporel dont une partie n'était clairement pas à elle, constata-t-elle avec dégoût. Secouant la tête pour chasser cette pensée de son esprit, elle traversa la salle et poussa la porte afin de disparaître dans la rue. Elle considérait que sa conversation avec Amycus n'avait plus aucune raison d'être mais, pourtant, elle se ravisa au dernier moment et tourna la tête dans sa direction.

- Si l'envie te prend malgré tout d'attacher tes pas aux miens, sache que mon père y verra une trahisson de la plus haute importance. Je ne crois pas utile de te rappeller ce qu'il réserve aux fourbes ...

Un sourire carnassier éclaira la partie de son visage que le capuchon ne recouvrait pas et elle quitta définitevement le bar, respirant avec joie l'air frais de la nuit. Rogue claqua la porte derrière eux, privant la rue de lumière.

- Le couvre-feu est passé depuis longtemps. Si je me souviens bien, me voilà détentrice d'une retenue de deux heures en votre compagnie et à l'origine d'une importante perte de points pour ma maison.

Malgré sa situation délicate, elle ne pouvait s'empêcher de parler sur un ton ironique et prenait un malin plaisir à évoquer sa punition.

Il crut, l'espace d'une seconde, qu'il allait rejoindre son détestable collège dans un vol plané des moins élégants. Mais elle se ravisa, non sans lâcher d'un ton ironique :

- Je présume que votre proposition n'en est pas vraiment une ...

Il faillit lui répondre qu'elle était libre de faire ce qu'elle voulait, qu'il n'était en aucun cas là pour lui ordonner quoi que ce soit. Mais il se tut et attendit patiemment qu'elle daigne obtempérer. Elana Wild n'était ni stupide, ni suicidaire, ni folle. Elle avait certainement compris que, dans la situation actuelle, elle ferait mieux de saisir la sortie qu'il lui offrait. Sur un sourire ironique tout sauf amical, elle releva sa capuche sur sa tête et prit la direction de la sortie, traversant le bar sans se soucier des regards à la fois horrifiés et dégoûtés que lui jetaient les quelques rares clients présents. Elle était dans un état lamentable, sa toge noire brillait par endroit sous la lumière tamisée qui révélait bon nombre de déchirure et de tâches de sang, sans parler de ses blessures parfois visibles. Severus ne broncha pas mais il était légèrement impressionné par l'apparence pitoyable de la fille du Lord. D'habitude, Elana revenait sans aucune égratignure, toujours très digne et impeccable, hautaine et presque ennuyée. Ici, la mission avait du se révéler absolument suicidaire, pour qu'elle revienne dans cet état.
Elle poussa la porte du bar et s'apprêtait à sortir lorsqu'elle se retourna vivement, s'adressant alors à Amycus qui s'était relevé, non sans peine :

- Si l'envie te prend malgré tout d'attacher tes pas aux miens, sache que mon père y verra une trahison de la plus haute importance. Je ne crois pas utile de te rappeler ce qu'il réserve aux fourbes ...

Elle baignait dans la lumière du bar et toutes ses blessures étaient désormais apparentes, sous l'étoffe en miette de son habit de travail maculée de boue et de sang, déchirée en de nombreux endroits. Severus arqua un sourcil, vaguement admirateur mais surtout blasé. Elle agissait comme une gamine stupide et bornée, poussant la provocation jusqu'au delà du raisonnable. Connaissant Amycus, le maître des potions savait qu'il allait répliquer, d'une manière ou d'une autre, maintenant ou plus tard. Sur un dernier sourire, elle quitta enfin le bar et il la suivit, refermant séchement la porte sur eux, les plongeant dans la nuit.

Il faisait froid, en cette nuit de début d'hiver. Il descendit les marches du perron et se retrouva près de la jolie brune, presque invisible dans la pénombre. Il allait lui parler lorsqu'elle le devança :

- Le couvre-feu est passé depuis longtemps. Si je me souviens bien, me voilà détentrice d'une retenue de deux heures en votre compagnie et à l'origine d'une importante perte de points pour ma maison.

Il secoua vaguement la tête et répliqua d'un ton neutre, tout en commençant à marcher en direction du village, les mains dans les poches et la démarche assurée :

- Je ne vois pas l'intérêt de vous coller ou de retirer des points à Serpentard. Vous ne tiendrez jamais compte des règlements, de toute manière. Il est donc inutile de punir votre maison à cause de votre seule personne.

Un sourire sardonique effleura les lèvres du maître des potions. Il reprit sans lui laisser le temps de répondre, d'un ton plus dur :

- Voulez vous rentrer à pied ou accepteriez vous de transplaner avec moi, dans mon bureau ? Il fait plutôt froid et, sans vouloir être indiscret ... Vous n'êtes pas vraiment au meilleur de votre forme.

Il n'avait pas cessé de marcher, les mains dans les poches, engoncé dans sa longue tenue noire.

Secouant la tête, Rogue s'avança tranquillement vers la route menant au centre du village. Faisant fi de ses blessures, elle se précipita en avant pour se maintenir à sa hauteur.

- Je ne vois pas l'intérêt de vous coller ou de retirer des points à Serpentard. Vous ne tiendrez jamais compte des règlements, de toute manière. Il est donc inutile de punir votre maison à cause de votre seule personne.

Elana lui lança un coup d'oeil à la dérobé et, malgré le capuchon qui lui mangeait une bonne partie du visage, elle eu le temps de saisir un sourire narquois qui tordit un instant ses lèvres. Il était surprenant de constater que Severus Rogue n'était pas un maniaque de la punition mais elle se garda bien d'en faire la remarque, consciente de la chance qui s'offrait à elle.

- Voulez vous rentrer à pied ou accepteriez vous de transplaner avec moi, dans mon bureau ? Il fait plutôt froid et, sans vouloir être indiscret ... Vous n'êtes pas vraiment au meilleur de votre forme.

Elle haussa briévement les sourcils, surprise par cette attention et par le fait qu'il pouvait transplaner. Dans son esprit de gamine admirative, seul Dumbledore était capable d'un tel exploit. Evidémment, la part rationnel de sa personne avait toujours su qu'il s'agissait plutôt d'un sortilège propre au bureau directorial mais, même après la mort du plus grand mage jamais connu, elle avait continué à se mentir.
La déception avait un goût amer et elle laissa passer un moment de silence. Calme qu'elle mit à profit pour réfléchir à la proposition de son enseignant.

L'intention était louable, bien entendu. Bon nombre de ses plaies auraient mérité une attention immédiate et la marche n'avait jamais fait parti de ses activités favorites. Pourtant, elle appréciait l'obscurité nocturne et le vent vivifiant que l'hiver avait amené sur le pays. Les bourrasques de l'air qui faisaient voler leurs capes la revigoraient plus sûrement que l'alcool qu'elle avait ingurgité peu de temps auparavant et elle avait envie d'en profiter encore un peu. Sans compter qu'elle n'était pas particulièrement pressée de retrouver Pomfresh.

- Votre proposition est indécente, en effet. Quelques éraflures n'ont jamais été propice à la feinéantise et un transplanage nous priverait d'une conversation fort agréable.

Le sarcasme était toujours présent dans sa voix, plus par habitude que par réelle moquerie. Rogue était un sorcier qu'elle avait toujours admiré bien qu'il soit incompréhensible. Malgré son farouche désir d'être vu comme un tyran insatisfait et misanthrope, il était homme de confiance et de culture. Surtout, il réussisait là où même elle devait faire preuve d'une imagination sans limite et grugeait le Seigneur des Ténèbres avec une facilité déconcertante.
Même si leur dernière rencontre les avait laissé sur une mauvaise impression, elle ne pouvait s'empêcher de lui accorder un respect qu'elle n'avait pas pour des sorciers plus puissants que lui.

La jeune femme ne répondit pas immédiatement, continuant à marcher près de lui d’un pas assuré et rapide. Elle semblait à la fois déçue et agacée, mais ce n’était qu’une impression, certainement du au vent dans leurs capes ou à la façon qu’elle avait de dévier légèrement l’épaule lorsqu’elle faisait un pas en avant, de petits détails dans sa démarche et sa silhouette. Finalement, elle déclara d’un ton ironique et sarcastique, purement Wild :

- Votre proposition est indécente, en effet. Quelques éraflures n'ont jamais été propices à la fainéantise et un transplanage nous priverait d'une conversation fort agréable.

Severus esquissa un léger sourire et, d’un mouvement souple de la tête, il fit tomber sa capuche, laissant l’air glacé de la nuit lui mordre le visage. Le vent vint battre ses joues et agiter ses cheveux sombres mais il n’en tint pas compte, appréciant par-dessus tout la froideur de cette nuit sans lune. Il n’avait jamais été doué pour la conversation et elle le savait très bien mais il ne répliqua pas et se contenta de poursuivre sa route, la jeune élève toujours à ses côtés. Elle était la fille du plus puissant mage noir de tous les temps et la petite fille du pire ennemi de son père, quelle drôle de famille. Il ne fit cependant aucun commentaire, habitué à se taire et à laisser parler depuis sa plus tendre enfance. Il regardait droit devant lui, les lumières du petit-village se rapprochant à chaque pas qu’il faisait. Il leur fallait traverser le petit pâté de maison et de boutique avant de rejoindre la route en terre battue qui regagnait Poudlard. Il aurait très bien pu passer par les passages secrets dont il avait connaissance, évitant ainsi une longue marche dans le froid et le vent, mais Elana souhaitait marcher. Aussi ne la priverait-il pas de la promenade.

Il afficha une mine blasée et, sans la regarder, déclara simplement :

- Nous n’avons simplement pas la même notion du terme … éraflures. Vous ne voulez pas reconnaître que vous êtes sérieusement amochée, c’est votre problème. En revanche, je vous remets à Mrs Pomfresh dès que nous aurons franchies les portes de l’école. Et ceci n’est ni un ordre, ni une question, mais une constatation.

Il savait qu’elle allait protester, ne serait-ce que pour la forme. Il avait beau dire que ce n’était pas un ordre, il agissait tout de même contre sa volonté, sans lui avoir demandé son avis. Le genre d’attitude qui la mettait facilement en colère, il le savait pertinemment.

Sans protester, Rogue rejetta sa capuche en arrière et laissa le vent lui fouetter le visage. Malgré la pénombre, Elana distinguait parfaitement ses traits, impassibles comme toujours. Il y avait quelque chose de frustrant dans la maîtrise de cet homme. Même en le fixant durant des heures, elle n'avait jamais réussi à percevoir la moindre petite émotion dans son regard ou sur son visage. Il était neutre, maître parfait de son apparence. Les statuts en personne ne pouvaient rivaliser avec lui, leurs traits étant modelés par les artistes de manière à laisser transparaître un sentiment. Rogue, lui, était lisse. Parfaitement et irrévocablement lisse.

- Nous n’avons simplement pas la même notion du terme … éraflures. Vous ne voulez pas reconnaître que vous êtes sérieusement amochée, c’est votre problème. En revanche, je vous remets à Mrs Pomfresh dès que nous aurons franchies les portes de l’école. Et ceci n’est ni un ordre, ni une question, mais une constatation.

D'après la légère tension dans ses épaules, imperceptible pour des yeux moins aguerris, il s'attendait à des protestations de sa part. Cette présomption tira un sourire amusé à Elana qui, même avec toute la mauvaise foi du monde, n'aurait pu nier qu'elle était une grande adepte du refus. Pourtant, avec un homme comme Severus Rogue, elle savait qu'il était inutile d'émettre la moindre contestation. Quoi qu'elle dise, il réussirait à lui démontrer qu'elle avait tord et à la faire céder. Râler ne serait qu'une perte de temps et d'énergie.

- Mon père m'a appris à ne pas me plaindre. Seuls les lâches souffrent.

Elle n'avait pas pour habitude d'évoquer des sujets aussi intimes mais, étrangement, elle sentait que Rogue pouvait comprendre sans juger. Après tout, il connaissait l'identité de son géniteur et la plupart de ses opinions, faisant partie du cercle intime du Seigneur des Ténèbres. Il était clair que ses convictions et son enseignement ne lui étaient pas inconnus et qu'elle pouvait en parler en toute quiétude.

Dans un sens, elle considérait que son père avait raison. Bien sûr, la souffrance touchait tout un chacun, fort comme faible, sans aucune distinction. Sauf que se plaindre ne servait à rien. La douleur existait, elle était souvent difficilement supportable mais des pleurs ou des jérémiades ne faisaient qu'aggraver les choses.
Autant se taire et supporter en silence.

Du coin de l'oeil, il remarqua que sa voisine souriait, l'air amusé. Il ne broncha pas et poursuivit sa route, sa longue cape noire claquant au vent dans son dos. Elana ne protesterait pas, il en avait désormais la certitude. De toute manière, il aurait du s'en douter. Elle était assez intelligente pour savoir que son état nécessitait des soins immédiatement et que, si elle avait protesté, il se serait chargé de l'apporter à l'infirmerie. Consciente ou pas. Elle était Elana Wild, ce qui expliquait tout. Ou rien, aussi. La voix de la jolie brune résonna à ses oreilles, neutre et impassible, tranchante et implacable, venant confirmer la première hypothèse :

- Mon père m'a appris à ne pas me plaindre. Seuls les lâches souffrent.

Évidemment. Avec un tel enseignement, il n'y avait même plus à se poser de question. Pourtant, il esquissa un petit sourire et murmura doucement :

- Croyez vous que votre père n'ai jamais souffert de sa vie ?

Il n'ajouta rien de plus, poursuivant sa route sans même regarder la réaction de sa voisine. Il savait qu'il venait de déclencher quelque chose, à défaut de provoquer la guerre. Il n'avait pas posé la question de la lâcheté, juste celle de l'humanité d'un homme que l'on croyait foncièrement mauvais depuis sa venue au monde. Or, rien n'est jamais tout blanc ou tout noir. Il le savait pertinemment.

Raison pour laquelle il soulevait cette question intéressant, se demandant comment allait réagir la jeune femme.

- Croyez vous que votre père n'ai jamais souffert de sa vie ?

La question déstabilisa Elana. Bien que légitime, elle n'en restait pas moins incongrue, presque déplacée, surtout dans la bouche d'un des Mangemorts les plus proches du Seigneur des Ténèbres. La souffrance et la peur étaient des sentiments extrêmement intimes et penser à son père de la sorte mettait la jeune femme mal à l'aise. Pourtant, elle n'ignorait que peu de choses de son passé, de son histoire. Elle était peut-être même la seule à le connaître aussi bien ... Ce qui ne l'empêchait pas d'être prise au dépourvu par une telle question.

Voulant observer Rogue, elle constata qu'il s'était éloigné de plusieurs mètres. Ou plutôt qu'elle s'était figée sur place, lui permettant de prendre une avance considérable. Serrant les dents pour enrayer la douleur qui pulsait dans chaque parcelle de son organisme, elle reprit sa progression d'une démarche vive pour combler la distance qui les séparait.

- Je ne pensais pas que quelqu'un puisse se poser une telle question.

Elle se tut un instant, cherchant ses mots comme son souffle.

- Personne ne cherche à savoir ce qui a pu se passer pour que l'homme devienne le monstre. A vrai dire, Voldemort est une entité maléfique au même titre que les démons craints par les Moldus, que les créatures redoutées par les sorciers. J'ai déjà entendu dire qu'il serait apparu spontanément. Personne ne l'imagine sous une autre forme que celle qui est la sienne actuellement, personne ne peut concevoir qu'il ait été humain.

Comme souvent lorsqu'elle parlait de lui, une rage incontrôlable s'empara de la Serpentard. Elle n'excusait pas les ignominies commises par son père mais elle ne pouvait s'empêcher de haïr la vision que le monde magique avait de lui.

- Il est tellement plus simple de se dire qu'il a toujours été le Mal en puissance. Aucune ressemblance, aucun lien avec les Hommes. Les sorciers sont des lâches qui se voilent la face. Ils le différencient d'eux pour ne pas admettre que n'importe quel sorcier peut basculer et finir comme lui. Ils se vautrent dans leur illusion de sécurité. Même Grindelwald a été déshumanisé pour rassurer la population.

Elle se tut à nouveau, tentant de juguler la colère qui faisait trembler ses mains. Dans ces moments-là, elle comprenait la haine de son père, la partageait même. Elle aurait voulu dévoiler l'entière vérité, parler de Tom Jedusor et montrer qu'il n'était rien d'autre qu'un humain rejetté de toute part qui s'était réfugié dans les pires sentiments avant de commettre des actes ignobles. Il ne méritait pas le pardon mais un peu d'indulgence et de compréhension sauf que personne n'était décidé à le lui offrir. Pas même Dumbledore dont le passé n'était guère plus glorieux.

- Je reconnais avoir parlé trop vite en disant que seuls les lâches souffraient, finit-elle par reconnaître. Les faibles se plaignent, les forts endurent en silence.

Parler de la souffrance de son père lui semblait être une trahison aussi préfèrait-elle éviter de répondre directement à la question de Rogue.