The first time in my life and now it’s so great [ Nathanaël & Elektra ]

- Miss... Svarowskaïa ? Avez vous quelque chose à ajouter ?

La voix grinçante de la professeur de Métamorphose parvint jusqu'à Elektra, et celle-ci eut la bonne idée de sursauter légèrement, feignant la surprise, comme une bonne humaine l'aurait fait à sa place. Elle venait de se rendre compte qu'elle avait dû paraître immobile, trop immobile, pendant les dix dernières minutes. L'ennui l'avait gagnée, et elle s'était laissée entraîner dans ses pensées troublantes, qui n'auraient pas dû être celles d'une adolescente de dix sept ans. Et ça tombait assez bien, car elle n'en était pas une. Du moins, pas vraiment.

- Non, professeur, fit la rousse d'une voix cristalline.

Mrs McGonagall lui adressa un petit regard emprunt d'agacement, puis reprit son long soliloque ininteressant. Vraisemblablement, personne n'écoutait le professeur. Certains de ses camarades grattaient le parchemin de leurs plumes, traçant arabesques difformes dignes des plus beaux gribouillages de bambins ; d'autres regardaient fixement le plafond comme si celui-ci était particulièrement interessant, appuyés sur leur bras. Tous s'attardaient sur la pendule accrochée au dessus de la porte en chêne, et savaient que les cours se terminaient bientôt. A vrai dire, ils n'attendaient que ça.

Et, telle leur libératrice, la sonnerie retentit distinctement, presque trois secondes plus tard. Aussitôt, les chaises raclèrent le parquet, les encriers retrouvèrent leur place dans les cartables, et l'incantation qu'était en train d'épeler la vieille branche se perdit dans le tumulte des bavardages des adolescents. La classe se vida en quelques secondes, et Elektra, comme à son habitude, fut la dernière à franchir le seuil, flegmatique. Mais, au moment où elle allait tourner dans le couloir qui menait au Grand Escalier, Minerva McGonagall l'arrêta. L'adolescente soupira indistinctement, et tourna les talons pour faire face à la vieille femme sèche, qui s'était assise à son bureau. Ses ballerines raclère le sol en un bruit tout à fait entendable, et la lassitude était palpable sur son visage habituellement vierge d'expression.

- Elektra ... ? Vous me ferez trente lignes de plus sur le sortillège d'Amplificatum. Cela vous servira sans doute de leçon pour les prochains cours, et l'idée de m'écouter illuminera peut-être votre esprit.

Les dents de la vampire grincèrent pendant quelques secondes, cependant qu'elle essayait de se fabriquer une expression faussement déçue.

- Sans doute, professeur... Bonne soirée.

Et elle s'en alla, du plus vite qu'elle le put, sans demander son reste. Le professeur McGonagall était une des seules à se douter de quelque chose. Et c'était palpable. Dès le premier jour, elle avait détecté l'esprit et l'intelligence que possédait la russe, et semblait se poser des questions sur sa fausse-candeur, sur ses faux airs de jeune fille innocente, et sur son manque clair de spontanéité typiquement adolescente. Mais Elektra essayait tant bien que mal de faire son mieux pour passer pour une humaine, une fois face à la vieille femme. Seulement, l'âge avait amené chez celle-ci une perspicacité indémentable. Et la vampire le savait.

Elle chassa ces idées de sa tête, et descendit jusqu'au troisième étage. Ne sachant que faire, et voulant s'éloigner de l'odeur devenue plus qu'alléchante à cause de la faim de ses camarades, elle avait décidé de se rendre à la bibliothèque, et passerait la soirée à feuilleter des livres qu'elle avait déjà lu une bonne dizaine de fois dans sa - longue - vie. Les envies meutrières la traversaient souvent, ces temps-ci, et la couleur de ses prunelles trahissait ceci. Elle n'avait pas tué depuis plus d'une semaine. Et elle n'était pas habituée à ça. Obligatoirement, si elle ne voulait pas faire un carnage en plein cours, il faudrait qu'elle aille chasser, et bientôt.

Elle soupira, avalant une bouffée d'air par la même occasion. Et outre le fait que sa gorge soit transpercée par des milliers de petites aiguilles après être passée involontairement trop près d'un élève de Poufsouffle, elle sentit quelque chose. Quelque chose d'autre. Elle s'arrêta, et huma à nouveau l'air embaumé de l'odeur suave et sucrée de ses camarades. Non, elle ne rêvait pas. Elle l'avait senti. Elle l'avait senti, lui. Elle ne pouvait pas se tromper. Ah ! ça non. Toute la semaine, elle avait cherché à s'éloigner de son odeur, car elle ne savait pas ce qu'il en résoudrait. La repousserait-il ? Apprendrait-elle qu'il ne peut pas se séparer de son humaine ?
Mais aujourd'hui, elle ne voulait pas reculer. Car, même si elle ne voulait pas se l'avouer, il lui avait manqué. Elle n'avait pas croisé de vampires depuis plus de deux cents ans, et la perspective qu'il puisse être un nouveau compagnon pour elle l'avait obnubilée plus que n'importe quoi, même que l'envie de dévorer de la chair humaine.

Elektra passa le couloir aux rayons X, ses pupilles azur se dilatant sans problème. Et, après quelques secondes de réflexion, elle identifia le problème, qui n'en était pas vraiment un. Il devait être derrière cette porte, obligatoirement. Elle ne savait pas ce qu'il y faisait, mais elle s'en fichait. Elle allait le rejoindre, et ainsi, elle arrêterait de se poser des questions. Seulement, cette porte n'existait pas, aux yeux des humains. C'était bien ça, le problème ; car si elle franchissait un mur sous le regard de ses camarades, ça paraîtrait sans doute un peu louche. Car cette double-porte, massive et faite de bois massif, était recouverte d'un voile spécial. Et elle le savait, pour en avoir rencontré quelques prototypes il y a de cela bien des siècles, quand elle s'était établie en France. Là-bas, considérées comme bien plus efficaces que les capes d'invisibilité, on s'en servait pour cacher les portes des salles qui renfermaient les trésors royaux, où qui menaient aux chambres des Princes, qui risquaient de se faire assassiner. En retrouver ici, à Poudlard, ne l'étonnait pas. Ce château était bien vieillot, et qu'un voile d'une vétustée pareille serve à cacher une porte était à proprement dit banal.

Elle patienta. Deux, trois minutes. Et le couloir se vida, les élèves allant prendre leur collation dans la Grande Salle, ou partant batifoler gaiement dans le Parc ensoleillé. Alors, elle traversa le voile et poussa la porte facilement, bien que le battant dut peser bien plus que le propre poids de la jeune fille. Elle se retrouva alors en haut d'un amphithéâtre, comme elle avait pu en voir des dizaines de fois dans sa vie. Il était assez... Banal, bien que laid et tout aussi poussiéreux que les autres salles. Quoique... Peut-être un peu plus. La salle n'avait pas du être utilisée depuis une vingtaine d'années. Mais, décidément, la Grande Bretagne n'avait rien à envier à la classe et à l'architecture française. Elle avança un peu, descendant quelques marches. Faisant exprès de ne pas s'attarder sur le bas, pour faire patienter Nathanaël, le merveilleux Nathanaël, qu'elle savait là.

Bientôt, elle arriva au bas des gradins fais de bancs, aussi légère qu'une plume. Elle releva les yeux, et adressa un regard plutôt froid au vampire. Il était d'une telle beauté que cela la surprit une nouvelle fois. Vraiment, elle n'avait sans doute jamais vu de nouveau-né aussi magnifique que celui-ci. Une pure réussite. Et qu'il se trouve dans un endroit tel que Poudlard était assez... Paradoxal.

Elle s'assit sur le dernier banc de bois, salissant par la même occasion sa robe de soie rouge-sang, et accorda un sourire, sûre d'elle, au brun. Ses pupilles pétillaient, et elle décida de respirer, pendant quelques instants, histoire de pouvoir humer le parfum enivrant du jeune homme sans se retenir. Puis, après qu'une minute se soit écoulée, elle décida de rompre le silence bercé des bruits de gouttes de cires provenant du lustre qui tombaient sur le sol de pierre grise.

- Alors ? demanda-t-elle, pesant ses mots et plongeant son regard océan dans celui de son interlocuteur.

Nathanaël se sentit prit d'une vague d'effroi quand il vit qu'Elektra tournait la tête, rompant le contact visuel. Avait-il dit quelque chose de déplacé ? Lui en voulait-elle de ne pas l'avoir trouvé plus tôt ? Doutait-elle de sa parole vis à vis d'Anélia ? Il ne comprenait pas, mais il avait soudainement mal. Elle aurait pu le gifler et marcher hors de l'amphithéâtre qu'il ne se serait pas sentit moins désemparé et perdu. Il réalisa qu'il avait attendu avidement cette rencontre, il avait voulu la voir, la sentir près de lui, la toucher même. Il voyait enfin quelque chose de concret dans son futur flou et infini, et cette perspective d'avenir était la belle immortelle qui fuyait son regard. Nathanaël tressaillit quand elle parla, et les premiers mots le rassurèrent presque instantanément :

- Vous aussi. Mais j'espère que votre Anélia ne souffrira pas trop de votre absence.

Elle le regardait à nouveau, et il se sentit définitivement mieux. Elle aussi semblait avoir attendu ces retrouvailles qui n'en étaient pas, et il s'emballait peut-être, mais il trouvait que c'était un bon signe, réellement.

- Mais. Avez-vous réfléchi à la discussion que nous avons eu, l'autre soir ?

Si il avait réfléchit à leur discussion dans le cimetière de Poudlard ? Oh que oui. Pas qu'un peu. Il s'était repassé sans cesse la conversation, la scène entière, savourant encore par moment le contact des doigts d'Elektra sur sa peau, la bénédiction qu'il avait ressentit en réalisant qu'elle était comme lui, qu'elle ne lui donnerait pas envie de la tuer, qu'il ne pourrait pas lui faire physiquement mal... C'était un tel soulagement, une telle vague de fraicheur dans cet océan chaotique d'odeurs torturantes et mirobolantes...

- Anélia m'a vu me nourrir de sang humain. Je la débecte, elle m'a chassé de sa vie. Je ne dirais pas que ce fut sans douleur, mais c'est pour le mieux...

Il marqua une pause. Il avait été intimement liée à la jeune femme, et maintenant, il lui avait brisé le coeur. Il avait été sa seule famille, et il l'avait abandonné, il s'en voulait. Mais ce n'était rien en comparaison à ce qu'il aurait ressentit si il l'avait tué. Avoir le cadavre de la jeune femme devant lui et son sang dans son système l'aurait rendu fou. De chagrin, mais aussi cliniquement parlant. Il serait surement parti en vrille si cela s'était produit, il était bien mieux qu'elle ai peur, qu'elle soit dégoutée, qu'elle se sente humiliée et qu'elle l'évite...

- Et oui, j'ai réfléchit... longuement, même...

A nouveau, il laissa un silence s'installer alors qu'imperceptiblement, il se redressait, craignant un peu la réaction de l'immortelle, ayant peur de se faire rejeter.

- Je veux rester avec vous, si vous m'acceptez...

Il inclina la tête, brisant comme elle l'avait fait le contact qui s'était établis entre eux. Il sentait son crane bourdonné, il avait peur, parce qu'Elektra était belle, au delà même, plus que toutes les autres femmes que Nathanaël avait connu, plus que celles qu'il avait croisé, même... Et Merlin savait si la cour de France regorgeait de beauté. Mais non, la sublime rousse était tellement plus, il s'enivrait de son odeur, de ses traits à la fois adultes et enfantins, de sa beauté pur, digne d'un tableau ancien... Elle avait surement connu beaucoup d'homme, elle aussi, et il n'y avait aucune raison qu'elle s'attarde avec un nouveau-né comme lui... Pourtant, il esperait.

Le problème avec les immortels, tous autant qu'ils fussent et particulièrement les femmes, c'était qu'ils étaient cliniquement... des cadavres. Pas d'émotions, pas d'afflux sanguin, pas de réaction physique, rien ne pouvant clairement donner un indice à Nathanaël sur ce qu'il devait penser à cet instant. Il avait les yeux braqués au sol, et hormis le ploc-ploc régulier et relativement irritant de la cire sur le parquet, il n'y avait absolument aucun son dans l'amphithéâtre. Il n'avait côtoyé que deux vampires dans sa courte existence, deux femmes : Alisse et Elektra. En revanche, en tant qu'humain, il en avait connu, des adolescentes, dont les émotions étaient simples à percevoir et comprendre... Il se sentait perdu face à un tel mutisme, Elektra ne bougeait pas. Il savait qu'elle réfléchissait à ce qu'il venait de dire, mais rien en elle n'était enclin à laisser deviner à l'adolescent ce qu'il allait se prendre dans la tête. Un refus, catégorique et brutal, peut-être. Surement en fait. Qu'irait-elle faire d'un gamin, de quelqu'un qui la ferait repéré, qui tuerait sans discrétion et lui attirerait des ennuis ?

- Si je t'accepte ?

La voix le fit sursauter, il releva la tête, s'attendant à ce qu'elle se mette à rire, sibylline, cristalline, comme Sibylle le faisait... Sauf qu'Elektra n'était pas Sibylle, elle était sans doute pire, à sa manière, même si pour Nathanaël, c'était un peu difficile à concevoir. La jeune femme qu'il expliquait comme étant son ancienne petite amie était tout simplement la reine des damnés. Moldue jusqu'aux os, mais redoutablement dangereuse. Sauf que Sibylle n'avait jamais tué personne, ce qui n'était visiblement pas le cas de l'immortelle qui se tenait en face de lui... Très près de lui, en réalité.

Les mains posées de part et d'autre, sur le pan de bois où il était assis, elle se tenait juste devant son corps immobile et il manqua de tressaillir lorsqu'elle s'approcha de son oreille. Il se repassa ce qu'elle venait de lui dire et remarqua alors le tutoiement qu'elle avait employé, envoyant un violent coup de pied sadique dans le jeu de politesse qu'ils avaient jusqu'alors tenu.

- Bien sûr.

Elle se recula et il resta... idiot. Incapable de bouger. Comment ça "bien sûr" ? "Bien sûr" quoi, d'abord ? Puis la connexion se fit, comme une évidence, et pour le coup, il se serait bien frappé tant il se trouvait stupide. Cela semblait logique à la jeune femme, elle voulait qu'il reste aussi, mais pour Nathanaël, la requête n'avait paru ni stupide ni acquise à l'avance. Il resta un moment interdit, la regardant sans vraiment la voir, comprenant ce que cela représentait. Peut-être n'errait-il pas seul pour l'éternité, à chasser et à se cacher... Peut-être que la sublime Elektra sera là, avec lui, pour l'aider à découvrir ce qu'il ne maitrisait pas encore...

- Es-tu prêt à signer le pacte avec le diable ?

Elle avait posé sa main sur son poignet mais il ne cilla pas au contact, comme l'aurait fait un humain sous les doigts glacés de l'éternelle. Il savait à présent qu'il n'avait surement rien à craindre d'elle, qu'aussi sanguinaire et cruelle qu'elle puisse être, il avait des dérogations, elle l'acceptait, elle le voulait à ses côtés peut-être autant qu'il désirait y être, et cela le rassurait profondément.

Un pacte avec le diable ? Elle était honnête, du moins. Elle le prévenait, révélant presque clairement qu'elle serait sans doute une mauvaise influence... Mais Nathanaël n'était pas un saint. Il ne l'avait jamais été. Il avait causé du tort pendant sa vie humaine, il en avait fait pleurer des jeunes filles, il s'était battu, utilisant sa magie contre des moldus pour compenser son absence de force et se servant du rang de sa mère et de l'argent de son père pour s'en tirer sans soucis avec le ministère. De toute façon, il avait toujours su se faufiler dans le bazar administratif qu'était la cohabitation magique Franco-Britannique, jouant à son avantage du fait que les deux gouvernements n'arrivaient pas à se mettre sur d'accord quant à qui incombait les adolescents comme lui, qui résidaient en France et étaient scolarisés en Angleterre... Hormis Anélia, il n'avait été tendre qu'avec Sibylle, mais c'était pour d'autre raison. La sublime brune l'avait écrasé au sol, brutalement, sans ménagement, l'humiliant, le rendant docile, et la petite blonde l'avait attendri, lui faisant se rendre compte que toutes les filles n'étaient pas des garces manipulatrices, froides et avides de pouvoir...

Il esquissa finalement un sourire, mais ne se donna pas la peine de répondre, préférant agir, évitant de penser au fait qu'elle lui briserait la nuque avant qu'il ne s'en rende compte si elle refusait le contact qu'il s'apprêtait à instaurer. Qu'importe, elle était son seul espoir, elle pouvait bien le tuer si elle ne voulait pas de lui, c'était même préférable, parce qu'il n'y arriverait pas seul.

Dégageant son poignet des doigts de la jeune femme, il sauta de la table, se tenant debout devant elle et sans attendre, il passa un bras dans son dos avant de l'attirer doucement contre lui, plaçant sa main libre contre sa mâchoire et lui faisant lever la tête pour croiser son regard rouge sombre pendant un long moment. Elle était bien plus petite que lui, et il du se pencher pour achever son mouvement.

Délicatement d'abord, il l'embrassa, resserrant son bras et approfondissant petit à petit le baiser, laissant ses crocs brosser doucement contre les lèvres douces et sucrées de la jeune femme. Une question incongrue se posa alors au jeune homme : que se passerait-il si il mordait un vampire ? Ce n'était pas du sang à proprement parler qui coulait dans leurs veines, mais la consistance et la couleur en était proche... et puis, le sang vampirique avait des vertus assez impressionnantes, soignant, envoyant une dose d'adrénaline pure à quiconque l'ingurgitait... Il chassa cette idée de son esprit, se concentrant sur ce qui se passait à l'instant présent, se faisant un peu plus intrusif et passionné pendant un instant avant de reculer la tête, mettant fin au baiser et plongeant ses yeux dans ceux d'Elektra, qui semblait un peu prise de court par ce qu'il venait faire.

- Je n'ai jamais été un saint, ne changeons rien, veux-tu ?

Il lui sourit avec une assurance non feinte, même si une légère angoisse tordait ses entrailles... Se penchant à nouveau en avant, il déposa un baiser sur le dessus de la tête de l'immortelle, parmi ses cheveux roux dont l'odeur était si agréable qu'il souhaitait s'y perdre, oublier toutes les senteurs qui le blessaient et le frustraient partout ailleurs dans sa vie...

- Surtout quand le diable est sous sa plus belle forme, murmura-t-il en fixant à nouveau celle qu'il tenait dans ses bras.

Lentement, attendant de voir si cette fois elle allait instiguer le mouvement, il se pencha en avant, se rapprochant inexorablement de ses lèvres. Il voulait l'embrasser à nouveau, encore et encore, passer son éternité à ça...

Il scella finalement leurs lèvres, se lançant à nouveau à corps perdu dans un baiser, sentant que s'il avait eut un coeur digne de ce nom, un organe vital, le pauvre palpitant aurait crié grâce, balloté douloureusement dans un chaos de sensation et de sentiments flous et dévastateur mais ô combien agréable, libérateur.

Sauf que quelque chose clochait. Elektra ne répondait pas. Du moins, pas comme il l'aurait souhaité. Il s'était imaginé qu'elle montrerait plus de passion, de fougue, qu'elle serait plus enthousiaste, soulagée comme lui à l'idée qu'ils s'étaient manqués et qu'à présent, ils pouvaient être ensemble, il y avait peut-être un avenir pour eux, les deux damnés...

Il étouffa un hoquet de surprise quand il sentit un coup derrière sa tête. Elektra sépara leurs lèvres et il eut l'impression pendant un instant d'être un gamin que l'on reprend d'un léger coup de livre, un môme prit en faute que l'on corrige sans grande conviction, mais que l'on corrige pourtant. Il ne comprit pas immédiatement, mais un éclair de honte et de peur le traversa. L'avait-il offensé ? Voulait-elle un ami plus qu'un amant ? Il ne réalisa pas immédiatement qu'elle ne s'était pas dégagée de ses bras, il fallut qu'elle vienne murmurer à son oreille pour qu'il se rende compte qu'elle était toujours près de lui.

- Idiot, ça n'est pas dans les règles de l'art !

Il voulu s'offusquer, s'excuser même, mais elle éclata de rire, et vint l'embrasser à nouveau. Se fut lui qui mit un terme au baiser quelques instants plus tard. Se reculant doucement, il courba son échine, se baissant d'une manière repentante devant Elektra. Elle voulait de la bienséance, des règles, un code... Soit, il savait faire, et cela l'amusait même. Si elle désirait un jeu galant, elle l'aurait, il avait été élevé dans ce monde, il y évoluait sans problème, sans gêne, naturellement, comme dans son élément.

- Je vous prie de m'excuser, Miss Swarowskaïa, je ne sais pas ce qu'il m'a prit, ni où est passé mon sens des convenances...

Il se redressa, lui lançant un sourire à la fois plein d'excuse et animé d'une certaine malice, et il tira sa baguette.

- Premièrement, vous embrasser dans un telle endroit... je mériterais les fers pour un tel affront...

Pour appuyer ses dires, il fit un mouvement ample avec son poignet, agitant sa baguette et nettoyant la salle. Plus de poussière, plus de bancs brisés, plus de cire sur le sol, plus de dessins obscènes au tableau noir... L'amphithéâtre semblait presque près à accueillir un cours. Il rangea sa baguette et, feignant une hésitation gênée, il reprit :

- Deuxièmement, j'ai manqué de galanterie, je m'en excuse réellement...

Il s'approcha doucement d'elle, qui semblait surprise mais pas d'une façon désagréable. Délicatement, du bout des doigts, il saisit sa main pâle et froide, parfaite, se délectant de sa peau lisse et du doux parfum qui émanait d'elle à chaque mouvement qu'elle esquissait. Il fit un pas en avant, se penchant à nouveau, beaucoup plus considérablement, et avec une précaution qui aurait été jalouser par tous les dandys de l'époque romantique, il déposa un baiser sur ses phalanges, relevant les yeux pour croiser son regard.

Il se redressa, souriant. Il n'avait pas lâché la main de l'immortelle. Dans un murmure, prononcé très près de ses lèvres, il ajouta finalement, terminant son petit discours :

- Je suis désolé, sincèrement désolé que vous m'ayez vu comme un homme de rien pendant quelques minutes. Vous méritez bien mieux...

Il s'approcha, faisant mine d'instiguer un baiser mais n'allant pas jusqu'au bout, attendant une permission, un geste, un encouragement. Il ne doutait pas qu'elle allait répondre positivement, mais le jeu, la tradition, voulait qu'il ne fasse rien d'offensant, de déplacé. Dans un souffle à peine audible, il répéta :

- Tu vaux tellement mieux...

Elle acquiesça et immédiatement il lança un nouveau baiser, lâchant sa main et fermant ses bras autours de son corps faible et gracile, approfondissant cette étreinte alors qu'il la soulevait contre lui. Elle sembla comprendre ce qu'il avait en tête car elle passa ses bras autours de sa nuque, et dans la foulée, il se mit à tourner, la faisant danser sans musique, sans mettre fin au baiser.

Il la reposa finalement après un temps, la laissant précautionneusement glisser au sol et se courbant pour aller appuyer son front contre le sien, les yeux fermés et le visage serein, un sourire heureux aux lèvres.

Elle se faisait un peu plus fougueuse dans leur baiser. La perfection idyllique du moment était telle qu'elle ne se sentait même pas ridicule. Mais malheureusement, Nathanaël éloigna leurs lèvres de nouveau, et un peu trop vite au goût de l'éternelle. Cependant, geste quelque peu étonnant, il la lâcha et se recula de quelque centimètres. Arquant le dos, il se baissa jusqu'à arriver fort bas devant Elektra, qui ne put retenir un nouveau sursaut de rire argentin. Nathanaël, dans son élan, s'exclama ;

- Je vous prie de m'excuser, Miss Swarowskaïa, je ne sais pas ce qui m'a prit, ni où est passé mon sens des convenances...

Il se redressa alors d'un mouvement empli de grâce et accorda à la jeune femme un sourire mutin, qui la priait de l'excuser. Ce qu'elle fit, évidemment, même si intérieurement. Puis il sortit sa baguette de la poche de son jean. Elle se demandait ce qu'il allait en faire alors qu'il reprenait ;

- Premièrement, vous embrasser dans un tel endroit... je mériterais les fers pour un tel affront...

Et de ce fait, il agita sa baguette en un geste simple. Aussitôt, l'amphithéâtre fut nettoyé. Les bancs cassés et à moitié pourris se reconstituèrent d'eux-même, le petit tas de cire sous le lustre disparut, la poussière présente sur chaque centimètre carré de la salle s'évapora... Bref, on eût dit un amphithéâtre normal. Pas laid, pas spécialement beau, mais sans doute apte à accueuillir de nouveau les élèves. Elektra, mi-émerveillée mi-amusée, se reconcentra sur Nathanaël qui tentait de lui montrer sa plus belle moue gênée ;

- Deuxièmement, j'ai manqué de galanterie, je m'en excuse réellement...

Il saisit alors la main gauche de l'adolescente du bout de ses doigts pâles et parfaits et fit de nouveau un pas en avant. Elle crut un instant qu'il allait l'embrasser de nouveau - car à vrai dire, ça ne l'aurait pas vraiment dérangé... Les lèvres du jeune homme lui manquaient déjà - mais ; non. Il se courba une nouvelle fois et, délicatement, déposa un baiser sur ses premières phalanges. Rares étaient ceux qui avaient déjà osé faire ceci... A part quelques bourgeois français qui s'y étaient risqués et lui avaient servi par la suite de steak-frites, Nathanaël devait d'ailleurs être le seul, avec quelques autres vampires puissants qu'elle avait croisé en Russie il y a fort longtemps.

Et quand il se redressa, il était souriant. Un sourire tout simplement beau, qui étirait ses lèvres livides mais merveilleusement magnifiques. Elle aurait voulu les embrasser, ces lèvres. Tout de suite, dans l'instant ! Mais elle ne faisait rien, attendant qu'il agisse de lui même. Car déjà, quand elle était vivante, elle n'était pas de ce genre de filles qui laissaient paraître trop facilement leurs sentiments. Et douze siècles d'immortalité avaient renforcé encore plus cela, évidemment.

- Je suis désolé, sincèrement désolé que vous m'ayez vu comme un homme de rien pendant quelques minutes. Vous méritez bien mieux...

Elle allait sourire à nouveau, presque gênée, quand il se rapprocha d'elle une nouvelle fois. Touchant ses lèvres mais n'approfondissant pas le baiser, il sembla attendre une autorisation, ou quelque chose du genre. Et dans un murmure profondément agréable, car elle parvenait à humer son haleine fraîche et mentholée, il répéta ces mots ;

- Tu vaux tellement mieux...

Instinctivement, car elle en avait l'envie, elle aquiesça, lui donnant la permission qu'il attendait. Derechef, il s'empara de ses lèvres plus intensément encore et lança un nouveau baiser, plus impétueux cette fois-ci. Elle se laissa à nouveau faire et ne broncha pas quand il entoura son petit corps de l'étau puissant de ses bras. Et ce fut la première fois depuis longtemps qu'elle se sentit protégée par quelqu'un. Qu'elle se sentit aimée, et heureuse. Comprenant ce qu'il voulait faire, elle entoura son cou de ses bras frêles et se laissa porter dans les airs, tournant comme une princesse qu'elle n'était pas. La rousse ne put retenir un éclat de rire maladroit dans leur baiser.

Et finalement, mais elle sentait que c'était à contre-coeur, il la laissa retomber sur le sol, mais ne la lâcha pas pour autant. Il mit à nouveau un terme à leur baiser, et elle sentit son visage contre le sien, leurs deux corps se jouxtant parfaitement. Elle lui murmura alors, tandis qu'elle détachait ses bras de son cou et plaçait ses mains glacées de part et d'autre de sa mâchoire :

- Tss, ne dis pas de bêtises...

Car non, elle ne vallait pas mieux que lui... Il était sans doute, d'ailleurs, la chose la meilleure qui lui arrivait depuis pas mal d'années, et même de siècles.