"Et je taille au couteau des sourires Sur les joues des princesses" [Effy & Lenah]

La lumière des flammes semblait s'être imprimée sur sa rétine, tâche parfois jaune, verte, rouge ou bleue qui suivait le trajet de son regard. Lenah ferma les paupières et les rouvrit à plusieurs reprises. La tâche disparut plus ou moins, sans défaire l'impression désagréable qu'un voile opaque obstruait sa vue.
Debout devant l'âtre de la cheminée, les bras croisées sous la poitrine, les coudes dans ses mains serrées à en avoir les jointures blanchies, Lenah souffrait en silence, à l'intérieur. Elle se refusait à laisser couler la moindre larmes. Elle avait trop pleuré, depuis son arrivée à Poudlard. Il l'avait trop affaiblie.
Nils Strom. Elle l'avait aimé, du moins, il lui avait semblé. Elle ignorait désormais que penser de ses sentiments. Avait-elle été amoureuse ou l'avait-elle voulu ? Elle ne pouvait dans ce cas que s'en prendre à elle-même. À l'heure actuelle, elle ignorait ce qu'il était devenu. Était-il mort ? Avait-il quitté l'école ? Il n'y avait qu'une personne pour lui répondre : Elana Wild. Mais la jeune femme et elle étaient loin d'être en bons termes. Une animosité tacite s'était établie entre elles et depuis, le moindre échange verbal tournait au vinaigre.
La Serpentard déglutit avec difficulté, ravalant tant bien que mal la boule amère de larmes qui s'était formée dans sa gorge. Elle desserra doucement ses mains crispées sur ses avant bras et détacha ses longs cheveux sombres qui dévalèrent son dos avec un léger bruissement.
Sur l'accoudoir d'un fauteuil à proximité, elle avait déposé une enveloppe décelée. À sa vue, un nouveau noeud se forma dans sa poitrine, d'une origine différente mais tout aussi douloureuse. Cette simple enveloppe, c'était tout ce qu'il lui restait d'Ethan, son premier amour, son premier amant. Cette nuit, elle allait tout brûler. Elle qui se comlaisait dans le passé, qui était sans cesse tournée vers les souvenirs, elle allait enfin aller de l'avant, pour la première fois depuis bien longtemps.
Elle saisit l'enveloppe et approcha le siège du feu d'un sortilège informulé. Relevant le cache, elle saisit une première relique. Elle manqua de tomber du siège. Il s'agissait d'une photographie magique où Ethan, Owen et elle se tenaient au sommet de la plus haute tour de Durmstrang. Ce qui s'en était suivi avait été un des moments les plus forts de toute son existence : ils avaient sauté, cueilli par l'eau glaciale de l'étendue d'eau, plus bas. Ils avaient frôlé l'hypothermie. Mais ils avaient survécut, ensemble. C'était une époque heureuse. La personne qui avait prise la photographie ? Lenah ne la connaissait pas personnellement, elle ignorait jusqu'à son nom. C'était une amie d'Owen, et elle était partie peu avant qu'ils ne sautent. Elle déchira l'image en deux, puis en quatre et la jeta dans les braises ardentes de l'âtre brûlant.
Une voix s'éleva dans son dos, proche, lui arrachant un frisson de surprise. Elle se retourna vivement, faisant tomber à terre le contenu de l'enveloppe. Derrière elle, à sa droite, se tenait une jeune femme de Serpentard, dont le visage ne lui était pas inconnu.

- Je te connais, affirma Lenah d'une voix douteusement calme, ignorant les paroles premières de la brune aux yeux rougis par la lumière de l'âtre.

23:23. Un petit sourire étira les lèvres d'Effy, infime. Elle quitta son lit, le plus silencieusement possible et se glissa dans la salle de bain adjacente au dortoir. Elle défit ses vêtements, un à un, et se glissa dans le carré de douche. L'eau coula de la pomme de douche, froide d'abord, puis se réchauffa doucement, jusqu'à lui brûler la peau. Une mélancolie latente lui collait à la peau, ces derniers temps. Saisissant un gant de toilette, Effy entreprit de se frotter la peau avec frénésie, pour se défaire de ce sentiment qui lui était jusque là inconnu. Spleen. Effy frotta encore, ignorant les plaques rouges qui se formaient sur sa peau pâle. En soupirant, elle laissa tomber le gant au sol et leva la tête à l'arrivée d'eau, savourant la caresse du fluide sur son visage. Elle glissa ses mains dans ses cheveux, les ramenant d'abord sur son dos puis sur son épaule. D'un sortilège informulé, elle appela les produits de beauté et entreprit de se laver, à la main, "à la moldue". Son père n'aurait pas apprécié, mais Effy, pour le dire franchement, s'en foutait bien. Le peu de possibilités qu'elle avait pour désobéir, pour gagner un peu plus de liberté, elle en profitait. Elle se rinça de la mousse puis quitta le carré de douche puis ceindre sa poitrine d'une serviette de bain. Elle saisit sa baguette et sécha ses cheveux trempés, qu'elle noua du même coup en un chignon désordonné, calant les mèches rebelles derrière ses oreilles. La Serpentard quitta la pièce un court instant puis revint, armée d'une chemise d'homme et de sous-vêtements propre. Elle s'en vêtit et rangea la pièce d'un coup de baguette avant de sortir pour de bon, de la salle de bain, mais aussi du dortoir des filles.

Elle referma la porte de la chambre derrière elle et descendit les premières marches en pierre, avant de se rendre compte de la présence d'une autre Serpentard dans la salle Commune. Elle s'arrêta dans les escaliers, une main sur la rambarde. La silhouette ne lui était pas inconnue, mais Effy ne parvenait pas à se souvenir où elle l'avait rencontrée. Elle décida de s'approcher discrètement de la jeune femme, épiant le moindre de ses mouvement.
Quand elle arriva en bas des escaliers, l'inconnue avait dénoué ses cheveux. Elle tourna la tête et Effy repéra ce qu'elle regardait : une enveloppe jaunie par le temps avait été posée sur une fauteuil, que la Serpentard rapprocha d'elle et de la cheminée pour s'y asseoir.
Elle saisit l'enveloppe et l'ouvrit. Effy se tenait à sa droite, un peu en retrait, et aperçu, quoique brièvement, le premier document qu'elle sortit : il s'agissait d'une photographie de groupe. La nouvelle venue la connaissait bien ; à vrai dire, c'était elle qui l'avait prise.
Elle devina la mélancolie sur les traits de la jeune femme quand celle-ci déchira le document et le jeta dans l'âtre.

- 21 octobre 1995, énonça simplement Effy.

Elle s'en souvenait, non pas pour cet évènement, qui n'avait eu aucune réelle incidence sur sa vie, mais en raison de sa présence à Durmstrang ce jour là. Elle était en mission, suite à la disparition de Karkaroff. Elle avait reçu la Marque pratiquement en même temps.
La jeune femme se retourna promptement, faisant voler autour d'elle le contenu de l'enveloppe.

- Je te connais.

Oui, Effy la connaissait bel et bien, Owen lui avait parlé d'elle. Lenah Mist. D'ailleurs, il n'était pas le seul à lui avoir parlé de la Serpentard. Nils aussi, l'avait fait. Ainsi, Effy pourrait mettre à exécution une partie de sa promesse.

- En effet. Nous nous sommes rencontrées à Durmstrang, le jour où j'ai prise cette photographie. Effy Young, se présenta-t-elle. Contente de te revoir, Lenah.

- En effet. Nous nous sommes rencontrées à Durmstrang, le jour où j'ai prise cette photographie. Effy Young. Contente de te revoir, Lenah.

Ainsi, c'était elle, l'amie d'Owen. Instinctivement, elle voulait lui faire confiance. Mais son actuelle méfiance vis-à-vis du garçon la poussait à la prudence. Elle se détendit néanmoins, fatiguée de toujours se protéger des autres. Pour une fois, elle voulait arrêter d'avoir peur.

- De même, répondit la Serpentard.

Elle quitta son siège et ramassa l'amas de feuilles tombé de l'enveloppe. Elle les rangea prestement, puis se redressa, faisant face à Effy.

- Je dois avouer que tu m'as fait peur, dit-elle avec une sourire contrit.

" Pas de mensonges, pas de faux semblants. Rien que les faits. " s'imposa-t-elle. Elle posa l'enveloppe sur le siège et le remis à sa place d'un mouvement de baguette, défaisant ainsi le dernier obstacle à une conversation en bonne et due forme. Aussi, elle appréciait beaucoup la Serpentard : avant la disparition de Nils, avant que Lenah ne vienne à la Salle sur Demande, elles avaient échangé des idées communes. Par la suite, elle ignorait si Effy avait été présente dans la pièce spéciale ou si elle avait ignoré l'invitation d'Elana pour errer dans le château.

- Comment vas-tu ? Cela fait un moment que je ne t'ai pas vu... Depuis l'autre nuit, en fait.

En vérité, Lenah en était la seule responsable. Elle supportait de moins en moins le sommeil et se plaisait bien plus dans la forêt, la nuit comme le jour, et hésitait de moins en moins à sécher les cours.

- De même. Je dois avouer que tu m'as fait peur.

Les deux Serpentard se faisaient maintenant face. Un petit sourire étira les lèvres d'Effy, plus assuré que celui de son interlocutrice. Cette dernière rangea le fauteuil à sa place d'un coup de baguette magique et reporta son regard sur la jeune femme.

- Comment vas-tu ? Cela fait un moment que je ne t'ai pas vu... Depuis l'autre nuit, en fait.

Il était vrai qu'elles ne s'étaient pas croisées depuis la soirée dans le dortoir. Quelques regards bienveillants dans les couloirs, mais elles ne s'étaient plus adressée la parole, comme un accord tacite entre deux soit disant inconnues.
Intérieurement, Effy remercia Lenah de parler de la fameuse nuit, celle du départ de Nils... ailleurs. Elle s'en voulait un peu de devoir mentir à Lenah, qu'elle appréciait envers et contre tout, entre autres l'opinion familiale mais aussi personnelle. Elle aurait voulu lui éviter de souffrir, d'espérer le retour impossible de Nils.

- Bien, mentit-elle. Mais toi ? Je... J'ai cru comprendre que tu tenais beaucoup à Nils. Je suppose qu'il est venu te parler avant de partir, non ?

"Bravo, Effy ! Tu mens toujours aussi bien, ma petite ! Mais quelle est cette cause que tu défends ? Es-tu sûre qu'elle ne t'affaiblit pas ?" La Serpentard devinait aisément ce que son père lui aurait dit s'il avait été présent... Et elle se dégoûtait. Elle se dégoûtait de mentir de la sorte, aussi facilement, aussi... parfaitement. Elle s'obligea à penser que c'était nécessaire, que c'était pour le bien de Lenah, mais rien n'y fit, elle se sentait toujours aussi mal. Peut-être à cause des sentiments qu'elle avait peur d'avoir éprouvé vis-à-vis de Nils.

- Bien. Mais toi ? Je... J'ai cru comprendre que tu tenais beaucoup à Nils. Je suppose qu'il est venu te parler avant de partir, non ?

"Avant de partir". Ces trois mots défirent un poids énorme des pensées de la jeune femme. A contrario, elle se senti trahie par Nils, qu'il soit parti sans la prévenir. Peut Elana avait-elle dit vrai, quand elle parlait de ménage à trois. Cependant elle pouvait se tromper. Dans ce cas, soit Lenah ne comptait plus pour lui, soit quelque chose l'avait empêcher de venir la voir.

- En vérité, non. Tu étais dans la salle sur Demande, je suppose.

Lenah ne l'avait pas vue. Etait-elle venue plus tard où se tenait-elle hors de sa vue quand Lenah était arrivée, cela elle l'ignorait.
Elle mordilla sa lèvres inférieure, imperceptiblement, retenant à grand peine la question qui lui brûlait les lèvres. Doucement, depuis qu'elle avait appris qu'il était en vie, l'attention qu'elle portait au demi-elfe sembla s'amoindrir, sans pour autant que tout affection disparaisse. Elle tenait au garçon, mais il lui semblait que ses sentiments vis-à-vis de son ex-petit-ami étaient moins passionnés qu'auparavant.

- Sais-tu pourquoi il a quitté le château ? demanda-t-elle, intriguée.

Elle avait son idée sur la question, mais elle tenait à avoir une confirmation, à s'assurer de sa non-responsabilité quant à la décision du Gryffondor.

- En vérité, non. Tu étais dans la salle sur Demande, je suppose.

Les deux Serpentard ne s'étaient pas vues, quand Lenah était venue devant la porte. Effy, en retrait, avait su que Lenah était présente grâce à Elana, qui avait d'ailleurs manqué d'un certain tact. Elle acquiesça simplement, voyant la gêne de la jeune femme, qui semblait avoir quelque chose à dire mais hésitait fortement. Puis les mots semblèrent lui échapper et la question fusa.

- Sais-tu pourquoi il a quitté le château ?

Effy ne tiqua pas. Elle avait glané différentes informations dans le cerveau de Nils quand elle avait eu le malheur de toucher à son esprit. Elle avait été frappée par la pureté que le demi-elfe dégageait. Il était le fruit parfait des deux espèces, une perle rare, unique. Détruit par les deux mots maudits qu'elle avait eu le malheur de prononcer.

- Je ne sais pas si il t'en a déjà parlé... mentit-elle. Il comptait retrouver les elfes. Il disait leur devoir quelque chose, il a parlé d'honneur et de fierté, de courage aussi.

Elle savait que ces paroles blesserait Lenah. Mais d'une certaine manière, la jeune femme prendrait en considération la possibilité de sa mort. Elle se sentirait coupable, indéniablement, mais cela ne durerait qu'un temps, le temps qu'elle fasse son deuil.

- Il m'a demandé de te dire qu'il ne voulait pas que tu le retrouves, qu'il faisait ça pour toi, qu'il ne t'en voudrait pas et qu'un jour, dans quelques années, il te retrouverait.

Elle lui offrait maintenant l'espoir, celui de le revoir un jour, sans pour autant que cela ne l'empêche de vivre sa vie comme elle le devait...

- Je ne sais pas si il t'en a déjà parlé... Il comptait retrouver les elfes. Il disait leur devoir quelque chose, il a parlé d'honneur et de fierté, de courage aussi.

Lenah acquiesça. Et en même temps qu'elle acceptait le départ du garçon, elle sentit la culpabilité lui ronger les entrailles. C'était elle qui avait poussé le garçon à assumer sa nature, à se conduire en Gryffondor et non en lâche. Elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle avait ainsi engendré sa mort.

- Il m'a demandé de te dire qu'il ne voulait pas que tu le retrouves, qu'il faisait ça pour toi, qu'il ne t'en voudrait pas et qu'un jour, dans quelques années, il te retrouverait.

Une nouvelle fois, la jeune femme acquiesça. Ça coulait de source, en un sens, mais si Nils avait jugé nécessaire de lui rappeler, elle n'allait pas le lui reprocher. Elle serait bien capable d'un coup de folie du genre. Une pointe de nostalgie, de mélancolie, suffirait à la faire changer d'avis en un clin d'oeil. Et d'un autre côté, elle se sentit soulagée. Il y avait de l'espoir, dans les paroles d'Effy. "Il te retrouverait". Elle ne pouvait pas en être sûre, mais si le Gryffondor comptait la retrouver, c'est qu'il avait du considérer les choses différemment, envisager la possibilité de survivre.

- Merci, déclara-t-elle simplement, un fin sourire étirant ses lèvres.