♣ Cause it's a bittersweet symphony [ Lucius & Valerya ]

Le sort se brisa soudain et elle eut l'impression que la musique résonnait avec une force incroyable, s'écrasant contre les murs de la salle de classe et se propageant partout, comprimant ses poumons et lui faisant tourner la tête bien plus que la Vodka. Elle sursauta, ne comprenant pas ce qu'il se passait, et se demanda vaguement si son taux d'alcoolémie n'avait pas quelque chose à voir avec ça. Était-il possible que le sortilège se soit rompu parce qu'elle avait trop bu ? Elle ouvrit les yeux et manqua de jurer en réalisant qu'elle n'était plus seule.

Et non contente de s'être faite pincée, il fallait que ce soit Lucius qui se tienne là, devant elle. Il coupa la musique et déclara :

- Pas mal, le sort. Dommage qu'il t'empêche d'entendre le vacarme que tu fais quand tu renverses les meubles.

Elle suivit du regard le mouvement qu'il fit et remarqua le bureau et les deux chaises renversés. Elle roula les yeux à sa propre bêtise, notant mentalement d'étendre le sort à la pièce entière, la prochaine fois. Qu'importe, si Lucius avait voulu hurler, il l'aurait déjà fait, elle allait juste devoir retourner dans son dortoir, et ça l'arrangeait. La présence du grand blond la mettait soudain mal à l'aise. Très mal à l'aise, même l'alcool ne suffisait pas à chasser son trouble, elle se sentait rougir, et elle serait bien allée se cacher dans un trou de souris. Elle n'osait même pas le regarder, croiser son regard, poser ses yeux sur son visage angélique, elle voulait simplement être tranquille. Elle avait beau jouer les grandes et clamer que le fait d'avoir perdu sa virginité avec lui ne signifiait rien, qu'elle s'en foutait totalement, une partie d'elle le voulait encore, et surtout, faire en sorte que ce ne soit pas une aventure, cette fois.

Elle stoppa cette pensée. Lucius n'était pas un petit-ami potentiel. C'était un amant, la caricature du libertin s'en foutiste qui enchainait les filles sans ce soucier ne serait-ce que de leurs prénoms. C'était tellement ridicule d'espérer plus, elle en aurait rit, si ce n'avait pas été également pitoyable et si cela ne la rendait pas misérable au possible. Elle le haïssait de prendre autant de place dans sa tête, mais il n'y était sans doute pour rien.

Cela faisait deux semaines qu'elle ne l'avait pas croisé, et mine de rien, cela lui allait très bien. Elle l'avait envoyé promener en se faisant volontairement mal, pour ne pas s'attacher à un garçon comme lui. Sur le coup, la douleur de le faire partir ainsi lui avait semblé relativement insurmontable, mais plus elle y pensait, plus elle réalisait que ce n'était rien en comparaison à ce qu'il pourrait lui faire si elle s'autorisait à s'attacher à lui.

Alors c'était hors de question. Elle leva sa flasque et haussa les épaules, un peu trop ivre pour ne pas sembler dédaigneuse, et après avoir pris une longue gorgée de Vodka, elle esquissa une grimace et se leva. Elle avait laissé la boisson posée sur la table et rapidement, quoi qu'un peu chancelante, elle avança jusqu'au mobilier qu'elle avait renversé et entreprit de redresser la table.

Étonnement, elle y parvint sans se retourner un doigt. Elle devait réellement lui en vouloir pour ne pas perdre ses moyens et faire du zèle devant lui. sauf qu'elle n'avait aucune raison d'être amère envers lui, il avait agit comme elle l'avait voulu, elle était aller le cherchait, elle était la seule à blâmer dans toute cette histoire. Bien sûr, il aurait très bien pu la repousser et tout le monde aurait été content. Valerya aurait passé deux semaines un peu vexé mais elle aurait tourné la page et aurait continué à l'agacer, fin de l'histoire.

Mais non, il avait fallut qu'il rentre dans son petit manège et maintenant elle s'en mordait les doigts et devait se faire violence pour ne pas le supplier pour qu'il l'enlace et agisse à nouveau comme s'il en avait quelque chose à faire.

Elle retourna vers la place qu'elle avait occupé et dans une série de mouvement gauche, elle retira le vinyle qui trônait sur le gramophone et le rangea dans la pochette, qu'elle glissa ensuite dans son sac. Elle attrapa ensuite la flasque d'alcool et la termina d'un trait, refermant le bouchon alors qu'elle se dirigeait d'un pas peu sûr vers la porte, filant un coup d'épaule à Lucius au passage et manquant de perdre l'équilibre.

Le sol se rapprocha. Vite, très vite. Trop vite. Ca allait faire mal, elle était suffisamment lucide pour voir que cette chute là allait au moins lui casser quelque chose, et elle aurait parié pour un poignet, ou carrément une clavicule. Elle ferma les yeux, serrant les dents pour ne pas hurler, sachant que de toute façon, il était inutile de lutter et de tenter de rester debout : elle ne ferait qu'aggraver sa chute. Elle ne pensait même pas au fait que Lucius allait encore y voir un moyen de se foutre d'elle, non. Elle anticipait juste la douleur, et également la beuglante qu'elle se prendrait de la part de Pomfresh...

Seulement, cela faisait un moment qu'elle aurait du heurter le sol froid et sale de la pièce. Elle avait l'impression d'être suspendue dans les airs, elle n'avait pas mal, et elle ne tombait plus. Elle ouvrit les yeux et tourna la tête, une colère froide flashant à travers son corps frêle et alcoolisé alors qu'elle réalisait qu'une fois de plus, il était venu à son secours. Il la tenait, la prise était assurée et ferme, presque douloureuse. Elle était sur ses jambes parce que Lucius Malefoy avait encore joué au héros. Elle aurait hurlé, pour un peu. Pourquoi diable fallait-il qu'elle doive chaque fois se montrer reconnaissante ? Ne pouvait-il pas la laisser seule ? l'ignorer comme il ignorait toutes les autres gamines de quinze ans ? Était-ce trop demander que d'avoir la paix ? La dernière question raisonna d'une manière presque suppliante dans la tête de la jeune femme.

- Étant donné que tu manques de t'étaler sur le sol à chaque pas, je vais te reconduire jusqu'à ton dortoir, l'alcoolique.

Elle ouvrit la bouche pour rétorquer, pour lui envoyer dans les dents ce surnom abominable. Elle n'était pas alcoolique. Son père l'avait été, le deuil l'avait rendu ainsi, en plus d'en faire un homme aigri et violent, qui cognait sur ses enfants. Mais elle... Non, elle n'était pas alcoolique, elle n'était pas totalement ivre, juste un peu éméchée... Certes, elle était à jeun depuis un moment, l'alcool montait plus vite, mais elle se trouvait lucide et raisonnable, même si son corps ne suivait pas exactement.

D'ailleurs, elle ne fut pas responsable de la suite de mouvement. D'un geste brusque, il saisit le sac qu'elle portait, le posant sur son épaule, et avant qu'elle n'ai pu dire "Quidditch" elle se retrouva une fois de plus dans ses bras, contre son torse. Perdue dans les airs, elle se retrouvait à lutter contre l'odeur captivante du jeune homme, à tenter de ne pas se blottir dans sa chaleur. Elle ne pouvait pas, elle n'avait pas le droit de faire ça, même si cela la démangeait. Et puis, c'était purement physique. Du moins, elle essayait de s'en convaincre, elle se répétait avec une ferveur presque religieuse que n'importe quel garçon lui aurait fait cet effet à cet instant précis, elle était faible, c'était tout, il fallait qu'elle garde la tête haute, qu'elle résiste et ne bouge pas.

Ou alors si... Il fallait qu'elle l'envoie paître, et rapidement. Déjà, il traversait la pièce, se dirigeant vers le couloir. Elle se composa un visage impassible et déclara :

- Etant donné que tu ne peux pas t'empêcher de voler à mon secours à chaque fois que tu me croises, je me vois dans l'obligation de te faire une confidence...

Elle marqua une longue pause, se concentrant pour que son ton soit froid et sec.

- Je n'ai pas besoin de toi. Pose moi. Je ne suis même pas ivre..

La concentration qu'elle avait déployé pour résister à la tentation qu'il représentait l'avait fait dessaouler à une vitesse hallucinante. Elle se sentait alerte, prête à réagir. Et surtout, en pleine possession de ses capacités de réflexion : l'envoyer promener de la sorte signifiait se priver de lui, et étrangement l'idée était douloureuse. Atrocement. Elle se gifla mentalement, attendant encore quelques instants avant de lui ordonner plus méchamment de la poser.

Elle sut presque instantanément qu'il n'avait pas apprécié son ton, mais elle s'en foutait. Elle n'aimait pas ses manières expéditives et libertaires, elle le lui faisait savoir, il devait, en tout logique, pouvoir faire pareil. Sauf qu'elle l'aurait giflé, elle aurait tellement voulu éclater sa paume contre sa joue pâle pour faire disparaitre ce sourire narquois et moqueur. Ça la démangeait tellement, qu'elle sentait des picotements au bout de ses doigts... ou bien c'était l'alcool.

Mais alors qu'elle s'apprêtait à se débattre physiquement pour qu'il la lâche, réfléchissant même à employer une menace sale et basse telle que "je vais vomir" qui, compte tenu de ce qu'il l'avait vu boire était fortement crédible, il s'arrêta, et elle fut persuadée qu'il allait la lâcher sans autre forme de procès. Boum, terminus, tout le monde descend, et le bassin fracturé. Sauf que non, il se contenta de la dévisager, incrédule, presque choqué, comme s'il venait de se libérer d'un Impero, ou que quelqu'un lui avait lancé un sortilège de confusion entre les omoplates.

- Putain, mais qu'est-ce que je fou avec une gamine pareille, au juste ?

La colère de la jeune femme fut jugulé par sa surprise, tant qu'elle manqua de lui demander de répéter, pour voir. Lucius n'était pas vulgaire, elle l'était, c'était un de ses tics. Et Lucius n'était pas honnête, pas dans ce genre là, en tout cas. Cela sonnait comme un commentaire irrépressible, comme... quelque chose venant directement de sa conscience, de cette petite voix qui commente toutes les actions stupides.

Elle se retrouva à terre, assise sur le sol froid et sale de la pièce, et alors qu'il se redressait, il lui jeta à moitié son sac, se souciant peu de la potentielle fragilité de ce qu'il pouvait contenir. Elle passa outre, cependant, le dardant d'un regard furieux alors qu'elle cherchait quelque chose à dire. Il fit volte face et marcha jusqu'à la porte, déclarant :

- Débrouille toi toute seule alors. Bonne nuit, Valerya.

Elle fut debout avant même qu'il ne puisse tourner la poignée. Elle n'avait pas voulu hurler, mais sa voix partait résolument dans les aiguës, elle détestait ça, c'était la pire trahison possible, mais elle ne chercha même pas à moduler son ton :

- Arrête, bordel !

Elle ferma les yeux pendant une seconde, chassant un vertige et une vague nausée. Elle s'était levée trop vite, elle avait trop bu, et même si elle était lucide, son corps criait qu'elle était ivre. Elle avait envie de le frapper, une rage sans nom bouillonnait en elle, et pour la première fois depuis deux semaines, elle craquait réellement, il l'avait poussé à bout sans s'en rendre compte, il se prendrait les relents hystériques de cette rage et de ce malaise qu'elle ne voulait plus devoir caché. Dommage, elle aurait aimé rester un minimum digne. Trop tard.

Plantée au milieu de la salle, le regard résolument mauvais et les pensées tellement confuses qu'elle ne s'y retrouvait plus, perdue entre attachement et haine, elle reprit, moins fort mais plus agressivement :

- Arrête de dire que c'est à cause de mon âge, je ne suis pas une gamine, ça ne veut rien dire. Regarde, tu as dix-huit ans, et ça ne t'empèche pas d'être un parfait petit con. Tu crois sincèrement que trois années de plus font de toi un adulte, quelqu'un qui peut rabaisser les autres, qui peut faire comme bon lui semble ? Ou c'est parce que tu es un Malefoy, si puissant, si riche, tu peux régenter tout Poudlard... Ou alors tu penses que c'est parce que tu es préfet en chef... non, Lily n'agit pas comme ça, c'est autre chose... Mais on s'en fou un peu, arrête juste de penser que tu es si mature et si important, que tu vaux mieux que tout le monde, que...

Elle cessa sa diatribe, chancelante tant elle était en colère. Elle ne supportait pas les changements d'attitude de Lucius, il lui faisait perdre l'équilibre, elle se sentait totalement perdue... Tantôt tendre et protecteur, tantôt froid et agressif, elle ne savait jamais à quoi s'en tenir, et elle ne pouvait cependant pas s'empêcher de penser à lui. Constamment. Tant qu'elle se coupait du monde, trop occupée à tourner dans tous les sens ce qu'il s'était passé entre eux.

Croisant les bras, elle fit volte-face, attrapant son sac et en sortant le vinyle, se dirigeant vers la table où se trouvait le gramophone. Très bien, il l'abandonnait, elle pouvait donc faire ce qu'elle voulait, ça l'arrangeait. Elle s'installa et posa le disque sur la platine, regardant la pochette pour choisir une chanson. Elle souleva le diamant et le posa sur la piste qu'elle voulait, tirant ensuite sa baguette et jetant un dernier regard noir à l'adolescent.

Cette fois-ci, elle garda le volume bas. Très bas. A peine si elle entendait la musique, c'était juste une présence rassurante, rien de plus. Elle se mit cependant rapidement à regretter la chanson qu'elle avait choisie : trop triste. Vraiment trop triste

Elle avait inconsciemment murmuré les derniers mots, oubliant "music" . Mais tu t'en fous, pas vrai ? Elle ne regardait pas dans sa direction, mais elle savait que Lucius était encore là.

Les paroles prirent un sens nouveau. Totalement différent. Elle ferma violemment les yeux, décochant un coup de pied dans le gramophone et faisant cesser la musique, créant un vacarme à la place, alors que l'objet s'écrasait au sol, s'éclatant sans vergogne. Elle étouffa un gémissement qui se perdit dans le bruit, fort heureusement pour elle.