Quand les mots s'entrechoquent. [ Light & Opale ] 

La bibliothèque était un lieu où Opale prenait plaisir à se rendre. C'était au milieu de tous ces livres qu'elle se sentait le mieux. Parcourant du regard les immenses étagères aux multiples étages, elle recherchait avec minutie un ouvrage qui pourrait susciter son attention. Malheureusement pour la jeune femme, aucun de ceux qui reposaient devant elle ne l'attirait suffisamment. De plus en plus exaspérée par le manque de recueil passionnants, sa mauvaise humeur grimpa. Elle partit d'un pas vif en direction d'une autre rangée. Dans sa démarchée précipitée, elle faillit percuter une Gryffondor, à en juger par la couleur de son uniforme. Ne prenant pas la peine de s'excuser, elle poursuivit son chemin mais fut bientôt interrompue par une raillerie qui provenait sans doute de l'élève qu'elle avait presque-bousculée.

- Offres-toi l'option de direction automatique, ca pourrait te servir.

Outrée par les paroles suintantes de la Gryffondor, Opale s'était retournée et lui faisait face. Offensée au possible, elle la fixa d'abord longuement droit dans les yeux avant de scruter le vide. Elle était faussement captivée par son examen minutieux du mur, ignorant royalement son interlocutrice. Devant l'air quelque peu déconcerté de cette dernière, un sourire ironique vint se poser sur ses lèvres. Elle prenait un malin plaisir à rendre les gens fous. La bonne humeur et la gaieté n'étant pas au rendez-vous, son antipathie ne s'en voyait que plus accentuée. Prenant un air volontairement naturel, elle fit un pas en avant.

- Désactive ton mode invisibilité et après on en reparlera. rétorqua-t-elle tout aussi glaciale.

Opale s'amusait comme une folle. Cette étrangère lui offrait une occasion rêvée de se défouler. Histoire de ne pas arranger les choses, elle resta plantée face à la Gryffondor et attendait impatiemment qu'elle réplique. Son souhait ne tarda pas à être exaucé.

La réponse de la rouge et or ne se fit pas attendre. Elle prit une pose déterminée et dit :

- Je ferais ça, promis, si tu désactive ton insolence.

Face à cette remarque, l'expression de la Serpentard se décomposa. Quelques secondes, elle afficha un air neutre. Mais Opale ne put s'empêcher d'éclater de rire. Cela faisait si longtemps qu'elle ne s'était pas autant amusée qu'elle avait un instant oublié qu'il s'agissait d'un différent.

L'insolence était ce qui caractérisait le mieux l'être pitoyable qu'elle était. Elle avait déjà essayé de changer, de s'attendrir. Mais ses tentatives furent vaines, elle avait toujours fini par redevenir la fille froide aux paroles suintantes qu'elle était à l'origine. Alors Opale avait abandonné tout espoir de métamorphose et avait finit par s'habituer à ne pas être appréciée. Avec le temps, elle avait même cessé d'être choquée lorsque les gens la fuyaient.

Retrouvant son sérieux, elle se concentra à nouveau sur son adversaire. Celle-ci sembla légèrement troublée avant de redevenir neutre. Soudain, un élan de compréhension traversa l'esprit la jeune élève. Repensant à la facilité avec laquelle venaient leurs coups bas, elle se demanda si cette autre personne pouvait ressentir la même chose qu'elle. Au fond, Opale n'en était pas convaincue. Les Gryffondors ne sont pas Gryffondors pour rien. Sa frontale devait certainement agir sous la colère. Néanmoins, les nerfs d'Opale s'apaisèrent et ce fut d'un ton détaché qu'elle prit la parole.

- Excuse-moi.

L'expression de son interlocutrice ne changea pas, elle resta parfaitement indifférente. Devant ce manque de réaction, elle préféra bafouiller une courte phrase d'explication avant de repartir pour chercher de son livre.

- Je n'ai pas l'habitude qu'on m'adresse la parole. Je suis légèrement associable vois-tu.

Et elle se retourna sans attendre que l'autre réponde. Pourtant, elle entendit des pas derrière elle. Elle la suivait. Pourvu qu'elle ne recommença pas à lui balancer des vacheries à la figure, Opale ne se sentait pas obligée de lui faire à nouveau face.

- Qui es-tu?

Ces mots résonnèrent, lourds de sens aux oreilles d'Opale. Elle appréhendait cette question, détestant avoir à y répondre. Cette requête était si vague, elle laissait entrevoir des tas de réponses possibles. Pourtant, la blonde n'en trouvait pas une seule qui soit suffisamment valable pour lui répondre. En y songeant, elle ne le savait même pas elle-même. Qui était-elle mis à part un pantin assoiffé de connaissances magiques?

Sa raison lui susurrait d'une voix sarcastique qu'elle n'était rien, et elle la croyait volontiers. Les uniques mots qui lui venaient à l'esprit pour se qualifier étaient repoussante, inamicale et agaçante. A la place, elle décida que savoir son nom et prénom lui serait largement suffisant.

Alors elle s'arrêta. Mais ne cherchant nullement à croiser le regard de la Gryffondor, elle ne se retourna pas pour lui faire face. Elle commençait à être lasse de se comporter comme une impertinente avec cette fille. Toujours sur un ton monotone, elle répondit enfin :

- Opale Gordon.

Cette déclaration la mit très mal à l'aise. Quand une personne se présentait à une autre, son appellation était le premier élément qui était donné. C'était une chose basique, presque banale. On ne pouvait rien déduire sur la personnalité d'un Homme en sachant comment il s'appelait. Pourtant, Opale n'aimait pas se présenter. Ayant pour coutume de se renfermer sur elle-même, les informations qu'elle livrait aux autres se faisaient rares. Elle avait horreur de parler d'elle.

Se souvenant de la politesse, elle se tourna vers elle et entreprit de lui retourner la question :

- Et toi, quel est ton nom?

Sa voix s'était faite moins tranchante, adoucie involontairement. La concernée semblait vouloir fuir son regard. De toute évidence, elle devait se sentir aussi troublée que la Serpentard.

- Et toi, quel est ton nom?

Étonnée par la simplicité avec laquelle ces mots avaient franchis ses lèvres, Opale resta un instant stupéfaite. Se souvenant de sa propre réticence à l'encontre de cette requête, elle eut peur d'avoir brusqué la jeune fille. Il était étrange qu'Opale s'attarde plus longtemps que nécessaire sur une inconnue, elle que la simple idée d'une discussion terrifiait.

Mais elle sentait qu'il fallait qu'elle en sache plus sur cette fille. Une curiosité surprenante la poussait à lui parler. Comme si elle était atteinte d'une nouvelle obsession, celle de connaître autre chose que des formules magiques. Au départ, la question avait été retournée par politesse, mais Opale n'était plus entièrement sûre que ce soit toujours le cas. Et elle ne s'en félicitait pas. Comme si elle avait besoin de porter un quelconque intérêt à une étrangère.

- Leighton Farber.

Le pire était sans doute qu'elle n'arrivait pas à retrouver son indifférence. Maintenant qu'elle savait son nom, elle fut effrayée de le connaître. Il ne manquerait plus qu'à ce qu'elle s'en serve pour la retenir lorsqu'elle partira. La blonde savait qu'il y avait un risque pour que ça se produise. Mais elle refusait de le prendre en compte.

Leighton recula et rebroussa chemin sans emporter de livre. Opale paniqua. Aussi bornée qu'elle fut, elle avait décidé que cette rencontre n'avait pas été commanditée par hasard. C'était un échappatoire qu'on lui lançait. En s'y hissant elle délaisserait momentanément son côté néfaste, elle le sentait. Mais elle avait trop peur pour se lancer dans une telle aventure. Elle ne savait pas ce qui l'attendait si elle se comportait gentiment, et l'ignorer lui convenait.

Malgré sa volonté à ne pas vouloir insister, elle fit un pas en avant. Étrange. Alors tout bas elle murmura un au revoir en direction de cette mystérieuse Leighton Farber, qui, elle pouvait le dire, lui avait parut fort semblable à elle-même. Ensuite, incapable de bouger, elle resta plantée au milieu de l'allée principale. Victime d'une envie ingérable de revoir la Gryffondor qui cheminait déjà vers la sortie.