>> I walked you home most days, I had the best intentions [ Chris & Holly ]

Il se retourna finalement et elle fit taire cette ridicule petite voix. Elle n'avait pas envie de réfléchir à la façon dont elle devait agir, pas maintenant, pas quand elle était épuisée mais étrangement légère, à la fois portée par cet élan étrange qui habitent ceux qui ont besoin de sommeil et par insouciance que lui inspirait les baisers et la présence de Chris.

Non, elle ne voulait pas avoir à calculer des attitudes qui sembleraient normales et qui ne paraitraient pas trop niaises, pas quand il lui souriait et avait l'air soulagé de la voir aller un peu mieux. Il est certain que propre, dans des vêtements qui n'étaient tachés ni de sang ni de boue, elle devait clairement avoir l'air beaucoup plus vaillante et humaine...

Il combla la distance qui se trouvait entre eux, s'approchant pour déclarer :

- Tu attirera moins les soupçons comme ça.

Ah ça. C'était évident. Elle avait l'air normale. Et hormis Tucker, qui sentait les auras, et Lily Evans, la préfète en chef, personne ne connaissait son secret, personne ne savait qu'elle avait quelque chose à cacher, à se reprocher, qu'elle n'était pas aussi douce qu'elle pouvait le faire penser.

Son sourire s'élargit encore, si c'était possible, quand il posa un baiser délicat son front avant de l'entrainer vers le canapé. Elle n'était plus certaine d'avoir encore sommeil, en fait. Elle voulait discuter avec lui, l'embrasser encore et encore, se blottir dans ses bras et se sentir légère... Mais dormir, c'était prendre le risque de se réveiller plus tard et qu'il ne soit plus là. Elle ne lui en tiendrait pas rigueur, parce qu'il devait aller en cours, elle refusait qu'il s'attire des ennuis par sa faute, pour une requête qu'elle avait formulé, mais tout de même...

Elle se laissa tomber dans l'assise, parmi les coussins et il s'installa à côté d'elle. Presque immédiatement, elle posa sa tête sur son épaule, réellement heureuse qu'il existe quelqu'un qui ne juge pas sur ce qu'il savait, qui se fichait apparemment de sa lycanthropie, quelqu'un de différent, dans le bon sens du terme, quelqu'un comme Chris. Elle le connaissait à peine mais déjà, elle avait confiance en lui et elle savait qu'il trouverait le moyen de lui redonner le sourire peu importe ce à quoi elle se retrouverait confrontée.

En fait, maintenant qu'elle était posée, calme et sereine, elle réalisait qu'une sieste ne serait sans doute pas du luxe, et qu'elle ne tarderait pas à sombrer. Elle releva la tête, remontant ses jambes dans le canapé pour se recroqueviller avant d'aller réclamer un baiser, un sourire amusé mais tendre aux lèvres. A nouveau, elle sentit son cœur s'emballer et son ventre se tordre alors que paradoxalement, toutes ses forces la quittaient et elle avait l'impression de sombrer doucement mais inéluctablement.

Il répondit à sa demande silencieuse, l'embrassant doucement, tendrement, manquant de la faire frisonner. Merlin qu'elle aimait ces baisers, ses baisers. Non pas qu'elle ai un élément de comparaison, mais pourtant, elle se sentait si bien près de lui, oubliant toutes les atrocités qu'elle avait traversé, qu'elle avait l'impression d'être parfaitement ordinaire, de n'avoir aucun retard social et de savoir ce qu'elle faisait.

Elle voulu protester quand le baiser cessa mais elle n'en eut pas la force, trop fatiguée par sa nuit et apaisée par Chris pour arriver à être véhémente encore une fois. Elle se sentit manipulée, elle bougeait, ne résistait absolument pas, et bientôt, elle fut allongée. Elle sentit qu'il glissait un coussin sous sa tête et la recouvrait d'un plaid mais elle était déjà trop loin pour le remercier ou ne serait-ce qu'ouvrir les yeux et lui sourire. Elle sombrait, doucement mais surement, se sentant engourdie. Ainsi allongée, elle n'allait pas tenir longtemps, même si elle voulait lutter.

Elle se retrouva bientôt dans l'atelier où elle avait fait faire son tatouage, deux ans auparavant, contre l'avis de sa mère, durant une sortie avec ses cousins. Personne n'avait comprit le véritable signification, et le tatoueur lui avait demandé si elle était certaine qu'il s'agisse bien de ce qu'elle voulait, répétant inlassablement que ce n'était pas une décalcomanie, qu'elle ne pourrait pas le retirer. Il ne comprenait pas qu'une jeune fille "aussi adorable que toi, bouclettes" puisse vouloir quelque chose d'aussi "rebelle". Les moldus avaient des notions bizarres, parfois. Elle lui avait fait comprendre qu'elle voulait réellement ça, qu'elle le payait pour qu'il plante son aiguille dans sa peau, pas pour qu'il lui fasse une psychanalyse quand à ses besoins et ses envies. Elle avait assez des psychomages de Ste Mangouste pour ça...

Elle revit l'intégralité de la scène, sentant presque les picotements de l'aiguille sur sa peau et esquissant des petites grimaces pour chasser la gêne...

Quand elle se réveilla, elle ne se sentait plus si légère, plus si bien et elle su que quelque chose clochait. Elle ouvrit les yeux, tombant nez à nez avec Chris qui la regardait et ne saisit surement pas le regard dubitatif qu'elle lui adressait. Elle n'aimait pas ça, elle ne supportait pas le sentiment oppressant qui montait dans sa poitrine, elle avait peur, parce que ça recommençait. La peur, les idées noires, ce qui l'avait poussé à entrer chez un tatoueur pour se marquer définitivement...

Puis elle comprit. Elle se redressa, et manqua de jurer. Elle avait oublié ses anxiolytiques. Stupide, gamine inconsciente et stupide... Mais presque aussitôt, ses cachets apparurent sur la table. Médicaments moldus, elle détestait devoir son salut à ses comprimés, mais elle n'avait pas le choix. Elle attrapa la boite et tira l'emballage, plaçant trois pilules ovales et blanches au creux de sa main avant de les avaler, basculant sa tête en arrière.

Maintenant, restait à attendre que les substances fassent effets et l'anesthésient, éloignant les pensées glauques, la peur, le sentiment d'écrasement et les envies suicidaires. Elle se pencha un peu en avant, assise, plantant ses coudes dans ses genoux et tournant la tête pour adresser un regard à la fois effrayé et désolé au jeune homme.

Elle avait si peur de ce qui l'habitait, comment avait-elle pu être suffisamment étourdie pour oublier son traitement ? Du bout des doigts, elle alla appuyer sur son tatouage avant de retracer les lettres avec la pulpe de ses phalanges. Stupide, stupide, stupide. Il ne faudrait pas s'étonner s'il partait. Malade, dangereuse, et barge... tout pour plaire...

Elle ne réagit pas immédiatement quand il passa un bras autours ses épaules, l'attirant contre lui avec la gentillesse qui le caractérisait. Il posa ensuite son menton sur sa tête, avant de demander simplement, dans un murmure sans fausse compassion ni pitié, juste une question :

- Anti-depresseurs ?

Elle ne bougea pas, restant parfaitement immobile dans ses bras, attendant patiemment que les songes saugrenus, les idées dérangeantes s'évaporent, ne soient plus qu'un lointain souvenir, comme lorsqu'elle n'oubliait pas ses cachets. Elle avait été idiote. Si elle ne s'était pas réveillée, les effets se seraient encore amoindris, et elle serait devenue dangereuse pour elle même, encore une catastrophe. Comme si elle avait besoin de ça.

Lentement, sentant une boule se former dans sa gorge, elle pivota vers Chris et passa un bras autours de sa taille, s'accrochant à lui comme s'il avait toujours été là, comme s'il était à même de réellement comprendre sans prendre peur, sans juger, sans se rendre compte qu'il était entrain de s'enticher d'une fille mentalement dérangée, en plus d'être une hybride, un rebut de la société sorcière. Elle se redressa un peu, enfouissant sa tête au creux de son cou avant de murmurer difficilement :

- J'ai fait pas mal de bêtises, d'erreurs, durant les deux dernières années... Je n'aime pas les anxiolytiques, mais il le faut... je...

Elle se tut. Elle avait été sur le point de dire qu'elle était désolée. Désolée de ne pas être parfaite, de ne pas être l'adorable petite adolescente sans problème qu'il méritait sans doute. Mais elle s'excusait trop. Elle avait l'impression de passer sa vie à s'excuser. De l'insulter, de lui faire du mal, de le juger, de l'envoyer paître quand il l'aidait, quand il l'embrassait... Il fallait qu'elle se reprenne, qu'elle chasse les larmes qui montaient dans sa gorge et qui avait été audible dans sa phrase.

Il fallait surtout qu'elle chasse les images de Ste Mangouste, et ceux d'avant, de l'hôpital moldu. Qu'elle se sépare des souvenirs douloureux de son lavage d'estomac, des réminiscences cuisantes de la honte et de l'embarras qu'elle avait ressentit face à ses parents... Il fallait qu'elle vive. Qu'elle vive avec sa lycanthropie, qu'elle vive tout simplement, elle n'avait pas le droit de se foutre en l'air, il ne fallait même pas qu'elle y pense, les médicaments étaient là pour ça.

Elle inspira profondément, avalant sa salive et par la même ses larmes, mais elle ne bougea pas pour autant. Le réveil avait été brutal, elle avait l'impression de tout gâcher, mais pourtant, il était toujours là, elle ne le rebutait pas suffisamment pour qu'il parte immédiatement.

Ce qu'elle craignait un peu arriva. Le questionnaire, l'interrogatoire. Tout le monde laissait libre court à ce genre de pratique, mais en plus, Chris était curieux, il questionnait, elle l'avait bien vu pendant leur jeu d'Action ou Vérité, au bord du lac, deux jours auparavant.

- Tu en prends depuis longtemps ?

Mais étonnement, cela ne la gêna pas plus que ça. Il avait, en un sens, le droit de savoir, puisqu'elle lui laissait une place dans sa vie, une place qui jusqu'alors n'avait jamais été prise. Même si elle ne savait pas quoi faire ou comment réagir face à lui, elle voulait répondre. Premièrement, il n'était pas intrusif, et elle se doutait bien qu'il n'insisterait pas si elle refusait d'en parler. Deuxièmement, elle avait confiance en lui. Aussi saugrenu que cela puisse sembler, puisqu'elle ne le connaissait pas plus que ça, elle voulait croire en lui, au fait qu'il ne trahirait pas son secret et qu'il ne la jugerait pas.

Fermant les yeux et tentant de ne pas se laisser submerger par les images qui venaient automatiquement avec ses mots, elle commença à répondre, murmurant faiblement, timidement, comme si elle était entrain d'avouer une faute grave :

- J'ai passé quinze jours dans un hôpital moldu... Puis neuf mois à Ste Mangouste, l'hôpital magique londonien... je suis sortie de là bas il y a environ six mois. Je suis sous traitement depuis, ils ne veulent pas me revoir tout de suite...

Ouh. Ça faisait beaucoup. Beaucoup trop ? Elle n'en avait aucune idée, mais elle s'en rendrait compte bien assez tôt. Instinctivement, elle relâcha un peu la prise, l'étau presque désespéré qu'elle avait maintenu autours de lui pour lui laisser le loisir de partir, de s'éclipser, s'il la trouvait subitement trop folle pour lui.

Elle tremblait presque, elle n'aimait pas se souvenir des raisons qui l'avait conduite à se retrouver dans le service pédiatrique de l'hôpital Adam Sanders, à Londres, mais elle avait appris, avec les psychomages, à ne pas redouter les conséquences des actes passés, à simplement vivre avec et tenter d'avancer, sans se sentir coupable. Elle avait voulu prendre sa vie, maintenant, elle allait mieux, c'était le principal, et tant qu'elle n'oubliait pas ses médicaments, tout irait bien... D'une voix cadavérique mais plus forte que ce dont elle se serait cru capable, elle ajouta, pour terminer son explication :

- J'ai essayé de me foutre en l'air, je me suis ratée, ils m'ont interné... C'était il y a presque un an et demi, c'est loin...

Il n'y avait aucun reproche dans sa voix, mais elle se doutait bien que cette fois-ci, c'était trop. Même si c'était du passé, les marques restaient là, présentes, surement de plus en plus visible aux yeux du jeune. Les termes "internement" et "suicide" faisaient peur, ils faisaient penser à "camisole", "asile", "dépression"... rien de bien engageant. Doucement, à regret mais résignée, elle se dégagea des bras de Chris et se redressa un peu avant de se proster dans l'assise du canapé.

- Je suis heureux que tu sois là.

Là. Là, comme dans "ici, dans cette pièce" ou là comme dans "avec nous, dans le monde des vivants". Quoi qu'il en soit, elle esquissa un sourire qu'il ne vit surement pas, et elle se détendit un peu.

A travers l'étoffe de son t-shirt blanc, elle sentit un baiser sur son épaule, délicat mais un peu distant. Elle se rendit compte que c'était elle qui la créait, cette distance, que jamais, pas une fois depuis qu'il savait, il ne l'avait repoussé, elle l'éloignait, elle s'éloignait, et il faisait des pieds et des mains pour signifier sa présence et son envie d'être avec elle. Elle se sentit un peu mal, se souvenant que lorsqu'il avait entendu le terme "Louve" dans la forêt, il ne l'avait pas regardé avec un air profondément dégouté, non, il avait resserré ses doigts autours de la main d'Holly-Rose. Il avait d'ailleurs affermit cette prise quand elle avait voulu filer, quand elle avait pensé qu'il allait se mettre à l'injurier avec une condescendance répugnée...

- Vraiment.

Elle pressa fermement ses lèvres l'une contre l'autre, fermant les yeux pendant une seconde pour ne pas se mettre à trembler, suite au contre-coup de tout ce qu'il s'était passé depuis la tombée de la nuit, mais déjà, sa transformation semblait bien loin, et à présent, elle avait un mois de répit. Un mois complet, jusqu'à la prochaine pleine lune, jusqu'à ce que la morsure que Greyback ne fasse son effet. Il avait marqué sa chair et dont il ne restait qu'il énorme cicatrice vers son épaule, comme si la mâchoire du loup-garou n'avait été qu'un piège de braconnage autour de sa clavicule...

Se reprenant un peu, elle pivota dans le canapé, ne voulant pas lui tourner le dos, n'aimant pas la symbolique. C'était stupide mais elle y voyait un mauvais présage, il valait mieux qu'elle évite de s'éloigner de la sorte, même si ce n'était que pour quelques secondes, même si la distance n'était que de quelques dizaines de centimètres...

Doucement, hésitant quant à son geste, elle saisit la main de Chris, qui était posée sur le tissu du canapé, et la sera précautionneusement entre les siennes avant de demander, fixant résolument leurs doigts et n'osant pas reveler la tête.

- Je ne te fais pas peur ?

Elle avait besoin de savoir qu'il n'était pas là par pitié, qu'il ne restait pas pour se donner bonne conscience et qu'elle le dégoutait. Elle se doutait bien que cette question semblerait sans doute absurde mais elle avait besoin de savoir. Leur début de relation, si on pouvait l'appeler ainsi puisqu'en fait, rien n'avait été clairement énoncé , l'effrayait un peu de par sa nouveauté mais également par le fait qu'il allait prendre des risques inconsidérés. Elle en était intimement persuadée, elle savait qu'il insisterait pour venir la soigner après chaque pleine lune, et que bien entendu, les Accromentules guetteraient à nouveau... Et si ces araignées avaient été la pire chose que contenait la forêt interdite, c'eut été un miracle.

Et puis il y avait sa quête. Elle repensa au journal qui l'attendait dans sa chambre, le carnet de son père, celui avec toutes les informations sur les mangemorts, celui qui lui permettrait de remonter jusqu'à Greyback. Elle avait su depuis le début qu'elle se ferait tuer en tentant de le refroidir, mais Chris la laisserait-elle partir au combat s'il savait ? Surement pas, elle commençait à le comprendre. Il ne faudrait pas qu'il sache, pour ses recherches, pour son approche avec Amycus Carrow, le professeur vantards et lugubres qui parlait très, voir trop, facilement de ses camarades les sbires de Voldemort.

Resserrant un peu ses doigts et allant les emmeler dans ceux du jeune homme, elle attendait une réponse. Quitte à ce qu'il lui fasse mal en disant que oui, elle l'effrayait, elle voulait la vérité. Elle le laisserait partir si c'était ce qu'il voulait, après tout, elle n'avait pas à le retenir, il en avait fait suffisamment.

- Parce que je n'y trouvais pas ma place.

Elle pensa qu'en un sens, ils se ressemblaient sur ce point. Tous deux étaient dans cette école de magie parce qu'ils n'appartenaient pas là où il avait grandit. Holly-Rose avait été mise à la porte par une génitrice fatiguée et effrayée de la lycanthropie de sa fille unique, et même si elle ignorait les raisons du départ de Chris, si elle n'en connaissait pas les détails, elle se doutait que cela ne devait pas être anodin... On ne traversait pas le continent Nord-Américain et l'Atlantique pour une simple bagatelle...

- Rien ne me retenait là bas, excepté Teagan. Et je ne voulais pas l'embarquer dans quelque chose qui ne lui aurait peut-être pas convenu. Elle a une famille, elle.

Donc, lui n'en avait pas. Elle se mordit la lèvre inférieure, se souvenant des réponses qu'elle avait obtenu durant leur jeu près du lac. La pire chose qu'il puisse lui arriver eut été que son père mette la main sur lui, et le pire souvenir, la pire scène à laquelle il lui ai été donné d'assister concernait aussi ses parents... Elle se sentit un peu mal d'avoir amené Chris à parler de ça, elle se doutait que le sujet devait être douloureux et sensible... Elle ferait attention à l'avenir, elle ne voulait pas qu'il se braque, encore moins qu'il se sente obligé de parler de lui pour compenser ce qu'il savait sur elle. Ce n'était pas une affaire d'équité, elle ne voulait pas extorquer ces informations. A vrai dire, toutes les anecdotes, les bribes de son passé prendraient de la valeur s'il en parlait de lui même. Elle attendrait donc.

Chris semblait n'avoir besoin de personne. Indépendant, il avait une maturité indubitable dans le regard qu'il portait sur le monde, et le simple fait qu'il mentionne le fait de n'avoir pas d'attache comme une raison de partir de son foyer angoissait la jeune femme plus que de raison. Il avait laissé Teagan, une amie d'enfance, quelqu'un avec qui il avait grandit, sa meilleure amie et était parti... Que ferait-il quand il en aurait assez de Poudlard. Sans fausse modestie, elle savait très bien qu'elle devait largement moins compter dans la balance...

Maintenant, elle avait peur de le voir partir. Non pas quitter cette pièce, comme quelques instants auparavant, mais quitter l'école, le pays, partir, et ne pas se retourner. Elle s'avançait peut-être, mais il ne semblait pas du genre à regarder par dessus son épaule... Holly-Rose stoppa ses supputations douteuses, consciente que son cerveau tournait au ralenti à cause des cachets. Tant qu'à faire, autant le demander clairement, plutôt que de partir dans des élucubrations sans queue ni tête.

- Est-ce-que tu as trouvé ta place ici, dans cette école ?

De plus en plus, elle se demandait ce qu'il fichait à Serpentard. Elle le voyait Serdaigle. Calme, intelligent, réfléchit, honnête et curieux, il n'avait rien à faire chez les manipulateurs ambitieux et sournois de la maison de Salazar.

Elle se redressa un peu, ne se soustrayant pas à lui pour autant, elle planta son regard dans celui du jeune homme, leurs visages si proche quelle sentait son souffle brosser ses lèvres.

Il esquissa un sourire et passa sa main dans les cheveux d'Holly-Rose, avant de répondre :

- Je me sens bien ici, oui. Et puis, j'ai une attache plutôt importante, désormais...

Le cœur de la jeune femme manqua un battement puis reprit son rythme, comme si l'incartade n'avait pas eut lieu. Elle se demanda s'il était conscient d'avoir dit exactement ce qu'elle avait besoin d'entendre, ce qu'il lui fallait réellement pour être soulagée ? Pendant plusieurs secondes, elle l'avait imaginé faisant léviter sa malle et marchant vers les grilles de Poudlard. Elle ne voulait pas que ça arrive, pas quand elle venait de le trouver, pas quand elle commençait à réaliser qu'il y avait peut-être un espoir, une chance pour que cette année ne soit pas totalement inutile.

A son tour, elle se mit à sourire, ankylosée et engourdie par ses anxiolytiques mais si légère qu'elle avait envie de rire. Il était peut-être présomptueux de penser que c'était elle, l'attache dont il parlait, mais le fait qu'il n'ai pas terminé sa phrase le laissait sous-entendre fortement. Alors peut-être qu'elle ne s'emballait pas comme une idiote, peut-être qu'elle était autant pour lui qu'il était pour elle...

Holly-Rose remonta sa main contre le visage du jeune homme, soutenant encore son regard pendant quelques instants avant de fermer les yeux et de se pencher un peu en avant, pour l'embrasser. Il y avait, dans ce baiser qui s'enflammait doucement, toute la reconnaissance qu'elle avait à son égard, ainsi que cet attachement naissant et sincère, cette envie de le connaitre et de rester près de lui qui habitaient la jeune. Elle voulait qu'il la serre dans ses bras, que ce moment ne s'arrête sous aucun prétexte, et qu'il y en ai des dizaines d'autres comme celui-ci. Elle sentait son ventre se tordre, et elle devait lutter pour ne pas sourire, mais elle était bien, parfaitement bien, blottie contre lui, appuyée contre son cœur.

A regret, elle mit fin au baiser quand ses poumons lui crièrent grâce et presque immédiatement, elle enfouit sa tête dans son cou, respirant doucement son odeur, s'en imprégnant, et déposant sporadiquement ses lèvres conte sa peau. Il n'y avait rien à dire, du moins, elle n'avait pas de mot assez fort pour le remercier. Un simple merci aurait semblé si dérisoire et pathétique. Dans sa poitrine son cœur battait à tout rompre, comme il n'avait battu pour personne avant. C'était nouveau, grisant, et elle ne voulait pas à avoir à s'en passer. Elle ne voulait pas devoir vivre sans lui à présent qu'elle avait goutté à la tranquillité de ses bras...

- Je resterai aussi longtemps que tu me voudras à tes côtés.

Elle était blottie contre lui, appuyée contre son torse comme si c'était la chose la plus naturelle du monde, perdue quelque part entre ses bras, dans cette pièce qui n'existait pas réellement, hormis pour eux deux. Elle frémit légèrement quand il laissa sa main courir sur son corps, mais ne protesta pas plus que ça, réalisant que ses doigts stagnaient simplement sur sa taille et qu'il la tenait, qu'il la gardait contre lui.

- Tu te lassera de moi avant que l'inverse ne se produise, tu sais...

Elle avait apprit que les gens ne supportaient pas bien les problèmes, sur le long terme. Sa propre mère l'avait chassé à cause de sa lycanthropie, et selon elle, n'importe qui d'autre pouvait le faire. Elle ne doutait pas des bonnes intentions du jeune homme, mais elle savait également qu'adviendrait un temps où il n'en pourrait plus, où il lui faudrait prendre ses distances avant de se perdre. Elle espérait sincèrement que cet instant arrive le plus tard possible, mais après tout, s'il abandonnait, elle n'aurait aucun droit de le retenir.

Chassant ses pensées de mauvaise augures, elle se détendit un peu, cessant de contracter sa nuque, d'être aux aguets, sur la défensive. Précautionneusement, veillant à ne pas lui décocher un coup dans la manoeuvre, elle déplia ses jambes et les passa par dessus les cuisses de Chris, posant ses pieds de l'autre côté et s'enfonçant doucement dans le canapé, toujours contre lui. Elle ne voulait pas dormir, mais elle sentait qu'elle était pourtant bien lancée pour paresser une bonne partie de la journée à ne rien faire, à simplement trainer...

En tant normal, l'idée l'aurait dérangé. Elle était active, toujours entrain de courir à droite et à gauche, toujours à s'occuper... mais forcément, les bras du jeune homme changeaient la donne, et elle était bien mieux à rester là, avec lui, plutôt qu'à se forcer à faire quoi que ce soit pour tuer le temps. Seulement...

- Tu as des cours, cet après-midi ?

Elle remarqua qu'elle n'avait pas la moindre idée de l'heure. Doucement, elle déplia son bras et regarda la montre qu'elle portait au poignet, à l'opposé du tatouage. Quinze heures... Combien de temps avait-elle dormi ? C'était en tout cas compromis pour les cours, mais s'il tenait à filer pour assister aux deux dernières heures, elle comprendrait...

- Plus ou moins, mais rien d'important.

Elle hésita pendant un instant entre un sourire soulagé et un regard incrédule. De ce qu'elle savait, de l'idée qu'elle s'était faite du jeune homme, il n'était pas du genre à faire l'école buissonnière... Elle ne protesta pas cependant, ce n'était pas comme si elle désirait sincèrement rester seule ou plus précisément, comme si elle voulait le voir partir.

- Tu veux rester ici un peu ?

Elle hocha doucement la tête, un sourire naïf mais heureux aux lèvres. Elle était bien, là. Sincèrement bien. Un peu drogué aux médicaments, pas forcément lucide et cohérente, encore fatiguée de sa nuit, engourdie par le reste, affamée, mais elle se sentait légère, insouciante, normale...

- J'ai une dérogation de Miss Moor, pour ne pas aller en cours après chaque...

"Pleine lune". Elle le pensa mais ne le prononça pas à haute voix, sachant que, de toute manière, Chris savait très bien de quoi elle parlait.

- Et puis, je ne suis pas certaine d'avoir les capacités de bouger... et encore moins l'envie, de toute façon.

Elle resserra doucement ses doigts qui se perdaient toujours dans les cheveux de Chris, brossant ses phalanges contre sa nuque et se laissant aspirée par la sensation de tournis qui s'emparait d'elle. Elle était groggy, mais ce n'était pas foncièrement désagréable... Cela lui rappelait un peu l'ivresse, en beaucoup moins décadent cependant, plus contrôlable... Et l'avantage des anxiolytiques étaient qu'elle ne dériverait pas dans des idées saugrenus, dans des songes dépressifs. Non, là, tout irait bien.

- Je suis bien ici... dans tes bras...

Elle sentit ses joues s'empourprer, mais n'y prêta pas réellement attention. A nouveau, elle lutait contre le sommeil, mais ne faisant définitivement pas le poids, elle sombra presque pathétiquement, tête appuyée contre l'épaule de Chris, sa main glissant jusqu'à son cou puis le long de son torse alors qu'elle se laissait emporter par Morphée...

Chris termina rapidement et posa sa plume, sa nuque se détendant presque aussitôt alors qu'il basculait la tête en arrière, appuyant son crane contre le dossier de la chaise. Immédiatement, il passa une main derrière le cou de la jeune femme et l'attira pour l'embrasser. Une bulle de soulagement explosa dans la poitrine d'Holly-Rose, alors qu'elle réalisait qu'il ne s'agissait pas juste d'un moment d'oubli, de quelque chose qui ne voulait rien dire, que leurs baisers échangés dans la forêt, dans le parc, n'étaient pas simplement le contre-coup de la peur, de la pitié et de la colère. L'adrénaline était retombée, il avait eut le temps de réfléchir sans doute, de prendre en compte tous les paramètres de ce qu'elle était, et elle... Elle était redevenue l'adolescente qu'elle présentait à tout le monde, calme et souriante, sans problème, sans passé douloureux, et pourtant, il n'y avait rien qu'elle ne désirait plus à cet instant précis que d'être dans ses bras, simplement contre lui.

- Bien dormi ?

Il eut un sursaut de rire avant qu'elle ne réponde et dans la foulée, il ajouta :

- A nouveau...

Elle se mordit les lèvres en souriant. Ah, ça... Oui, elle avait passé la majeure partie de la journée à dormir sur le canapé... Entre la nuit et les anxiolytiques, il ne fallait pas chercher bien loin. Mais maintenant, elle se sentait bien, encore un peu fatiguée, peut-être, comme un lendemain de fête un peu arrosée où la nuit se fait courte, mais relativement bien. Les courbatures étaient minimes, elle n'avait plus de blessure grâce à l'intervention du jeune homme, et également grâce à Chris, elle avait envie de sourire.

Il avait rapidement bougé son fauteuil pour lui faire face, et il embrassa délicatement la main de la jeune femme, qu'il tenait entre ses doigts.

- C'est probablement le meilleur lendemain de transformation que j'ai vécu...

Elle se pencha en avant, sans détacher leurs doigts, et alla doucement embrasser le jeune homme. Dans le mouvement, ses cheveux s'étaient à nouveau libérer, cascadant autours de son visage et allant encadrer celui de Chris, en contre bas. Elle se laissa guider pendant un instant, approfondissant le baiser, happant doucement ses lèvres alors que les siennes se fendaient sous un sourire.

Il lui fallut une volonté phénoménal pour mettre fin au baiser et, alors qu'elle posait sa main libre contre la mâchoire du jeune homme, restant tout près de son visage, elle ajouta :

- En fait, non... Pas de "probablement", pas d'hésitation... Juste une certitude, c'est le meilleur lendemain...